Après plus de 20 ans de commémoration dans la répression ou la méditation, la journée du 16 février va connaître, cette année, un relief tout particulier. En effet, une mobilisation générale semble s’organiser autour de cette date dédiée à ceux que l’on appelle affectueusement les « Martyrs de la démocratie », tombés le 16 février 1992 sous les balles et coups de baïonnette de la soldatesque du maréchal Mobutu Sese Seko, de triste mémoire.
Les Evêques catholiques, réunis sous la bannière de la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo) étaient les premiers à annoncer les couleurs il y a un mois, en décrétant une marche pacifique des fidèles des diocèses de l’ensemble du pays, pour rendre un fervent hommage à leurs frères et sœurs tués il y a 23 ans pour la cause de la démocratie, mais aussi pousser la classe politique à dialoguer en vue de baliser la voie d’un processus électoral apaisé et transparent.
Pas plus tard que le week-end dernier, les deux plus grandes plates-formes actuelles de l’Opposition, à savoir le « Front Citoyen 2016 » et la « Dynamique de l’Opposition », ont inscrit aux calendriers de leurs actions visant à faire échec à tout dialogue politique, à tout glissement, à toute révision constitutionnelle et au troisième mandat du Chef de l’Etat, la participation de leurs cadres et militants à la marche des chrétiens du 16 février prochain.
Pendant le même week-end, le président du groupe parlementaire du PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie), Emmanuel Ramazani Shadari, a donné de la voie et promis de faire descendre aussi leurs cadres et sympathisants dans la rue, pour une grande « marche de la paix », en souvenir des martyrs du 16 février 2016. Selon le même acteur politique, tous les partis affiliés à la Majorité présidentielle seraient associés à ladite marche, à travers toute l’étendue du territoire national.
Cocktail de la paix ou de la violence ?
La grande inconnue reste de savoir si tous les organisateurs des « marches » du 16 février 2016 sont animés de la même intention, à savoir celle d’honorer la mémoire des compatriotes ayant sacrifié leurs vies en vue d’obtenir la réouverture de la Conférence Nationale Souveraine, un forum destiné à mettre fin au régime dictatorial de Mobutu et à ramener l’ex-Zaïre dans la voie de l’Etat de droit. Si tous visent réellement le déblocage du processus électoral et la tenue future d’élections apaisées, il est permis de croire en l’émergence d’un cocktail de paix entre filles et fils de ce pays. Qui ne serait pas heureux de voir des Congolaises et Congolais aux convictions politiques et confessionnelles divergentes fraterniser et redonner son véritable sens à une journée appelée à marquer, à jamais, la fin de la pensée unique et de l’Etat de non-droit en République Démocratique du Congo ? Si la paix est effectivement placée au centre de toutes les manifestations devant marquer le 23me anniversaire du massacre des chrétiens sous la seconde République, un grand pas aura été accompli dans la voie de la tolérance entre ceux qui se battent pour la conservation du pouvoir et ceux qui œuvrent pour sa conquête, le tout par des voies pacifiques et démocratiques.
Par contre, si la commémoration des martyrs de la démocratie donne lieu à la mise en œuvre d’agendas cachés visant le recours à la violence en vue d’empêcher des manifestants pacifiques de leur rendre hommage, ce serait une terrible escroquerie politique ou sociale vis-à-vis des millions de concitoyens épris de paix et de justice, qui souhaitent que des différences d’approche des questions politiques et sociales du pays jaillissent la lumière de la démocratie. L’on espère vivement que le démon de la répression policière aveugle ou des dérapages des candidats à la marche du 16 février ne va pas montrer son hideux visage aux Congolais dans un mois, à Kinshasa comme en provinces.
Kimp