L’année 2016 s’annonce très délicate. A côté de l’impératif de tenir les élections dans les délais constitutionnels, le gouvernement doit en même temps faire face au tarissement des recettes. Les dernières prévisions de croissance à fin 2015 ne sont pas reluisantes, Parti d’une croissance à deux chiffres, le gouvernement vient de ramener à 7,7% les prévisions de croissance pour l’année 2015. La tendance devrait se poursuivre Ce qui, vraisemblablement, ne pourrait que s’accompagner d’une réduction drastique des recettes publiques. Tout compte fait, 2016 ne sera pas une année facile aussi bien sur le plan politique.
Le Parlement vient d’adopter en première lecture le projet de budget de l’Etat pour l’exercice 2016. Pas grand- chose est sorti des délibérations de la Commission Ecofin de l’Assemblée nationale, qui s’est longuement penchée sur le projet gouvernemental. Au finish, l’Assemblée nationale n’a été en mesure que d’intégrer dans le projet initial des recettes additionnelles de 80 millions USD, portant le budget prédit pour l’exercice 2016 à environ 9,1 milliards USD.
Pendant que l’Assemblée nationale débattait, lundi, du projet.de loi des finances 2016, à la Primature tenait autour du Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, la traditionnelle réunion de la Troïka stratégique. Comme à l’accoutumée, elle a fait le point de la conjoncture économique interne. De même qu’à l’Assemblée nationale où les députés membres de l’Ecofin peinaient à trouver des recettes additionnelles à joindre au projet de budget 2016, la Troïka stratégique a exprimé, sans le dire explicitement, des inquiétudes sur la situation économique, financière et économique du pays.
Selon cette structure, la courbe de la croissance est en pleine déclinaison. La pente est loin de s’arrêter, prédit-elle.
Aussi, au niveau national, sur la base des réalisations de la production à fin septembre 2015, les estimations de la croissance sont-elles revues à « 7,7%, soit un recul de 1,8 par rapport à 2014 ». La Troïka stratégique tente de relativiser en précisant que ce niveau « reste supérieur à la moyenne africaine qui est de 5,8% en 2015 selon les projections du FMI ».
Devant, l’incapacité de freiner, à très court terme, cette décélération du rythme de la croissance économique, la Troïka stratégique rappelle que « cette situation est consécutive à la décélération de la production dans le secteur des mines, liée à la baisse continue des cours des matières premières ».
Certes, la stabilité du cadre macroéconomique n’en souffre pas tellement, mais les tensions sur les finances publiques s’accumulent au jour le jour. Il faut craindre que les vannes de sécurité prévues dans le cadre d’une gestion orthodoxe des finances publiques ne cèlent à la très, forte pression exercée sur’ lés maigres recettes du ‘Trésor. Les signaux de détresse sont bien visibles.
Les réserves internationales, au 20 novembre 2015, ont été à 1 469,58 millions USD, couvrant à peine 6,06 semaines d’importations des biens et services, note la Troïka stratégique. Elle poursuit en relevant que le solde mensuel du compte général du Trésor, au 20 novembre 2015, a été déficitaire de
87,760 milliards Fc. En cumul annuel, le compte général du Trésor a été déficitaire de 122,399 milliards Fc. Ce n’est pas évident que les choses se normalisent à un (1) mois de la fin de 2015. Des analyses les plus réalistes tablent déjà sur un solde déficitaire du Trésor la fin de cette année.
Qu’en sera-t-il alors de 2016 ? C’est la grande interrogation.
2016, Année De Tous Les Enjeux Et Dangers
A première vue, les tendances sur le terrain économique ne devraient pas s’inverser de si tôt. Etant donné leur cause, qui est tout à fait exogène, il est fort possible que la situation de tarissement des recettes publiques, consécutive à la chute des cours de principaux produits d’exportation de la RDC, perdure. Des prévisions les plus optimistes le confirment. En 2016, le gouvernement sera donc obligé de faire des arbitrages dans l’affectation de peu de recettes qui seront à sa disposition.
Comme en France où le président François Hollande a été obligé de sacrifier le pacte de stabilité qui le lie à l’Union européenne au profit du pacte sécuritaire, en 2016, Kinshasa sera aussi obligé de passer par là. Les enjeux de 2016 sont tels que Kinshasa pourrait se trouver .sur le fil du rasoir. Echapper à cette situation tiendrait du miracle.
Au-delà du dialogue politique, qui devrait sûrement s’étendre jusqu’en 2016, les élections en cette même année s’imposent comme un impératif sur lequel le peuple congolais n’est pas prêt à transiger. Le gouvernement devra donc trouver le financement nécessaire pour y faire face.
A côté des élections, il y a les opérations de découpage territorial qui devraient se clôturer en 2016 par la mise en place effective des structures administratives dans les provinces issues du démembrement. Là aussi, le Trésor’ sera sollicité à fond. Sans compter le fonctionnement des institutions qu’il faudra assurer concomitamment pour éviter à ce que le pays ne soit plongé dans l’atonie. En 2016, il y aura une forte demande des fonds publics pour, d’un côté, financer les élections, et de l’autre, garantir la continuité de l’Etat dans les provinces nées du démembrement.
Il faut craindre le pire, c’est-à-dire le blocage de la machine de l’Etat. En effet, comme des éléments d’un puzzle, les pièces se mettent en place les unes après les autres. Les recettes publiques tarissent, au moment où les réserves en devises sèchent comme neige au soleil.
Les notes techniques de la Troïka stratégique retentissent comme une sonnette d’alarme. Et, il y a réellement danger en perspective. Il est temps que tout le monde se ressaisisse pour sauver l’Etat qui est au bord de la banqueroute.
2016 s’annonce comme un tournant non’ seulement décisif mais aussi dangereux. L’invité surprise qu’est le social qui pompe de moyens budgétaires importants, devra imposer aux gestionnaires plus d’orthodoxie. Sans verser dans le pessimisme, les par1ties en présence pourraient, selon leurs agendas, tirer chacune leur parti du tarissement des recettes. Tout pourrait arriver, en bien ou en mal. En attendant la diversification de l’économie congolaise qui est une solution à long terme, dans l’immédiat, l’Etat devra s’imposer le devoir de réduire sensiblement son train de vie, en limitant, notamment des dépenses non contraignantes. La survie de l’Etat en 2016 passera inévitablement par là. A moins que tous, frappés d’amnésie, ne voient que leurs propres intérêts. Au grand dam de la République, en pleine tourmente.