Dans une interview accordée à 7SUR7.CD, le dimanche 5 mai 2024, l’ancien sous-chef d’état-major et directeur des affaires politiques et du mécanisme d’alerte rapide de la force multinationale d’Afrique centrale, le lieutenant-général des forces armées congolaises, à la retraite, Aguru Mamba Maurice, a donné sa voix sur les pistes de solution à l’enlisement de l’insécurité dans la province de l’Ituri ainsi qu’à la guerre d’agression au Nord-Kivu.
Pour lui, ce qui se passe au Nord-Kivu est une guerre d’agression du Rwanda, alors que l’insécurité en Ituri, c'est juste de l’incivisme de certaines personnes encouragées par l’absence de l’autorité de l’État. À ces deux situations différentes, Aguru Mamba propose deux approches différentes.
Étant donné que la situation du Nord-Kivu est une guerre d’agression, l’ancien commandant général des écoles de guerre de la RDC conseille au gouvernement l’application de l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui reconnaît à chaque État la légitime défense.
« Quand j’étais à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), on suivait de près la question du M23 vu ma fonction de directeur des affaires politiques et du mécanisme d’alerte rapide. En réalité, ce groupe rebelle n’existe pas. C’est une agression pure et simple du Rwanda. Raison pour laquelle on avait contesté en 2013 l’analyse du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui tendait à réfuter la thèse de l’agression. À ce stade, il faut impérativement appliquer l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui reconnaît la légitime défense », a-t-il expliqué.
Face à cette situation, cinq instruments doivent être activés par la RDC pour sauvegarder et faire respecter son intégrité territoriale.
« Nous devons utiliser tous les moyens contre le Rwanda en activant cinq instruments de gestion de crise, à savoir la diplomatie, la communication, les moyens militaires, la pression économique contre le Rwanda ainsi que mettre à contribution la société civile pour faciliter le dialogue entre les communautés. Si on met en synergie ces 5 instruments, vous verrez qu’il y aura changement », a poursuivi le général.
Du côté de l’Ituri, celui qui a fini sa carrière militaire en étant commandant du Corps pour la protection des parcs nationaux et des réserves naturelles apparentées (CorPPN) préconise une autre approche. Il conseille au gouvernement de travailler préalablement sur le rétablissement de la confiance entre la population et les services de sécurité.
« La situation de l’Ituri ne doit pas être gérée normalement, on ne doit pas y appliquer des procédés conventionnels. Étant donné que l’enjeu, c'est d’abord la protection de la population, les forces de défense et de sécurité devraient tout d’abord regagner la confiance de cette population. Les groupes armés sont dans la population, ils la manipulent. Les policiers et les militaires devraient s’installer dans la population afin de savoir qui est qui. C’est ce type d’approche asymétrique qu’il faut appliquer », a-t-il souligné.
Le lieutenant-général des forces armées congolaises, Aguru Mamba Maurice, estime qu'il faut vite sortir de l’enlisement en garantissant la sécurité de la population, en réactivant véritablement la justice dans ces zones et aussi en créant les emplois pour les jeunes. En activant ces 3 stratégies, vous verrez que le relèvement socio-économique sera automatique et aucun jeune n'acceptera d’être recruté par des groupes armés ».
En ce qui concerne l’état de siège en vigueur depuis 3 ans dans les deux provinces, ce dernier regrette que les objectifs n’ont pas été atteints. D’où, il conseille d’éviter l’enlisement.
« Nous sommes aujourd’hui dans une situation d’enlisement avec l’état de siège, alors que la stratégie de gestion de crise déconseille l’enlisement. Peut-être la faute revient à la conception, à la planification et à la mise en œuvre de l’état de siège. L’un des articles de l’ordonnance de mise en œuvre de l’état de siège dit qu’on doit rechercher et récupérer les armes qui sont entre les mains de la population. Ça n’a pas été fait, malheureusement », a-t-il déploré.
Pour terminer, l’ancien sous-chef d’état-major de la force multinationale d’Afrique centrale conseille à l’État congolais de redéfinir sa stratégie de défense en créant une ceinture de sécurité d’au moins 300 km en partant des frontières vers l’intérieur du pays.
« La plupart de nos minerais stratégiques sont concentrés dans une bande de 300 km à partir des frontières vers l’intérieur. Notre stratégie de défense devrait se concentrer dans cette bande afin de contrôler la sortie de nos minerais. Ce n’est pas fait aujourd’hui. Nous devons donc changer notre dispositif sécuritaire en intégrant les zones minières comme vital », a-t-il conclu.
Actuellement, Aguru Mamba Maurice est enseignant à l’école de guerre et consultant national à la Monusco en charge de la question de réforme des FARDC. Ceci en prévision du retrait de la force onusienne de la RDC.
Bienfait Luganywa