En s’accrochant becs et ongles à l’organisation du recensement général et au découpage territorial à vingt mois de la fin du mandat de l’actuel chef de l’Etat, les stratèges de la MP ne se sont pas encore rendu compte que le commun des mortels commence à se poser maintes questions sur la légalité de ces actes. C’est la sortie médiatique de l’un des jeunes loups de cette plate-forme politique en la personne de l’ancien député national du MLC, le nommé Yves Kisombe, qui a mis la puce aux oreilles d’un bon nombre des compatriotes. Que cache cet acharnement visiblement suicidaire qui risque de servir, comme d’aucuns le soupçonnent, de prétexte pour ne pas organiser les élections présidentielle et législatives à la date prévue par la Constitution encore en vigueur ? Le jeune loup de la MP avait énuméré une série d’institutions de la Républiques dont les mandats leur reconnus par le législateur ont déjà expiré depuis plus de cinq ans sans que l’opposition, la société civile et la communauté internationale n’aient levé le petit doigt pour dénoncer une quelconque violation de la constitution de la République. Moralité, s’est exclamé sourire en coin Yves Kisombe, comment et pourquoi n’en sera-t-il pas de même pour les élections présidentielle et législatives prévues pour le mois de décembre 2016 ?
Violation flagrante de la Constitution
Mais seulement voilà ! Si les stratèges de la MP ont cru tenir le bon bout pour justifier leur trouvaille juridique comme des obstacles pour les échéances électorales précitées, d’autres penseurs y trouvent une violation flagrante de la Constitution de la République.
Concernant le recensement général que les stratèges de la MP comptent évoquer comme argument juridique et politique inévitable pour retarder l’élection du Président de la République, l’article 73 de la constitution dispose que : « le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice ». Par ailleurs, le Président de la République a comme circonscription électorale le pays tout entier car il est élu au suffrage universel direct. A ce jour, il est établi que l’immensité du territoire national aux dimensions continentales, l’état désastreux des voies des communications et des infrastructures politico-administratives et surtout l’insécurité délibérément entretenue dans les territoires de l’Est et du Nord Katanga constituent des obstacles insurmontables pour organiser les opérations de ce recensement général.
Raison pour laquelle, Washington, Paris, Bruxelles, Berlin, Londres et Tokyo soutiennent la publication du calendrier électoral pour les élections présidentielle et législatives selon le délai constitutionnel, quitte à laisser le soin au futur pouvoir de poursuivre les opérations de ce recensement. Lesquelles ne peuvent pas s’effectuer en moins de quatre ans pour ne pas être contestées.
On rappelle à ce sujet que le Préambule de la constitution en vigueur et qui en fait partie intégrante est assis sur deux socles indéniables et verrouillés ayant marqué la vie sociopolitique de la nation congolaise. Notamment le fait que c’est la crise de la légitimité politique entre Joseph KasaVubu et Patrice Lumumba qui avait provoqué la toute première rébellion qui avait ensanglanté la République pendant cinq ans, causant près de 500.000 morts, sans compter la fracture sociale et la destruction du tissu économique, financier, industriel et agropastoral. Ensuite, au regard de l’énorme et incommensurable gâchis commis dans tous les secteurs de la vie congolaise par le régime dictatorial du MPR-parti Etat pendant 32 ans, les constituants dérivés ont retenu à juste raison le système de l’alternance au pouvoir, d’où la limitation du mandat du chef de l’Etat à cinq ans une seule fois renouvelable.
Découpage territorial de tous les dangers
Le découpage territorial pour instaurer la décentralisation tant vantée par les forces vives du pays court le risque de provoquer des troubles à travers tout le territoire national. L’histoire du Congo est parsemée des guerres civiles déclenchées au lendemain de l’accession à la souveraineté internationale entre les unitaristes et les fédéralistes. C’est à la conférence constitutionnelle de Luluabourg en 1964 que l’option du régime fédéral avait été levée sans pour autant convaincre les forces politiques dites nationalistes. Pour preuve, à l’accession de Mobutu au pouvoir, la première modification porta sur la question des 27 provincettes. Une tâche dévolue au Ministre des Affaires Intérieures de l’époque, en la personne d’Etienne Tshisekedi, qui réduisit le nombre à 17 puis 11 provinces. Ce fut le début de la centralisation à outrance du pouvoir qui déboucha sur un régime dictatorial impitoyable qui régna pendant 32 ans.
C’est suite aux abus causés par ce régime que près de 2.500 délégués du peuple congolais rassemblés à la Conférence Nationale Souveraine levèront l’option du fédéralisme. Mais à deux conditions : le lancement d’un vaste mouvement de sensibilisation générale pour obtenir l’adhésion volontaire des différentes communautés appelées à vivre ensemble sur un territoire décentralisé. Ensuite, une fois adopté, le principe du découpage territorial à 26 entités décentralisées, les actuelles provinces devront fournir des efforts financiers énormes pour ériger les infrastructures politico-administratives pour y loger les institutions provinciales. Ce processus était appelé à prendre du temps par voie d’une loi de programmation au niveau de tous les secteurs de la vie de ces futures entités décentralisées. Or, rien n’est encore fait et la preuve palpable, c’est que l’Assemblée Provinciale de la capitale prend en location la salle des promotions du Collège Boboto pour y tenir ses séances plénières. Il en est de même pour la plupart des actuelles provinces de la République.
En attendant, que constate-t-on à ce jour ? A l’annonce de la mise en place de ce découpage territorial, des remous sont observés dans les différentes communautés devant faire partie de telle ou telle future province. Comme par hasard, c’est le Katanga qui a sonné le toscan en lançant par la voix de Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, ci-devant président de l’Assemblée provinciale du Katanga, l’idée d’une pétition à travers toute la province cuprifère pour rejeter le projet du découpage territorial. Ce coup doit faire mal car il provient de la province d’où est originaire l’actuel locataire du Palais de la Nation. Coïncidence fortuite ou accident de l’histoire, avant que l’opinion n’ait digéré cet appel de Kyungu Wa Kumwanza, voilà que des parlementaires originaires de la même province ont lancé le même appel, preuve que quelque chose est en train de bouger dans cette province au passé fort émouvant depuis l’indépendance. Ce qui risque de produire des effets de contagion, a indiqué un analyste de la vie sociopolitique de ce pays.
F.M.