Expliquant la quintessence de son ouvrage intitulé : « Sous la houlette de la Cour constitutionnelle, une jurisprudence qui ne peut faire jurisprudence », baptisé le jeudi 20 juillet 2023 à Kinshasa, le professeur émérite Auguste Mampuya ne s'est pas empêché d'évoquer les deux arrêts rendus par la Haute cour dans l’affaire Bukanga Lonzo dont le principal accusé est l'ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo.
L'ancien juge ad hoc à la Cour Internationale de Justice (CIJ) a concédé que l'arrêt RP. 0001 du 15 novembre 2021 a sonné le glas des poursuites judiciaires contre le sénateur Matata.
« Dans l'affaire Matata, personne n'a jamais entendu le prononcé sur le fond. C'est pour cela que quand j'en parle, je n'ai pas besoin des faits. Je ne suis pas juge. Je suis quelqu'un qui réfléchit sur la manière dont le Droit est appliqué. Je me rends compte de ce qui s'est passé. Il y a eu l'arrêt RP. 0001. Il est là, on n'y peut plus rien. On peut exprimer des regrets et dire des choses. Je me rappelle encore le regret exprimé par le chef de l'État qui a témoigné son affection pour la personne de Monsieur Matata disant : c'est quelqu'un que j'aime bien et que j'apprécie bien. Je dirai que l'arrêt RP. 0001 existe et on s'arrête là », a-t-il fait observer.
Comme d'autres scientifiques qui se sont penchés sur cette question, le professeur Mampuya a estimé qu'en se rétractant via son arrêt du 18 novembre 2022, la Cour constitutionnelle a posé une jurisprudence qui ne vaut que pour l'avenir.
« Le revirement n'est pas scandaleux en soi, c'est une pratique normale. Il faut le motiver. La Cour s'y est prise dans 2 arrêts. Le 1816, mais surtout le 1880 où elle a été saisie par les sénateurs pour interpréter l'article 168 de la Constitution. Elle s'est sentie obligée de revenir encore sur cette affaire pour justifier le revirement. Mais là encore avec une interprétation qui est une erreur. Le revirement, ce n'est pas ça. Le revirement, ce n'est pas modifié le fond d'un jugement pour que la même affaire continue avec la même partie devant les mêmes juridictions. Le revirement, c'est une sorte de décision de principe qui va valoir pour l'avenir », a martelé ce docteur en Droit.
Et de préciser : « Ces questions, je les aborde d'une manière tout à fait simple, sans animosité, sans passion dans l'ouvrage. Pour moi, il n'y a pas de raison d'être passionné pour cela. J'ai vu dans les réseaux sociaux que Matata revient à la charge, ça n'a rien à voir avec lui ».
Dans son livre de 169 pages qui offre aux lecteurs l'opportunité de découvrir les arrêts controversés de la Cour constitutionnelle, le professeur Mampuya dit inciter les magistrats au devoir d'ingratitude. À cet effet, il a invité le Conseil Supérieur de la Magistrature à prendre ses responsabilités pour défendre l'indépendance du pouvoir judiciaire en RDC.
L'auteur affirme avoir usé de sa plume pour « vilipender largement les politiciens qui ont tout fait pour réduire et avilir les magistrats en les entraînant dans la boue puante de la politique ».
« Si tous les juristes, nous nous liguons, les magistrats auront la force de résister aux velléités des politiciens d'amener la politique dans le prétoire. Les magistrats s'en plaignent », a indiqué le professeur Mampuya.
Lors d'une conférence de presse animée le 09 mai dernier à Kinshasa, le professeur Gabriel Banza Malale, expert des questions géopolitiques et géostratégiques dans les crises congolaises et enseignant de droit constitutionnel à l’Université de Lubumbashi, a soutenu que le 1er juge de la Cour Constitutionnelle avait déjà dit le droit et tout s’est arrêté là en vertu de la non-rétroactivité.
Merveil Molo