Aucun média n’a depuis publié la lettre des frondeurs de la majorité adressée à Joseph Kabila. C-NEWS via
ses sources a réussi à s’en procurer. Dans cette lettre signée par Charles Mwando Nsima, Yves Mobando, Olivier
Kamitatu, José Endundu, Banza Mukalayi et autres, les cardinaux de la MP ont signifié à Kabila la rupture
de la majorité avec la population d’une part, et d’autre part avec la communauté internationale suite aux dernières manifs de Kinshasa, les dilatoires sur la modification de la Constitution afin de maintenir Kabila au-
delà de son mandat, la mauvaise gestion de la chose publique, le découpage controversé de la territoriale. La
correspondance a été directement adressée à Kabila à lire sur l’en-tête de la lettre. Les frondeurs ont refusé
de passer par quatre chemins pour que leur inquiétude arrive directement à qui de droit.
Président de République Démocratique du Congo
Au Palais de la Nation
Kinshasa / Gombe
Avec l’expression de toute notre déférence
Excellence Monsieur le Président de la République,
Il nous est un honneur d’accuser réception de votre réaction a notre lettre du 22 février 2015
dans laquelle nous sollicitons une audience auprès de votre haute autorité afin d’échanger
avec elle sur les enjeux politique de l’heure.
Comme nous vous l’avions indiqué dans notre premier courrier, à travers cette démarche,
nous voulions vous exposer de vive voix et collégialement nos inquiétudes et nos
préoccupations par rapport à l’évolution de la politique du pays.
Après quinze années d’exercice du pouvoir, pendant lesquelles vous aviez réunifié le pays,
doté la Nation d’une constitution adoptée par la quasi-unanimité des Congolais, jeté les bases
d’une démocratie véritable, engagé des réformes économiques majeures et mis fin à
l’isolement diplomatique de la RDC, nous constatons aujourd’hui, hélas, un essoufflement qui
se traduit par des faiblesses susceptibles d’annihiler les progrès réalisés.
Le prouvent à suffisance le rejet des velléités de révisions voire de changement de
Constitution par la grande majorité de la Communauté Nationale, les violentes protestations
de rue qui ont marqué l’examen de la loi électorale et conduit à l’abandon de l’alinéa 3 de
l’article 8 de ladite loi, ainsi que la difficile maîtrise de la situation sécuritaire à l’Est du pays.
Tout cela a malheureusement conduit à la rupture du contrat de confiance entre notre pouvoir
et le peuple d’une part, et entre nos institutions et la Communauté Internationale de l’autre.
Face à cette situation délétère ou pour le moins défavorable à l’image de notre pays en général
et à celle du pouvoir en place en particulier, la Majorité Présidentielle, déchirée par ailleurs
par des contradictions et dysfonctionnements internes, n’a pas été capable de réagir comme
famille politique. Bien plus, elle ne semble plus en mesure de faire une nouvelle offre
politique crédible qui lui permette de se réconcilier avec la majorité sociologique du pays.
Dans ces conditions, il échet de se demander si les réformes politico-administratives que l’on
s’apprête à mettre en œuvre en ce qui concerne l’installation précipitée des nouvelles
provinces, l’organisation très controversée des élections locales et municipales ne risquent
d’aggraver la fracture nationale déjà observée et de planter le décor d’une crise politique
grave et difficilement maîtrisable dans les jours à venir.
De tout ce qui précède, motivés par le seul souci de sauvegarder les acquis et de poursuivre
l’œuvre commune de redressement national à laquelle nous nous sommes attelés jusque-là
sous votre leadership, nous estimons qu’il est grand temps pour la Majorité Présidentielle de
réévaluer sans complaisance son action à la tête de l’État, ses méthodes de travail, ses
politiques publiques, ses stratégies, sa structuration interne et son fonctionnement.
Dans cette perspective, le premier défi auquel nous devons trouver des réponses est celui de
rencontrer les aspirations de la population.
Et ce faisant, nous aurons aussi rencontré les préoccupations de la Communauté
Internationale.
Le deuxième défi et peut-être le plus important est de restaurer la cohésion interne à la
Majorité Présidentielle notamment par un dialogue franc, régulier et responsable ainsi que par
la solidarité en lieu et place des stratégies individuelles et partisanes. Le troisième défi enfin
est de gagner en toute démocratie et transparence les prochaines élections.
Telle est, à ce stade, notre modeste contribution à la réflexion sur l’avenir du pays et de la
Majorité Présidentielle.
Signé : Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza, Christophe Lutundula, Banza Maloba Dany,
Charles Mwando Nsimba, Olivier Kamitatu, José Endundu, Yves Mobando-Yogo, Christophe
Lutundula, Lapika et autres…