Images et commentaires sur le contrôle total de la ville de Beni et sa périphérie par les éléments des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) et de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo) depuis un bon bout de temps sont diffusés en boucle sur les médias audiovisuels publics. S’il faut cependant se réjouir de la neutralisation des rebelles ougandais de l’ADF-Nalu, il faut se garder de verser dans le triomphalisme qui semble avoir gagné nombre de décideurs politiques et responsables militaires à Kinshasa.
Dans cette partie de la République où tout peut arriver à tout moment, la distraction devrait être interdite aux soldats et officiers de l’armée nationale et aux casques bleus de l’ONU. Car, l’histoire nous apprend qu’à chaque victoire retentissante des FARDC sur une rébellion ou un groupe armé succède souvent une défaite humiliante. On se souvient qu’en octobre 2013, après la reddition du M23, les rebelles ougandais étaient donnés pour complètement anéantis par les troupes coalisées FARDC-Monusco. Il n’était plus question, à l’époque, que d’actions ponctuelles de nettoyage des dernières poches de résistance dans la périphérie de Beni, Butembo, Lubero et Kasindi.
A en croire des informations livrées alors par des sources militaires congolaises et onusiennes, la page de l’ADF-Nalu dans la partie Est de la République Démocratique du Congo allait être tournée incessamment, à l’image de celle du Mouvement du 23 mars du sinistre colonel Sultani Makenga et de René Abandi. Dans ce décor, tout portait à croire que l’insécurité qui empêchait les populations du Nord-Kivu de vivre en paix et de vaquer librement à leurs occupations appartenait désormais au passé.
En principe, le M23 et l’ADF-Nalu devaient être rangés dans les tiroirs de l’histoire tandis que l’année 2014 devrait être celle de la reconstruction de cette province. Mais, contrairement aux attentes, les rebelles ougandais ont retrouvé, entre septembre et novembre 2014, une puissance de feu et une capacité de nuisance qui se sont traduites par des massacres en série dans les villages périphériques de Beni. Un lourd bilan de plus de 300 morts a sanctionné le « safari » inattendu de cette force négative à travers villages, forêts, monts et vallées du Nord-Kivu.
Plusieurs autorités nationales, dont le Chef de l’Etat en personne, ont dû descendre sur le terrain pour cerner les contours d’une situation sécuritaire rendue très volatile par des complicités internes, tant au sein de la classe politique, de la population civile que des compatriotes en uniforme. Le spectre de la mort rôdait tellement à travers le territoire de Beni que la Monusco a dû faire les frais d’accusations diverses de la part des autochtones, qui ne démandaient pas mieux que d’être protégés.
Un voisinage de tous les dangers
Tout le drame du Nord-Kivu, c’est de partager la même frontière que l’Ouganda et le Rwanda, deux « sanctuaires » des forces négatives qui, au lieu de déstabiliser les deux pays précités, préfèrent entretenir une insécurité récurrente en territoire congolais. Ce qu’il faut souhaiter est que les architectes et les exécuteurs de l’opération « Sukola », laquelle a permis de mettre de nouveau à genoux l’ADF-Nalu, ne relâchent pas l’étreinte, comme cela arrive souvent dès qu’une force négative est présumée détruite.
La ligne de front devrait faire l’objet d’une surveillance permanente, de manière à décourager toute velléité de reconstitution des bandes d’inciviques armés qui ont transformé dernièrement cette partie du territoire national en enfer. Si le pari de la vigilance tous azimuts et du patriotisme est gagné, le Nord-Kivu pourrait alors aspirer à une paix durable. Dans le cas contraire, c’est-à-dire dans l’hypothèse d’un flottement dans le dispositif sécuritaire mis en place, de nouvelles infiltrations d’éléments ADF-Nalu et -pourquoi pas M23- sont à craindre.
Convaincus qu’il se passe souvent des choses bizarres dans cette province en matière de sécurité, les vrais patriotes restent en état d’alerte maximale. Car, il n’est pas normal que cette partie de la République où sont concentrés d’importants effectifs des FARDC, de la Monusco et de la Brigade Internationale des Nations Unies ,ne puisse pas connaître la paix et la stabilité dont elle a grandement besoin pour son développement. Grenier agricole et réservoir minier, le Nord-Kivu ne mérite pas le sort d’une région à l’avenir incertain.
Kimp