
Depuis plusieurs mois, le président camerounais Paul Biya oriente sa politique vers une approche multidimensionnelle où le discours panafricaniste prend une place de plus en plus visible, notamment sur la question des réparations historiques. Cette posture, perçue comme une volonté d’affirmer une certaine autonomie face aux puissances extérieures, place inévitablement son régime sous le regard attentif de la France, acteur historique et économique majeur du pays.
Paris dispose en effet de nombreux leviers pour influencer les équilibres politiques à Yaoundé, en particulier dans un contexte préélectoral. Le Cameroun, comme treize autres pays africains, reste lié au système du franc CFA, dont l’institut d’émission demeure la Banque de France. Cette architecture monétaire offre à la France un accès direct aux données financières et une capacité réelle à peser sur la stabilité macroéconomique du pays.
Au-delà de la monnaie, le rôle de la France se manifeste également à travers l’aide budgétaire et les investissements. Paris figure parmi les principaux partenaires financiers du Cameroun, aussi bien dans le domaine du développement que dans celui des grands projets économiques. La possibilité de conditionner ces soutiens, voire de les suspendre, constitue un outil de pression particulièrement efficace pour obtenir des garanties ou orienter les choix stratégiques du pouvoir en place. Pour le régime de Paul Biya, cette dépendance représente une contrainte difficile à contourner.
Ainsi, alors que le Cameroun s’apprête à vivre de nouvelles échéances électorales, la relation avec la France s’impose comme un facteur central du jeu politique. Le poids économique de Paris, combiné à son rôle monétaire via le franc CFA, confère à la puissance européenne une capacité d’action qui dépasse largement la simple coopération. Pour Yaoundé, la marge de manœuvre reste étroite entre affirmation d’un discours panafricaniste et nécessité de préserver la stabilité d’un partenariat incontournable.
Avec Serge Takam, Journaliste Indépendant