Rutshuru, dans le Nord-Kivu, partie Est de la République démocratique du Congo, est, depuis plusieurs semaines, le théâtre d'une escalade de violences contre des civils perpétrées par le M23 soutenu par le Rwanda.
Les combats entre les forces loyalistes et les rebelles ont contraint des dizaines de milliers de personnes à déserter leurs villages pour trouver secours ailleurs.
Dans une interview accordée ce lundi 11 juillet 2022 à 7SUR7.CD, l'activiste des droits de la femme et sensibilisatrice engagée contre le VIH/SIDA et les violences sexuelles, Odiane Lokako, a dénoncé l’inaction du premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, et de son gouvernement face à la détresse des déplacés internes et externes, près de 200.000 qui vivent dans des conditions dramatiques. Elle a plaidé pour une aide d’urgence.
"Nous avons lancé, avec des ONG dont la LUCHA et des chefs coutumiers, des appels à l’aide. Tout le monde fait un SOS parce que les chiffres de l'UNICEF parlent de près de 200.000 déplacés de guerre internes. Mais jusqu'à présent, nous ne voyons pas ce que l'État congolais fait. Alors, nous posons la question exactement au premier ministre, Sama : Que fait son gouvernement ? Est-ce que les voyages qu'il fait sont beaucoup plus importants que tous ces déplacés de guerre, femmes et enfants ? Sans oublier que nous avons aussi des victimes des violences sexuelles, nous avons des parents qui ont perdu tout ce qu'ils avaient. Tout le monde le sait. Nous attendons aujourd'hui de voir exactement comment est-ce que le gouvernement va les aider. Jusqu'à présent, nous ne voyons rien et nous espérons que le gouvernement va vite agir pour sécuriser tous ces déplacés qui dorment à la belle étoile", a affirmé la présidente de la fondation Ensemble Luttons Contre le Sida (ELCOS).
Elle a encouragé le gouvernement à mobiliser des fonds nécessaires en faveur de ces déplacés internes.
"L'UNICEF cherche 1,5 million de dollars pour aider ces déplacés. Mais tous les jours, nous entendons à Kinshasa qu'il y a plus d'un million sorti pour telle ou telle autre chose, notamment des voyages. Est-ce que nous ne pouvons pas réellement penser à nos compatriotes de l'Est qui sont en train de souffrir ? Il est possible que le gouvernement mobilise cet argent. En Ethiopie, un premier ministre avait laissé la capitale, Addis-Abeba, pour aller se battre avec ses frères, je pense que le bureau de Sama doit maintenant se placer dans l'Est pour soutenir les déplacés. Cette situation est inacceptable ! Nous attendons de voir qu'est-ce que la primature a fait, qu'est-ce que le gouvernement organise pour que ces déplacés de guerre puissent être pris en charge", a-t-elle dit.
L’activiste a exprimé son soutien à l’armée pour la défense du territoire national.
"Nous soutenons toujours l'armée congolaise qui se bat courageusement pour que nous puissions gagner cette guerre qui date depuis longtemps, plus de 25 ans", a souligné O. Lokako.
Face à une certaine indifférence de la communauté internationale au drame de l’Est, elle a dit continuer à mobiliser l’opinion nationale et internationale pour une prise de conscience collective.
"Aujourd'hui, nous voyons comment le monde est mobilisé pour soutenir l'Ukraine. Les européens veulent aussi que l'Afrique soutienne leur cause et puisse prendre part à cette guerre qui oppose l'Ukraine à la Russie. Tout le monde oublie que la RDC est en train de vivre un massacre à ciel ouvert, un génocide qui ne dit pas son nom. Qui nous soutient ? Les drames de la RDC passent à peine dans les chaînes internationales. Je demande à tout congolais de se lever. Tout le monde est aujourd'hui dans les réseaux sociaux. C'est à nous de nous battre pour montrer au monde que nous sommes en train de vivre un génocide (...). Nous devons communiquer davantage pour que notre cause soit entendue et défendue. Il y a une vraie guerre qui se passe. Une guerre où on tue les femmes, où on viole, où on massacre les populations congolaises (...). Nous devons nous battre pour montrer au monde que nous ne sommes pas d'accord et que le Rwanda en soutenant le M-23 d’après le gouvernement, ne peut pas continuer à prendre nos minerais comme ça, à faire travailler sa population, à faire de grandes usines de coltan et que chez nous, des meurent de faim. Pourtant, nous avons une jeunesse extraordinaire et très intelligente", a-t-elle indiqué.
Depuis la reprise des hostilités entre les FARDC et les rebelles du M23 fin mars dernier, des dizaines de milliers de personnes ont abandonné leurs foyers. Le comité international de la Croix-Rouge parle de 150.000 déplacés internes, auxquels il faut ajouter 25.000 réfugiés en Ouganda. Parmi ces personnes se trouvent des enfants, dont plus de 800 sont séparés de leurs familles. Un bombardement de l’armée Rwandaise a tué 4 écoliers.
Merveil Molo