La République démocratique du Congo n'a pas réussi à former un gouvernement rassemblant des membres de la majorité, de l'opposition et de la société civile comme l'avait annoncé, il y a tout juste un an, le président Joseph Kabila.
"Dans le cadre de ma politique d'ouverture (...), un gouvernement de cohésion nationale sera bientôt mis en place", avait déclaré M. Kabila le 23 octobre 2013 devant le Parlement.
Il s'exprimait après un grand forum national où quelque 900 délégués de la majorité et d'une partie de l'opposition et de la société civile s'étaient réunis afin de consolider la cohésion nationale, fragilisée par les élections présidentielle et législatives contestées de 2011.
A l'issue de ces assises, "des recommandations ont été faites (...) et la plus importante était la mise en place d'un gouvernement de cohésion nationale qui doit appliquer toutes les autres recommandations", rappelle Henri-Thomas Lokondo, député de la majorité ayant pris part au forum.
Mais douze mois après la promesse présidentielle, la constitution du nouveau gouvernement se fait attendre. "La mise en place d'un gouvernement de cohésion nationale était une volonté du chef de l'Etat mais une année après, personne ne nous dit pourquoi cela ne se fait pas", déplore Jonas Tshiombela, un cadre de la société civile qui avait participé aux assises.
Les membres de l'actuel gouvernement, que le Premier ministre Augustin Matata Ponyo dirige depuis 2012, auraient déjà touché leurs indemnités de sortie, affirment certaines sources, démenties par Kinshasa.
Quoi qu'il en soit, le maintien du gouvernement va à l'encontre les résolutions qui avaient été prises à l'issue de cette réunion nationale, estime Henri-Thomas Lokondo.
A quand le nouveau gouvernement? "Il n'y a que lui ( M. Kabila) qui en détient le secret", tranche M. Tshiombela. Un sentiment que partagent aussi bien des membres de la majorité que ceux de l'opposition.
En attendant, les rumeurs sur l'annonce "imminente" d'un remaniement se multiplient, on pronostique sur le maintien ou non de M. Matata Ponyo, on spécule sur de probables "premier-ministrables" qui pourraient, comme l'actuel chef des ministres, avoir la confiance de la communauté internationale.
'Part du gâteau'
M. Lokondo se prête, comme d'autres, au jeu: "J'ai la conviction que ça ne prendra pas plus d'une semaine" avant que la nouvelle équipe ne soit nommée, prédit-il.
La presse n'est pas en reste: "Gouvernement en sursis, plénière incertaines au Parlement. Le pays au point mort", "Gouvernement de cohésion nationale, révision constitutionnelle: le jeu du chat et de la souris" ou encore "Gouvernement de cohésion nationale: les chefs de partis exigent leur part du gâteau!".
Si certains semblent considérer qu'un gouvernement de cohésion nationale n'est plus une nécessité, d'autres estiment qu'il faut du sang nouveau pour qu'avance le pays, riche en ressources naturelles (minerais, pétrole, gaz, forêts, eau...) mais qui figure au dernier rang de l'indice de développement humain de l'ONU, et où deux tiers des 70 millions d'habitants vivent dans une grande pauvreté.
Toutefois, le député de l'opposition José Makila estime que pour avoir une réelle "cohésion nationale" il ne faut pas tout miser sur les nominations, mais sur les actions.
"On peut sortir un gouvernement mais si les autres mesures qui ont été prises pendant ces concertations ne sont pas appliquées, ce gouvernement ne servira à rien", a-t-il insisté.
En 2013, M. Kabila avait indiqué que le futur gouvernement aurait pour "mission de restaurer la paix et de rétablir l'autorité de l'Etat, consolider la cohésion nationale, la poursuite de la reconstruction du pays en partie ravagé par la guerre, l'appui au processus électoral et l'amélioration des conditions de vie des Congolais".
La paix représente un défi de taille: depuis deux décennies, des groupes armés locaux et étrangers s'affrontent pour des raisons économiques, ethniques ou foncières, commettant au passage de graves exactions (massacres, viols, enrôlement d'enfants, pillages...).
Et malgré des victoires sur la rébellion congolaise M23, défaite début novembre 2013, ou sur les islamistes ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), qui ont perdu d'importants bastions depuis janvier, l'armée et la Mission de l'ONU - présente depuis 1999 et désormais forte de 20.0000 hommes - n'ont jamais pacifié durablement le pays.
Preuve récente de l'instabilité, le territoire de Beni, dans la province du Nord-Kivu (Est), a été ensanglanté par une succession de massacres attribués à l'ADF: en moins de quinze jours en octobre, environ 80 hommes, femmes et enfants, ont été assassinés à l'arme blanche, et parfois décapités.