Beni : le vrai message des autochtones

Mercredi 29 octobre 2014 - 12:51

Depuis le massacre de plus de quatre-vingt compatriotes par des éléments de l’ADF-Nalu à la cité d’Erengeti, dans le territoire de Beni, les populations de cette partie de la République ne décolèrent pas contre les troupes de la Monusco, coupables à leurs yeux d’un grave déficit de prise en charge de leur sécurité. Cela sous-entend qu’à leurs yeux, le retour d’une paix durable à l’Est du pays devrait passer impérativement par l’exécution sans faille par les Casques Bleus de leur mandat d’éradication des forces négatives par les armes, à défaut de la persuasion. Autrement dit, la protection des civils à Beni, Butembo, Kasindi, Lubero, Rutshru, Goma et d’autres villes, cités ou villages du Nord-Kivu, c’est d’abord l’affaire de la Monusco (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation au Congo) … et non celle des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo).

Les observateurs pensent qu’au-delà de ces manifestations, le vrai message des autochtones est que sans l’implication pleine et totale des troupes onusiennes dans les opérations de traque des forces négatives à l’Est du pays, celles-ci vont continuer à y semer la mort et la désolation, comme c’est le cas depuis deux décennies. Pareil message exige d’être sérieusement décrypté par les autorités politiques tant nationales que provinciales, afin qu’elles ne tombent pas dans l’erreur de croire à un désaveu populaire à l’endroit de Martin Kobler et ses troupes. Les décideurs politiques congolais qui sont allés à l’écoute du Congo profond dans sa partie Est – le ministre Richard Muyez de l’Intérieur, le Premier ministre Matata ponyo ainsi que le Chef de l’Etat Joseph Kabila – ont la délicate tache d’apporter aux populations civiles traumatisées par l coucherie de Beni certes le réconfort moral dont elles ont grandement besoin, mais surtout saisir le sens réel de leur message. Ils devraient notamment scruter la question sécuritaire dans tous ses volets, de manière à apaiser des compatriotes tentés de faire plus confiance à la Monusco qu’aux FARDC. Ils devraient s’interroger sur ce qu’il y a lieu de faire pour convaincre tous ceux qui doutent de l’armée nationale que la bavure de Beni et tant d’autres déjà enregistrées dans le passé ne seraient que des incidents de parcours pour un système national de défense en pleine reconstruction.

Encore et toujours la réforme de l’armée

L’indexation de la Monusco par les populations du Nord-Kivu chaque fois qu’elles sont frappées par une force négative se veut essentiellement une interpellation des gouvernants de la RDC sur l’impérieuse nécessité d’accélérer la construction d’une nouvelle armée nationale, professionnelle et réellement dissuasive. Thème cher aux participants au Dialogue intercongolais en 2002 à Sun City, la réforme de l’armée et des services de sécurité ne semble toujours pas bénéficier de l’urgence compatible avec les besoins sécuritaires du pays en général et de sa partie Est en particulier.

C’est le lieu d’en appeler à la mise en œuvre effective des programmes de recrutement des hommes de troupes, de formation d’officiers, de réhabilitation et modernisation des bases militaires, de réaménagement des camps militaires en vue du casernement des hommes en uniforme, de motivation des troupes sur les lignes de front, de gestion de la chaîne de commandement par des officiers patriotes, de l’assainissement des mœurs au sein de ceux qui acceptent de servir sous le drapeau, afin qu’ils sachent qu’ils font de l’apostolat et non du business, etc.

Comment veut-on que les autochtones aient confiance aux FARDC lorsque leurs rangs recèlent encore d’anciens chefs rebelles et leurs hommes reconvertis en faux patriotes par la magie des opérations de « brassage » et « mixage » ? Comment évacuer le coute lorsque des coups bas sont encore enregistrés ? Lors de la chute de Goma entre les mains du M23, en novembre 2012, on avait déjà parlé de trahison, de détournement de la solde et de la nourriture destinée aux éléments engagés au front, de trafic d’armes. On se souvient qu’au lendemain de l’assassinat du colonel Mamadou, l’on avait également fait état d’un coup fourré perpétré par certains éléments des FARDC, du reste arrêtés et traduits en justice, et dont le procès s’est ouvert il y a peu.

Dans le dossier de 84 compatriotes exécutés froidement par l’ADF-Nalu, l’on apprend l’arrestation d’une trentaine de suspects, pour la plupart membres des FARDC. En attendant que la justice militaire fasse la lumière autour des zones d’ombres de cette ténébreuse affaire, des allégations de complicité avec les tueurs sont formulées ça et là au Nord-Kivu.

Ce climat de suspicion n’est pas de nature à porter les autochtones à croire en ses capacités de restauration de la paix dans son milieu de vie. Il est fort dommage que la flamme de l’espoir d’éradication des forces négatives, rallumée en octobre 2013 par feux le colonel Mamadou Ndla et général Bahuma, principaux artisans de la défaite retentissante du M23, soit aujourd’hui menacée par des antivaleurs à la base de plusieurs humiliations des FARDC sur les fronts de bataille. Les populations de Beni et d’ailleurs au Nord-Kivu attendent des réponses rassurantes à leurs problèmes sécuritaires. Et celles-ci, contrairement à ce qu’on pourrait croire, devraient venir des FARDC et non de la Monusco.

Kimp

 

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