Dialogue politique : jusqu’où ira Kabila ?

Jeudi 26 novembre 2015 - 11:34

Le chef de l’Etat persiste sur la voie du dialogue politique en vue, promet-t-il, de planter le décor pour un environnement apaisé. Fort de l’adhésion de l’UDPS et d’Etienne Tshisekedi à ce projet, Joseph Kabila ratisse maintenant large dans son propre camp. Depuis le début de la semaine, il multiplie des réunions. Mardi dernier, il a informé le gouvernement de l’imminence du dialogue. Jusqu’où ira le chef de l’Etat ? La question est sur toutes les lèvres, d’autant que le dialogue reste un secret bien gardé par son principal initiateur.

Après avoir suspendu depuis juin dernier ses consultations avec les principales forces politiques et sociales du pays, le chef de l’Etat a repris son bâton de pèlerin pour prêcher le dialogue. Pour ce nouveau round de consultations, Joseph Kabila a choisi de commencer par le gouvernement qu’il a réuni, mardi dernier, en conseil des ministres autour de cette question.

         A en croire le compte-rendu lu sur les antennes de la télévision nationale par le porte-parole du gouvernement, un seul point figurait à l’ordre du jour de cette réunion, à savoir « la communication de S.E. Monsieur le Président de la République sur le dialogue politique inclusif qu’il s’apprête à organiser ».

Devant l’exécutif central, Joseph Kabila a réitéré sa détermination à amener le peuple congolais au dialogue. Il a indiqué qu’« il tenait à consulter le Conseil des ministres au sujet du dialogue politique comme il l’a fait depuis le mois de juin dernier avec diverses autres institutions et composantes de la communauté nationale ». Il a reconnu que le chemin qui mène au dialogue est tortueux et ponctué d’obstacles majeurs. Au Conseil des ministres, le chef de l’Etat a fait mention des « difficultés nées du processus électoral et les défis à relever à ce sujet, de même que quelques contradictions apparues principalement au sein de la classe politique ». Sans donner d’autres précisions, il a annoncé à ses interlocuteurs qu’au terme de ses consultations, « il fixera l’opinion incessamment sur l’option qu’il a levée à cet effet ».

         Par conséquent, le chef de l’Etat a invité les membres du gouvernement, « aussitôt l’option levée, à s’impliquer, individuellement et collectivement, dans sa mise en œuvre en ayant présent à l’esprit la nécessité de garantir la paix, la stabilité et la poursuite harmonieuse et apaisée du cycle électoral ». Attend-il quelque chose de spécifique des membres du gouvernement ? C’est ce qu’on peut insinuer – à première vue, d’ailleurs. Ce qui, vraisemblablement, suscite des interrogations.

 

QUE VISE KABILA ?

            La question est au centre de la problématique du dialogue politique. Que veut réellement Kabila ? Tout le monde se pose cette question. Mais personne, même ceux qui ont été consultés en juin dernier par le chef de l’Etat, n’ont pu y apporter une réponse. L’un d’entre eux, l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, s’est aussi perdu en conjectures, au sortir d’un entretien avec le chef de l’Etat. A la presse, le cardinal est paru plutôt évasif sur le contenu réel du dialogue.

         Faut-il dialoguer ? A cette question, l’archevêque de Kinshasa y est allé par plusieurs détours, sans jamais aborder le vrai problème. « Oui, a-t-il dit. C’est l’objet de tous les jours ». Et de nuancer par la suite en ces termes : « Il faut qu’il y ait un dialogue si l’on sait exactement ce qu’on veut ». L’archevêque de Kinshasa a fini par lâcher le morceau : « Apparemment, le président de la République connaît l’objet de ce dialogue. Pourvu qu’on ne dépasse pas les délais constitutionnels… ».

         Les déclarations faites dans le temps par le cardinal Monsengwo traduisent tout le désarroi des acteurs tant politiques que sociaux autour de la question du dialogue. En réalité, personne ne sait dire avec exactitude de quoi sera fait ce dialogue ? Aujourd’hui, le secret est bien gardé – par le chef de l’Etat lui-même.

         Est-ce pour autant qu’il faut craindre le dialogue ? Pas nécessairement. Cependant, il faut craindre que le dialogue ne remette en cause l’ordre constitutionnel qui est née de premières élections de 2006. Prudent, l’archevêque de Kinshasa a pris le soin de rappeler l’impératif de prendre en compte les délais constitutionnels dans la dynamique du dialogue. Est-ce de cette manière que le chef de l’Etat voie les choses ? Difficile à dire.

         En essayant de décrypter les différents messages du chef de l’Etat et en les superposant aux faits et gestes de la Majorité présidentielle, bien des zones d’ombre entourent le dialogue. Jusqu’où ira Kabila ?

         En effet, en fin stratège, Kabila aurait réussi subtilement à amener l’UDPS à soutenir son projet de dialogue. Le grand coup de Kabila étant d’avoir finalement contraint cette dernière à renoncer à « l’impérium » qu’elle a toujours réclamé depuis les élections de novembre 2011. Hormis l’UDPS, Kabila est parvenu à disperser l’Opposition en multipliant des camps antagonistes, si bien qu’aujourd’hui, l’Opposition n’attend plus qu’un mot de Kabila pour courir vite dans ses bras. Pour le moment, il n’y a que les membres du G7, plate-forme de sept partis frondeurs de la Majorité, qui lui résistent réellement.

         Etant parvenu à fragiliser l’Opposition jusqu’à l’affaiblir, Kabila a devant lui un champ ouvert dans lequel il peut tenter tous les coups – jusqu’au glissement. La tendance baissière des recettes publiques aidant, il pourrait jouer et gagner cette dernière carte. Raison pour laquelle il a tôt fait d’aviser le Conseil des ministres de manière à parer à toute éventualité le moment venu.

         En encadré, le compte-rendu du Conseil des ministres du mardi 24 novembre 2015.

 

Compte-rendu de la 5ème réunion extraordinaire du Conseil des ministres

Ce mardi 24 novembre 2015, S.E. Monsieur Joseph Kabila Kabange, Président de la République, Chef de l’Etat a présidé la cinquième réunion extraordinaire du Conseil des ministres à la Cité de l’Union Africaine.

         À l’ordre du jour, figurait un seul point, à savoir:

         La communication de S.E. Monsieur le Président de la République sur le dialogue politique inclusif qu’il s’apprête à organiser.

         Le Chef de l’Etat a indiqué qu’Il tenait à consulter le Conseil des ministres au sujet du dialogue politique comme Il l’a fait depuis le mois de juin dernier avec diverses autres institutions et composantes de la Communauté nationale.

         Les difficultés nées du processus électoral et les défis à relever à ce sujet, de même que quelques contradictions apparues principalement au sein de la classe politique ont été passés en revue.

         Le Président de la République a annoncé au Conseil des ministres qu’après avoir consulté tout le monde, Il fixera l’opinion incessamment sur l’option qu’Il a levée à cet effet.

         Il a invité les membres du Gouvernement, aussitôt l’option levée, à s’impliquer, individuellement et collectivement, dans sa mise en œuvre en ayant présent à l’esprit la nécessité de garantir la paix, la stabilité et la poursuite harmonieuse et apaisée du cycle électoral.

         Commencée à 11h00’, la réunion extraordinaire du Conseil des ministres s’est terminée vers 12h05’.

         Je vous remercie.

Lambert Mende Omalanga

Ministre de la Communication et Médias

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