Numérisation du Cadastre en RDC : Le modèle turc à l'étude   

Mardi 11 février 2020 - 12:43
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Le ministre des affaires  foncières, Aimé Molendo Sakombi vient d'effectuer une visite en Turquie. 
Il était à la tête d'une importante délégation à laquelle a pris part le conseiller spécial du chef de l'État en charge  du numérique, Dominique Migisha.
 
Le premier objectif de cette mission était de comprendre le modèle turc qui a permis à ce pays, situé à cheval entre l’Europe et l’Asie, de numériser la quasi-totalité de son vaste territoire d'environ 750.000 km2 en moins de 10 ans, entre 2004 et 2012 dans le cadre d'un grand projet de réforme résolument volontariste. 
 
En effet, la Turquie était jusqu'au début des années 2000 confrontée aux mêmes difficultés que connaît aujourd'hui la RDC avec une gestion archaïque principalement en papier générant des nombreux conflits parcellaires, un environnement foncier qui n'était pas propice à l'investissement mais surtout avec un important manque à gagner pour les caisses de l'État dû à l'absence d'une base de données du cadastre fiable, capable d'optimiser les recettes fiscales.
 
Aujourd'hui les choses ont complètement changé et grâce au numérique, la Turquie est devenu un pays référence dans le monde en matière de gestion cadastrale et immobilière.
 
Cette transformation fulgurante s'explique par deux facteurs principaux. La forte volonté politique impulsée par le président de la Turquie, Recep Tayip Erdogan d'une part, et le recours au secteur privé d'autre part. Cette collaboration entre le secteur public et privé s'est réalisée à la faveur d'un accord de partenariat avec l'État à travers les ministères concernés et leurs administrations respectives aux premiers rangs desquelles figurent celles qui s'occupent du cadastre ainsi que des titres fonciers et immobiliers.
 
L'originalité de ce modèle de collaboration est qu'une trentaine d'entreprises technologiques turques en lien avec la gestion de la terre et la fédération nationale des géomètres de Turquie se sont regroupées au sein d'une structure dénommée « HARMIAD » qui est l'interlocuteur de l'État turc dans ce partenariat désormais pérenne.
 
Ils ont réussi à faire en sorte qu'une parfaite collaboration puisse exister entre les fonctionnaires de l'État et tous les employés des sociétés qui composent le groupement HARMIAD, dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet qui est en constante évolution notamment à cause des avancées technologiques.
 
Le ministre Sakombi a déclaré qu'il était particulièrement impressionné par le centre des opérations national basé dans la capitale de la Turquie (Ankara) d'où l'ensemble des opérations foncières et immobilières peuvent être suivies en temps réel. Il a notamment constaté que la seule journée du vendredi 7 février 2020, les droits fonciers divers avait rapporté plus de 13 millions USD et que la contribution annuelle du secteur foncier au budget de l’Etat turque est supérieure à 2 milliards USD pour un nombre total de parcelles tournant autour de 57 millions.
 
Le Ministre ajoute que le cas de la Turquie est intéressant à analyser par la RDC à plus d'un titre.  En effet, bien qu'ayant une superficie d'environ 1/3 de la RDC sa population de 83 millions d'habitants est comparable à la nôtre et, tout comme en RDC avec  Kinshasa, il y a une mégapole qu'est Istanbul qui compte plus de 15 millions d’habitants. La Turquie est composée de plusieurs provinces qui ont une certaine autonomie notamment en matière foncière et immobilière.
Enfin, leur réforme spectaculaire du cadastre est partie d'une volonté politique très forte au plus haut sommet de l'État.
 
En RDC, le président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo affiche cette même ferme volonté de réformer en profondeur la gestion du secteur foncier à travers les outils technologiques aujourd'hui à la portée de la RDC. La présence de son conseiller spécial en numérique durant cette mission traduit parfaitement cette ambition du Chef de l'État.
 
Le ministre Sakombi ajoute que lorsqu'on observe ce que la Turquie a réussi à faire de son cadastre en moins de 10 ans, cela donne une perspective et une réelle motivation d'obtenir des résultats similaires dans ces délais. De ce point de vue, j’ai clairement à l’esprit la maximisation des recettes en 2020 décrétée par le Chef de l’Etat et la contribution fortement accrue que notre secteur foncier et immobilier devra apporter au budget de l’Etat.
 
D'un point de vue technique, le conseiller spécial souligne, quant à lui, que l'approche turque a permis à tout un écosystème de se développer autour de ce projet et des dizaines d'entreprises technologiques turques ont pu grandir grâce à ce partenariat piloté par le groupement HARMIAD au point d'être aujourd'hui en mesure d'aller à la conquête des marchés internationaux et de rivaliser avec les grands noms du secteur issus des pays les plus avancés. 
 
Une telle approche qui ferait appel à l'écosystème Tech de la RDC soutenu au départ par une expertise extérieure collerait donc parfaitement, dit-il, avec la vision du chef de l'État d'encourager l'entrepreneuriat congolais dans tous les secteurs et, dans ce cas précis, les opérateurs œuvrant dans les nouvelles technologies. Ce type de projet d'envergure fait appel à de nombreux métiers du numérique et ce modèle de partenariat public privé avec des acteurs locaux sera très profitable au secteur et à la RDC. Aujourd’hui, après avoir entièrement numérisé son cadastre en 2D la Turquie se lance dans la numérisation en 3D ce qui va lui permettre avec des puissants outils de modélisation, faisant appel à de l’intelligence artificielle, de mieux planifier et gérer sa politique d’urbanisation et de fiscalisation grâce notamment à une mercuriale des valeurs immobilières affinée.
 
Fort de son succès, la Turquie a commencé depuis quelques années à exporter ce savoir-faire et ce modèle original. En dehors certains pays d'Asie où ils sont présents, il y quelques pays africains qui ont déjà fait appel à  HARMIAD pour les accompagner dans leurs projets de numérisation du cadastre et de modernisation du secteur.
 
Le conseiller spécial souligne que leur modèle de collaboration se base sur le transfert des technologies dès le départ afin de permettre aux pays bénéficiaires et aux entreprises privées locales impliquées, d'être à terme, en mesure de gérer leurs systèmes informatiques de manière autonome et de les faire évoluer. En effet dit-il, les pays bénéficiaires ont immédiatement accès aux codes sources permettant de faire évoluer les systèmes et de les rendre interopérables avec d’autres systèmes. Les congolais sont techniquement parfaitement capables de développer et de gérer ces systèmes. Dans ce sens la collaboration et l’appui extérieur pourrait davantage se baser sur l’apport financier et en expertise opérationnelle car cela reste un projet extrêmement complexe et couteux avec par exemple l’utilisation d’avions spécifiques pour les relevés topographiques et les cartes, la construction de stations GPS terrestres, l’informatisation généralisée et les équipements énergétiques nécessaires à de nombreux endroits, etc.
 
Pour le ministre, le choix de la numérisation dans le cadre d'un partenariat public-privé ne fait plus débat depuis que le gouvernement a approuvé, en conseil des ministres, son plan de relance du projet en cours d'exécution actuellement dans notre pays mais qui était incomplet car il ne s’agit que de la sécurisation des titres fonciers et immobiliers sans numérisation du cadastre. Il se montre d'ailleurs renforcé dans sa conviction que c'était la bonne option d'ajouter la numérisation à ce projet qui doit être refinancé. Il ne reste plus au gouvernement qu'à déterminer le modèle de collaboration et à retenir le partenaire mieux en mesure d'accompagner l'État et son administration foncière dans cette grande transformation digitale voulue par le chef de l'État. 
 
En marge de cette mission de travail, le ministre a pu visiter le projet de "Ankara Nord" qui est une extension de la ville d'Ankara où près de 20.000 nouveaux logements ont été construits en l'espace de quelques années à peine avec de nombreux aménagements et édifices tels qu'une université, un centre international de congrès, un hôtel, des écoles, des centres commerciaux, un centre de loisirs, des lieux de culte, etc... 
 
Le ministre a déclaré que le modèle de financement privé de cette cité intelligente était également un bon exemple à prendre en compte dans le cadre de la réflexion en cours au sujet de l'extension de la ville de Kinshasa dans sa périphérie.  
C’est un projet qui vise à désengorger notre capitale pour lui donner un nouveau souffle dans la perspective de l'explosion démographique attendue dans les prochaines décennies.

C.P

 

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