UNIKIN : la faculté de Droit a revisité l'objet d'étude du droit constitutionnel à travers une conférence-débat

Dimanche 23 juin 2024 - 18:29
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Le département de droit public interne de la faculté de Droit de l'Université de Kinshasa a organisé, ce samedi 22 juin 2024, une conférence-débat en hommage aux professeurs Victor Jean-Claude Djelo Empenge-Osako et Augustin Kitete Kekumba Omombo décédés.

Cette messe scientifique qui a  porté sur le thème, "regards croisés sur l'objet du droit constitutionnel", a connu la participation de plusieurs éminents professeurs dont le recteur de l'UNIKIN, le professeur Jean-Marie Kayembe, qui a plaidé pour que son établissement redevienne un véritable temple du savoir.

Il était donc question, au cours de cette conférence-débat, de départager les deux professeurs qui, de leur vivant, s'opposaient sur la question de l'objet d'étude du droit constitutionnel. Pour le professeur Victor Jean-Claude Djelo Empenge-Osako, l'État est l'objet du droit constitutionnel, alors que pour le professeur Augustin Kitete Kekumba Omombo, c'est plutôt le pouvoir politique qui est l'objet d'étude de cette discipline juridique.

Le piliers de la pensée de Djelo

Pour expliquer la pensée juridique du professeur Victor Jean-Claude Djelo, le professeur Jean-Louis Esambo, doyen de la faculté de Droit, l'a située sur trois paliers.  

Le premier, a-t-il soutenu, a trait à l'origine du droit constitutionnel que le professeur Djelo situait au 18ᵉ siècle où les pensées notamment des philosophes de lumière ont amené les États de l'époque à se doter d'une Constitution écrite qui a pour socle l'État. Donc, pour lui, on ne peut donc pas avoir une constitution écrite en dehors de l'État.

Le deuxième moment pour situer la pensée juridique du professeur Djelo sur l'objet du droit constitutionnel, a ajouté le professeur Esambo, est le fait qu'il prenait l'État comme cadre d'exercice du pouvoir, une institution des institutions.

Le pouvoir dans l'État et de l'État

"Pour lui, l'État est l'institution suprême, à l'intérieur de laquelle il y a d'autres institutions. Il faisait déjà la différence entre le pouvoir dans l'État et le pouvoir de l'État. La souveraineté dans l'État, d'avec la souveraineté de l'État. Donc, c'est l'État qui est l'objet du droit constitutionnel", a-t-il indiqué.

Selon le professeur Esambo, le troisième moment pour situer la pensée juridique du professeur Victor Jean-Claude Djelo, c'est qu'il a pris l'État comme centre d'intérêts du droit constitutionnel. On ne peut pas étudier le droit constitutionnel en dehors de l'État, martelait-il.

" Finalement, le professeur Djelo va se rendre à l'évidence que l'État n'est pas l'objet unique du droit constitutionnel, car il est faible. Donc l'État est là parce qu'au sein de lui, il y a plusieurs institutions minimes à l'interne. L'État fait l'objet des attaques, fait face à des défis internes et externes au point de le rendre petit. Mais dans sa petitesse, l'État est bien une donne complexe qu'on ne peut percevoir qu'en ayant aussi bien l'approche juridique et celle de la science politique ", a conclu le professeur Esambo.

L'État et le pouvoir politique, 2 faces d'une même médaille

Prenant la parole, le professeur Evariste Boshab a salué la hauteur de la pensée de "ces deux grands maîtres" qui, selon lui, ont laissé  "une parfaite signalisation afin que les disciplines ne puissent prendre le sens contraire et posé les balises pour  éviter toute navigation à vue".

"Il ne consiste pas ici à dire qui a tort, qui a raison. Qu'il s'agisse du pouvoir politique ou de l'État, il ne s'agit que de deux faces d'une même médaille qui sont inséparablement liées. On ne peut, en aucun cas, choisir l'un au détriment de l'autre puisque les deux s'enchevêtrent. Tout dépend de l'approche que l'on  emprunte. La vérité demeure que l'une sans l'autre, l'objet du droit constitutionnel ne peut être que terne. Or, celui-ci doit demeurer une lumière qui éclaire l'humanité pour que les droits de la personne humaine s'enracinent davantage", a-t-il déclaré.

Le professeur Bashab pense que dans sa conception actuelle, l'État n'est pas nécessairement la seule et l'ultime forme d'organisation des rapports humains. Pour lui, il s'observe aujourd'hui un droit constitutionnel au-delà du cadre étatique. D'où, soutient-il, l'importance de penser à l'encadrement juridique des pouvoirs transnationaux ou supranationaux à travers "l'internationalisation du droit constitutionnel et la constitutionnalisation du droit international".

Mettre en place des Constitutions suivant les valeurs traditionnelles

Le deuxième panel a opposé le professeur Jaques Djoli au professeur Barthélémy Omeonga. Le premier a proposé ce qu'il a qualifié de l'approche tradicentrique du droit constitutionnel. Il a insisté sur l'idée de mettre en place en RDC une Constitution suivant les valeurs traditionnelles.

"Il y a énormément des mécanismes de constitutionnalisme africain. Le professeur Djelo déjà disait qu'il faut faire attention aux fausses originalités, aux caricatures du droit africain traditionnel. Pour que nous puissions réussir à revitaliser, à revivifier nos systèmes politiques, il faut que nous puissions réussir un système politique qui doit trouver appui dans la tradition, dans le tréfonds de la psychologie profonde des peuples. Il faut que nous trouvions cette dialectique entre le système traditionnel et un système moderne dont nous ne connaissons pas le fondement mythologique. D'où le recours à l'anthropologie juridique qui nous permet d'arriver à une réinvention ontologique de nos textes capable de nous permettre de faire face aux défis actuels", a souligné le professeur Djoli.

Dans son intervention, le professeur Barthélémy Omeonga a, d'entrée de jeu, vanté son maître, le professeur Edouard Mpongo,  qui selon lui, a déjà en son temps développé un point qui réunit Djelo et Kitete. Pour le professeur Mpongo, a-t-il rappelé, l'objet du droit constitutionnel est "l'étude des institutions politiques". Or, l'État est une institution politique tout comme le pouvoir de l'État.

Prenant la parole pour clôturer ce colloque, le chef du département de droit public interne de la faculté de Droit de l'UNIKIN, le professeur Kaluba, a affirmé que son département va régulièrement organiser des débats épistémologiques du genre question de faire avancer la science. Il a proposé l'intégration du  cours de philosophie du droit dès la première année de graduat, question de préparer les étudiants aux débats élevés.

ODN