«Le dossier Fortunat Biselele Kayipangi est en train de virer à un véritable scandale d’Etat». Ces propos sont des membres du collectif des avocats de l’ex-conseiller privé du chef de l’Etat, lors d’un point de presse tenu ce lundi 15 janvier au siège de l’ACAJ. Victime d’une une déchirure complète du tendon au niveau de son épaule droite depuis le 29 novembre 2022 à la suite d’une chute dans la salle de bain, l’alors conseiller privé du chef de l’Etat Fortunat Biselele devait se rendre en France pour une intervention chirurgicale prévue pour le 16 janvier 2023. Malheureusement, il est interpellé et mis aux arrêts deux jours plus tôt. Il avait pourtant un rendez-vous d’urgence auprès du Docteur Julien Gaillard de l’Hôpital Américain de Paris. Et quand Mme Rose Mutombo Kiese, ministre d’Etat et ministre de la Justice entre dans ce dossier, il devient une bombe politoco-juridique.
Le 13 février, le docteur Emmanuel Pay Pay, orthopédiste de renom des cliniques Ngaliema, qui prenait en charge M. Biselele, écrit à son collègue de l’hôpital du Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa, CPRK, pour lui faire rapport de l’état dans lequel il l’avait trouvé. «Je l’ai vu à ma consultation du 5 décembre 2022 pou des douleurs invalidantes au niveau de son épaule droite. Le patient est âgé de 51 ans, et présente une épaule raide dont le peu d’amplitude articulaire objective encore : abduction 30°, ante pulsion 30°, retro pulsion 10°, rotations interne et externe 0°-10°», écrit le Dr Pay Pay.
Tableau technique non disponible en RDC
Qui ajoute : «la radiographie de l’épaule objective de calcification en sous acromial et une diminution de son espace». Mais aussi : «l’échographie objective une déchirure complète du tendon sus épineux avec rétraction du moignon proximal». Le médecin indique alors avoir réalisé une infiltration au diprosDène avec Marcaïne en tenant compte de la glycémie du patient. Avant de suggérer : «ce patient étant jeune et droitier, les infiltrations nous paraissent pour mettre fin aux douleurs». Avant d’expliquer que M. Biselele devrait être pris en charge dans un pays mieux outillé, et pour cause :«ceci est une indication d’une arthroscopie avec acromioplastie et plastie de la coiffe de rotateurs, et ce tableau technique n’est pas encore disponible en République démocratique du Congo».
Finalement, saisie par le gardien de la prison centrale de Makala, la ministre d’Etat et ministre de la Justice Rose Mutombo Kiese saisit à son tour son collègue de la Santé qui met en place une équipe de contre-expertise. Cette équipe rend son rapport sur base duquel la ministre Rose Mutomboécrit au gardien de la prison centrale de Makala en date du 10 avril 2023. Dans sa lette, elle écrit : «il ressort de ce rapport que les médecins, après l’examen d’IRM, ont conclu à une rupture du tendon du muscle sus épineux avec double épanchement qui nécessite une réparation chirurgicale de préférence par voie orthoscopique». Elle demande par la même occasion au gardien de la prison centrale de Makala de prendre des dispositions idoines afin de transférer le patient à l’hôpital militaire du camp Tshatshi.
C’est ainsi que Fortunat Biselele a été transféré dans cet hôpital dès le 13 avril. Mais presqu’un mois jour pour jour, sans qu’aucun soin approprié et encore moins la chirurgie exigée par la ministre elle-même ne lui ait été apporté, la même ministre écrit une autre lettre le 12 mai au gardien de la prison centrale de Makala, dans laquelle elle dit n’avoir reçu aucun rapport concernant la recommandation médicale. Curieusement, elle lui ordonne de prendre des dispositions pour ramener M. Biselele en prison. C’est ainsi que des soldats de la garde républicaine vont se charger de faire irruption dans la chambre d’hôpital du patient à 4 heures du matin, pour l’embarquer sans ménagement, et le ramener au CPRK.
Appel au président de la République
«Ceci est un vrai scandale. Nous avons connu Mme Rose Mutombo comme un défenseur des droits de l’Homme. Nous sommes donc étonnés de la voir aujourd’hui s’ériger en violateur des mêmes droits qu’elle défendait hier», s’insurge Me Richard Bondo, membre du collectif des avocats de l’inculpé. L’homme de la loi évoque les articles 16 et 18 de la constitution congolaise qui décrètent, d’une part, que toute personne est présumée innocente tant qu’aucune décision de justice n’a établi sa culpabilité, et, de l’autre, que ‘‘tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité’’.
«Devant ce scandale qui ne respecte pas la vie et la santé de notre client, nous appelons l’opinion nationale et internationale à considérer Biselele Fortunat comme une victime politique des intrigues et luttes de positionnement autour du chef de l’Etat, car aucune procédure ni judiciaire ni juridique ne peut justifier le sort qui lui est réservé aujourd’hui», a déclaré Me Bondo. Avant de conclure : «C’estcontre le triomphe de ce mal qui vise la mort de notre clientque le collectif des avocats de Biselele Fortunat en appelle au président de la République afin que ce dernier seul puisse régler le régime pénitentiaire ainsi que le lui reconnaît l’article 115 du Code de procédure pénale : Le président de la République règle tout ce qui concerne le régime pénitentiaire et arrête le règlement disciplinaire spécial auquel sont soumis les détenus».
B.M./CP