Exécutée depuis quelques jours maintenant, l’expulsion de Scott Campbell, le désormais ancien directeur/RDC du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH), continue à soulever des vagues en tous sens.
Des responsables politiques européens à ceux des organisations de défenses des droits humains, en passant par la haute hiérarchie de l’Organisation des nations unies, tous condamnent cette décision extrême du gouvernement congolais.
La situation n’est pas différente en RDC même. L’opposition politique a pris position en condamnant cette expulsion du fonctionnaire onusien. La société civile de la RDC n’a pas été distraite et s’est exprimé dans le sens de tous les précités.
Par la bouche de son porte-parole, le gouvernement congolais a déclaré ne pas revenir sur sa décision pendant que, de son côté, le secrétaire général de l’organisation mondiale, Ban-Ki Moon, mais également plusieurs autres organisations, ont demandé à la RDC de la reconsidérer.
La prise de position de l’opposition ne peut étonner personne. La situation est pratiquement la même dans les pays sous-développés : l’opposition s’oppose absolument à tout, yeux fermés. C’est cela, croit-elle, son rôle. De leur côté, les gouvernements sont tellement conscients de cette vision des choses de leurs oppositions qu’ils ne les écoutent justement pas.
Mais il y a un hic pour ce qui concerne la Société civile. Celle de la RDC a souvent été accusée d’être politique. Et dans cette conception, elle est plutôt rangée dans l’opposition. Cette » accusation » la déshonore quelque peu. En tout cas, elle ne l’honore pas et a même tendance à la dénaturer, c’est-à-dire à l’écarter de sa noble vocation.
Les attaques faisant d’elle tantôt un allié de l’opposition, tantôt un membre à part entière de l’opposition, tantôt encore une substitution de cette frange de la classe politique, émanent, bien entendu, des membres du gouvernement, ainsi que de ceux qui s’en disent proches.
C’est de bonne guerre tout cela, mais pour sa crédibilité, les organisations de la société civile, particulièrement celles spécialisées dans la défense des droits de la personne humaine, devraient s’efforcer de faire la part des choses, en se démarquant nettement d’une prise de position partisane.
A l’inverse des politiciens, lesquels, quel que soit le bord auquel ils appartiennent, n’utilisent le peuple que comme marchepied, la société civile devrait n’être que du côté de celui-ci. Or, dans l’affaire opposant le gouvernement de la RDC au directeur RDC du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme, quel est la part du peuple ?
Les Congolais, particulièrement les Kinois, ont vécu des années noires avec les kuluna. Suivant le principe de la continuité de l’Etat, le gouvernement congolais a une grande part de responsabilité dans le développement de ce banditisme urbain.
Depuis des décennies, en effet, plusieurs analystes, et avec eux des organes de presse, tiraient la sonnette d’alarme sur la bombe à retardement que constituaient les enfants de rue qui se multipliaient comme des champignons.
Mais personne, apparemment, dans les différents gouvernements qui se sont succédé dans le pays, n’y faisait attention. Et la bombe maintes fois annoncée a fini effectivement par éclater. Les kuluna ne sont pas forcément une création de ces enfants qu’on a toujours accusé la rue d’avoir engendré, mais ces jeunes gens, véritables têtes brûlées, ont donné un bon coup de pouce à ces bandits de grands chemins.
Les Kinois vivaient désormais dans une certaine peur, hantés par le spectre d’être attaqués par les kuluna chaque fois que la nuit les surprenait hors de chez eux. Or, Kinshasa est une ville. Et dans une ville, il est impossible de limiter les activités à la journée.
Sans esprit partisan, les organisations de la société civile, qui vivent parmi la population, ne pouvaient pas ne pas appuyer le gouvernement dans ce qui a été la traque des kuluna, à travers l’opération likofi. Il faut d’ailleurs reconnaître que le gouvernement a rarement été aussi quasi-unanimement applaudi que lors de cette salutaire opération.
Le mal avait tellement gangrené la société que malgré les grands moyens utilisés pour le combattre, il n’a pas été éradiqué. Il n’a fallu, en effet, que de quelques mois après la fin de la première phase de l’opération likofi pour que les kuluna reprennent du service, servis en cela par le retour massif de ceux d’entre eux qui s’étaient réfugiés à Brazzaville.
Et les Kinois se sont mis à exiger la reprise de leur traque. Et voilà que le bureau onusien choisit le moment où le Premier ministre annonçait l’entrée prochaine en matière de la deuxième phase de l’opération Likofi pour rendre public son rapport.
Ce rapport peut donc amener le gouvernement à fléchir sa position, à utiliser moins de muscles dans cette phase annoncée. Les grands bénéficiaires de cet affaiblissement seront, on s’en doute bien, les kuluna.
Or, on ne peut parler de gagnants que s’il y a, à côté, des perdants. Et les perdants seront donc les pauvres Kinois, les pauvres Congolais. En ce moment-là, la société civile sera-t-elle embarrassée, ou changera-t-elle carrément de position et de langage, en demandant au gouvernement de durcir ses méthodes ?
La société civile a un grand rôle à jouer dans ce pays, et elle gagnerait beaucoup de galons, d’estime et de notoriété, en s’efforçant de n’être que du côté du peuple. Celui-ci, qui ne se retrouve nullement dans ses politiciens, se retrouverait totalement dans elle.
Jean-Claude Ntuala