Le débat sur les constitutions africaines, particulièrement sur le nombre des mandats présidentiels, s’est enrichi mardi 7 octobre 2014 d’un argument massu, asséné sur Radio France Internationale (RFI) par la Sudafricaine Nkosazana Dlamini-Zuma. La présente de la Commission de l’Union Africaine (UA), qui a séjourné en France dans le cadre du 14ème Forum économique international sur l’Afrique organisé par l’Organisation de la Coopération et du Développement Economique (OCDE) s’est prononcée avec quelque pertinence sur la question. Interviewée par Christophe Boisboubier, sur l’épidémie d’Ebola qui décime les populations africaines, mais aussi sur les mandats présidentiels en Afrique, Mme Nkosazana a avancé des arguments qui incitent à réfléchir deux fois. Pour ne pas se prononcer à la légère sur des questions qui impliquent des particularités évidentes.
Le premier des arguments de taille qui se dégage des propos de la présidente de l’UA est que la non-limitation des mandats présidentiels n’est l’apanage du seul continent africain. Sur ce point, certains observateurs en RD Congo l’ont déjà relevé ci et là, l’exemple de l’Allemagne Fédérale, pays on ne peut plus démocratique d’Europe Occidentale, où le chancelier peut briguer autant de mandats qu’il veut dès lors que le peuple allemand n’y trouve aucun inconvénient, est éclairant. Imposer à tous les Etats africains indistinctement la limitation des mandats présidentiels, pour faire comme tel ou tel autre Etat, démocratique soit-il, d’Europe ou d’Amérique n’est donc sûrement pas une panacée. La notion de durée dans l’exercice du pouvoir d’Etat ne peut donc être dissociée de l’opinion du peuple dispensateur du pouvoir et sur lequel s’exerce ledit pouvoir.
Le deuxième argument à tirer des propos de Nkosazana Zuma, notamment lorsque la Sudafricaine évoque l’exemple angolais, est relatif à la spécificité des réalités de chaque Etat particulier, qu’il convient de ne pas négliger. Au sortir d’une longue guerre interne, l’Angola de Edouardo Dos Santos avait besoin d’une assez longue période de stabilité pour prendre résolument son envol vers le développement socio-économique. C’est chose faite aujourd’hui, et l’angolais moyen, qui exprime sa satisfaction en renouvelant les mandats présidentiels de Dos Santos, y trouve son compte plus que tous les experts ès démocratie généralement prompts à débobiner des théories qui, même dans leurs propres pays, ont mis des siècles pour se révéler positives.
Ci-après, un extrait des échanges entre la présidente de la Commission de l’UA et RFI.
EXTRAIT DES ECHANGES ENTRE LA PRESIDENTE DE LA COMMISSION DE L’UA ET RFI :
Dans au moins quatre pays africains - le Burkina Faso, le Congo-Brazzaville, le Congo-Kinshasa, le Rwanda -, la Constitution interdit aujourd’hui au président sortant de se représenter. Est-ce que vous êtes d’accord avec cette disposition ? Est-ce que vous pensez, comme le président Barack Obama, que les chefs d’Etat doivent partir après quinze ou vingt ans de pouvoir ? Fondamentalement, les Constitutions sont conçues par les pays et par leurs peuples. Les Constitutions sont là pour être respectées. Si la Constitution doit être modifiée, cela doit se faire sur la base d’un consensus.
Oui mais sur le fond, est-ce que vous pensez qu’au bout de 20 ans, un chef d’Etat doit partir ou non ?
Il y a une loi fondamentale qui montre la voie et c’est la Constitution. En Allemagne par exemple, [celle-ci] ne fixe aucune limitation au nombre de mandats du chancelier. C’est le peuple qui décide. Je ne crois pas que la Constitution allemande soit méprisable parce que le chancelier peut faire trois ou quatre mandats. Le jour où les Allemands ne seront plus d’accord avec ces dispositions, ils la changeront.
Dans votre discours devant l’OCDE, vous avez cité l’Angola en exemple. Voulez-vous dire qu’un président comme José Eduardo Dos Santos, qui a obtenu certains résultats économiques, peut rester au pouvoir aussi longtemps qu’il le veut ? Vous avez sorti ma réponse de son contexte. En Afrique australe, on compte cinq élections cette année. Le président du Malawi a déjà changé, celui d’Afrique du Sud a été réélu, mais c’est son dernier mandat et il ne pourra pas se représenter. Au Mozambique, le président arrive au bout de son second mandat et les gens vont élire quelqu’un d’autre. En Namibie c’est pareil, au Botswana, le président va pouvoir se représenter.
Si j’ai cité l’Angola, c’est parce que ce pays a respecté les règles de sa Constitution. Certes le président est au pouvoir depuis longtemps, mais il y a eu la guerre qu’il a fini par gagner. Puis il a été élu démocratiquement. Et maintenant vous pouvez voir l’amélioration du niveau de vie. Je suis allée en Angola. Désormais beaucoup de gens ont un logement avec l’eau et l’électricité. Peut-être le président angolais est-il resté trop longtemps au pouvoir, mais aujourd’hui vous en voyez les bénéfices. Et c’est sans doute la raison pour laquelle les Angolais votent pour lui.
Vous êtes à la moitié de votre mandat à la tête de l’Union africaine. Dans deux ans, en 2016, est-ce que vous serez candidate à un second mandat de présidente de la Commission de l’Union africaine ou bien est-ce que vous préférerez rentrer chez vous en Afrique du Sud ?
Je ne traverse le pont que le jour où j’arrive dessus. Je ne le traverse pas deux ans avant d’y arriver.