TRIBUNE SUR LES HYDROCARBURES CONGOLAISES
Le secteur des hydrocarbures en République Démocratique du Congo est subdivisé en deux grandes branches à savoir l’Amont pétrolier portant sur la prospection, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures sur l’ensemble de nos bassins sédimentaires d’une part et d’autre part l’Aval pétrolier avec le transport, le raffinage, le stockage et la distribution des produits pétroliers. C’est depuis l’année 2015 que ce secteur important de l'économie nationale s’est doté d’une nouvelle loi des Hydrocarbures. Cette nouvelle Loi des Hydrocarbures a apporté plusieurs innovations parmi lesquelles nous pouvons citer l’obligation faite à l’Etat de s’investir dans les travaux de recherche géologique, géophysique et géochimique en vue de l’évaluation de ses ressources en hydrocarbures, l’instauration d’une procédure spécifique d’appel d’offres pour l’attribution des droits d’hydrocarbures différente de la procédure organisant les marchés publics, le principe de la création de la société nationale d’hydrocarbures et la définition des modalités de constitution des stocks des produits pétroliers, notamment des stocks stratégiques et de sécurité. Eu égard à toutes ces innovations, il est difficile de croire que la croissance des investissements dans ce secteur tarde à se concrétiser malgré la présence de la Société Nationale des Hydrocarbures du Congo, « SONAHYDROC SA » en acronyme, qui est présente dans toute la chaîne de l’industrie pétrolière. Plusieurs Ministres des Hydrocarbures se sont succédés à la tête du Ministère des Hydrocarbures sans que les performances sur les recettes ne soient observées au niveau du Trésor Public.
Malheureusement, l’Etat Congolais se retrouve continuellement en train de compenser les pertes et manques à gagner des sociétés pétrolières au moment où ces dernières enregistrent des chiffres d’affaires en pleine croissance. Quant au secteur Amont pétrolier, c’est avec amertume que nous observons combien la République est condamnée à payer des sommes énormes autour des sentences négociées auprès des juridictions internationales et obtenues grâce au concours de certains compatriotes qui trahissent la nation. Subsidiairement au programme du Gouvernement conduit par son Excellence le Premier Ministre, Monsieur Jean-Michel SAMA LUKONDE KYENGE, lequel en son axe 14 présente les actions à mener dans le secteur des hydrocarbures, le nouveau Ministre des Hydrocarbures a sur sa table les orientations clés capables de redynamiser le secteur des hydrocarbures aussi bien en amont qu’en aval. Ce travail laborieux de redynamisation exige la prise des décisions urgentes notamment en ce qui concerne :
- L’amélioration du réseau de stockage, de transport et de distribution du pétrole et du gaz ;
- L’approvisionnement du pays en produits pétroliers et gaziers;
- L’allègement et la réorganisation de la structure de prix des produits pétroliers ;
- La restructuration de la Société Nationale des Hydrocarbures
« SONAHYDROC SA », et contrôler le flux des paiements des sociétés pétrolières installées en RDC sur le plan fiscal et douanier, en collaboration avec les Ministères sectoriels, afin d’améliorer la gouvernance, la transparence et le rendement dans le secteur ;
- La certification des réserves pétrolières et gazières et le lancement des appels d’offre sur les blocs pétroliers et gaziers certifiés et accessibles.
Le déplacement du Ministre des Hydrocarbures à l’intérieur du pays est un signal fort lancé en l’endroit des sociétés pétrolières œuvrant dans le secteur aval pétrolier car il a pu se faire une image claire de son secteur. Comment par exemple résoudre le problème d’approvisionnement en produits pétroliers à travers le pays si seulement l’axe ouest présente les installations en état de recevoir les stocks traçables des produits ainsi que les facilités de transport pour l’acheminer depuis le point d’entrée jusqu’à l’arrière-pays ?
Nous pouvons constater que la Société Nationale des Hydrocarbures
« SONAHYDROC SA » devait jouer un rôle important en ce qui concerne l’approvisionnement en produits pétroliers à travers le pays. En dépit de la perte de ses participations dans quelques contrats pétroliers depuis sa transformation en société commerciale, elle se retrouve aujourd’hui renforcée par la nouvelle loi des Hydrocarbures de 2015 avec dans l’amont pétrolier la participation aux activités d’hydrocarbures à hauteur de 20% au minimum dans chaque contrat pétrolier d’une part et d’autre part, la charge de constituer et de maintenir pour le compte de l’Etat les stocks stratégiques de tous les produits pétroliers. C’est donc la SONAHYDROC SA qui doit être la boussole du grand bateau Congo et le gouvernail sous le contrôle du commandant ayant les hydrocarbures dans ses attributions.
Les équipes managériales ayant dirigé la Société Nationale des Hydrocarbures du Congo « SONAHYDROC SA » et qui la dirige actuellement ont pour la majorité travaillé dans l’optique de la rendre dépendante des désirs inassouvis des acteurs politiques et en même temps le canal d’enrichissement personnel au détriment des intérêts nationaux. Elle compte à ce jour plusieurs contrats en amont et en aval pétrolier l’ayant complètement anéantie car certains sont même exclusifs. C’est ainsi que tous ces partenaires privés la considèrent comme un tremplin pour justifier leurs investissements opaques et vont plus loin pour parler à sa place. Par exemple, elle a récemment bénéficié d’une subvention de l’Etat dans la structure de prix des produits pétroliers afin de la permettre de commander et importer pour son propre compte les produits pétroliers, ce que nous constatons est que l’équipe managériale se contente d’importer les produits des sociétés pétrolières privées parmi lesquelles nous pouvons citer PETROCAM et ORYX qui ne seraient rien d’autres que deux sociétés appartenant à un seul patron mais qui bénéficient de la parafiscalité au même titre que la SONAHYDROC SA parce que leurs produits entrent dans le pays sous le label SONAHYDROC. Bien plus, le prix de la tonne métrique déclaré par la SONAHYDROC SA avoisinerait 790 USD qui est très supérieur à celui fixé par le Ministère de l’Economie. L’on se pose la question de savoir à qui profite ce vaste réseau de corruption et de détournement des deniers publics au moment où les agents de la SONAHYDROC enregistrent plusieurs mois d’arriérés de salaire.
La restructuration de cette grande société du portefeuille de l’Etat devient un impératif car nous ne pouvons pas laisser cette situation demeurée inchangée et susceptible de conduire à sa liquidation. Nous estimons que le Ministre des Hydrocarbures est appelé à poser deux grands actes capables de remettre cette société sur les rails et en état de servir la nation, il s’agit de la signature de deux arrêtés attendus depuis très longtemps portant sur :
- Le fond alloué à l’effort pour l’exploration afin de permettre à la SONAHYDRO SA de travailler sur la valorisation du patrimoine pétrolier national, notamment par l’évaluation des ressources pétrolières à travers nos bassins sédimentaires conduisant ainsi à la certification des réserves ;
- La charge de la SONAHYDROC SA à constituer et maintenir pour le compte de l’Etat les stocks stratégiques de tous les produits pétroliers.
Ces deux grandes décisions vont permettre à la Société Nationale des Hydrocarbures « SONAHYDROC SA » de reprendre sa place comme à l’époque de PETROZAIRE au même titre que les autres sociétés pétrolières nationales africaines et dans le monde, et plus encore permettre à l’Etat congolais d’étendre non seulement ses participations dans les contrats pétroliers mais aussi avoir le contrôle sur les statistiques réelles des importations des produits pétroliers qui est l’un des facteurs clés dans la répartition des taxes à savoir les droits d’entrée, de consommation et l’impôt sur le chiffre d’affaires. Voici les pistes des solutions mises à la disposition du nouveau Ministre des Hydrocarbures capable de l’aider à mieux orienter la politique du Gouvernement dans le secteur des Hydrocarbures.
Henry MUTOMBO MIKENYI Ecrivain et Chercheur en fiscalité. Expert en la lutte contre la corruption.