Cacophonie autour de l’inculpation de Moïse Katumbi

Vendredi 20 mai 2016 - 08:59
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ouveau rebondissement dans l’affaire opposant Moise Katumbi à la justice congolaise. Alors qu’à Lubumbashi, son audition est suspendue, le bureau du procureur général de la République a, depuis Kinshasa, créé la surprise en déclarant son inculpation. Le parquet général de la République qui pilote l’enquête laisse des brèches qui permettraient à l’inculpé « de se faire prendre en charge par des institutions médicales appropriées ». Lors qu’une chose est son contraire sont annoncés, c’est la cacophonie !

Le Potentiel

 

            Kinshasa pilote l’instruction pré-juridictionnelle que mène à Lubumbashi le parquet général dans l’affaire l’opposant à Moïse Katumbi Chapwe, candidat déclaré à la présidentielle 2016. L’on se rappelle que dans le chef-lieu du Haut-Katanga a été entendu à trois reprises par les magistrats commis à cette fin, sans qu’une décision de justice ne soit rendue. Reconnu malade par le magistrat enquêteur à Lubumbashi, son audition a dû être suspendue et remise à une date ultérieure.

Les médecins requis pour cette tâche avaient constaté qu’effectivement Moïse Katumbi a eu des ennuis de santé, après avoir inhalé du gaz lacrymogène et subi des sévices corporels. Bref, l’affaire était en suspens et l’opinion attendait que le parquet fixe la date pour la poursuite de l’instruction.

Hier jeudi, le cabinet du Procureur général de la République (PGR) est revenu à la charge. Cette fois-ci en créant la surprise générale. Depuis Kinshasa, un communiqué daté du 19 mai 2016 et signé par Maduda Muanda Anselme, premier avocat général de la République, présenté comme directeur de cabinet a.i. du PGR, a semé la confusion dans les esprits. Sans se faire prier, ce dernier est passé à la vitesse supérieure en déclarant l’inculpation de Moïse Katumbi pour crime d’atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat. Infraction « prévue et punie par le titre VII du Code pénal libre II ». Et cerise sur le gâteau, l’inculpé est « placé sous mandat d’arrêt provisoire ».

Par ailleurs, dans le même communiqué, le cabinet du PGR affirme que « le pré-qualifié étant actuellement admis dans un centre hospitalier de Lubumbashi, il lui est cependant loisible avec le concours de ses médecins traitants de se faire prendre en charge par des institutions médicales appropriées ainsi que l’a suggéré le médecin légiste requis ».

Qu’est-ce à dire ?

En réalité, le communiqué officiel du bureau du PGR est venu rajouter à  la confusion qui règne autour de l’audition de Moïse Katumbi. Tout se passe comme si la justice a perdu tous ses repères. Les doutes exprimés par des proches de l’ancien gouverneur du Katanga sur l’implication d’une main politique dans ce procès se confirment davantage. Le scénario écrit à l’avance semble se dérouler en suivant les prescrits d’un metteur en scène qui n’a pas une totale maitrise des arcanes judiciaires et qui, du fait de la précipitation, ne pouvait pas être à l’abri de ratés et autres impairs.

Car, depuis la dernière audience du 13 mai 2016, Moise Katumbi a été officiellement reconnu malade, à la suite de nombreux sévices corporels subis lors de ses deux précédentes auditions. Le parquet général de Lubumbashi en a d’ailleurs été formellement saisi.

Alors que l’opinion s’attendait à être fixée sur un autre rendez-vous pour l’audition de Katumbi, voilà que PGR s’invite dans l’étape pré-juridictionnelle en court-circuitant la procédure initiée plusieurs jours auparavant. C’est cela aussi la marque d’une justice à deux vitesses. En se faisant totalement inféodée par le pouvoir, la justice a fini par perdre toute son âme, c’est-à-dire sa crédibilité. C’est regrettable pour une nation qui se veut démocratique.

Politisation suspecte

Le communiqué du PGR est totalement inadéquat. Il tombe comme un cheveu dans la soupe. On s’y attendait. Une fois de plus, on a la preuve que le calvaire judiciaire que vit depuis peu le candidat de l’Opposition à la présidentielle 2016 a des soubassements politiques. Sinon, rien ne saurait justifier la précipitation dont s’est rendu coupable le bureau du PGR.

Il y a bien des interrogations qui appellent des réponses au risque de confirmer la thèse d’un procès politique. A titre illustratif, l’on peut se demander depuis quand la RTNC, la télévision nationale, ou encore des chaines proches du pouvoir telles que Télé 50 et Digital Congo se sont-elles substituées au huissier de justice. Ces médias ont précédé le cabinet du PGR, voir le parquet de Lubumbashi en divulguant l’émission du mandat d’arrêt provisoire à l’encontre du président du TP Mazembe.

Ce n’est ni plus ni moins, l’instrumentalisation des actes des magistrats. En recourant à la RTNC et autres médias proches de la majorité présidentielle pour annoncer une décision de la procédure judiciaire, l’on a ignoré totalement les canaux officiels tels que prévus dans la loi portant organisation fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire.

Sans rétablir la vérité dans cette affaire de recrutement présumé des mercenaires dans l’ex-province du Katanga mis à charge au niveau de Lubumbashi sur Moise Katumbi, le communiqué du PGR a apporté plus de cacophonie dans un dossier dont le contenu paraît creux.

Le dossier Moïse Katumbi est une épreuve de neutralité et d’indépendance pour la justice qui doit aujourd’hui prouver qu’elle est prête à jouer son rôle d’arbitre impartial pour l’émergence en RDC d’un Etat respectueux des droits fondamentales des citoyens.

Soins appropriés

Ce qui peut s’apparenter à une humanité de la part des enquêteurs et du PGR reste que l’inculpé peut se choisir son lieu de traitements. Ce n’est pas un secret que Moïse Katumbi a connu des ennuis de santé pendant une période. Ce qui est normal pour tout être humain, à la différence que pour son cas, il s’était agi d’une intoxication ou un empoisonnement. Le PGR a donc adhéré à l’option que M. Katumbi se fasse soigner à une institution médicale appropriée. Le parquet ne précise pas s’il peut aussi opter pour une institution située à l’extérieur du pays.

Cela revient clairement à dire qu’il est « loisible »(pour reprendre les termes du PGR) pour Moïse Katumbi de faire preuve de compréhension en se disant qu’on lui offre là sur un plateau d’or une opportunité de sortir du pays. Cette ouverture serait la bienvenue dans le chef de ceux qui tiennent à tenir le dialogue politique toujours grippé. Katumbi hors du pays, la communauté internationale n’en rougirait pas tout en se disant que le moment venu, les vrais débats politiques et démocratiques pourraient reprendre après avoir vidé toutes les dissensions autour du processus électoral.

L’autre revers de la médaille c’est l’ambiguïté du communiqué du cabinet du PGR pourrait revêtir le pan d’un piège consistant à sortir « l’homme des trois pénaltys »  de la forteresse où le garde jusqu’à ce jour le peuple congolais. Aussi d’aucuns estiment-ils qu’il n’est pas non plus exclu que le malade fasse confiance aux institutions médicales locales pour des soins appropriés.

 

Toutefois, depuis toujours, c’est notoirement connu que l’ex gouverneur du Katanga prend ses soins médicaux à Londres où se trouve son médecin. Dérogera-t-il à ses habitudes pour aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire ? Nul ne le sait d’autant plus que ce que l’homme a subi jusque-là ne l’a pas ébranlé outre mesure. La présentation de sa candidature à la présidentielle est l’acte posé qui démontre que rien ne pourra l’arrêter dans sa détermination à briguer la magistrature suprême.

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