Qui a dit que la Ceni était une institution indépendante ? Tous ceux qui ont cru en son « indépendance » devraient déchanter. Car en réalité, la Céni est inféodée à la Majorité présidentielle de qui elle reçoit les ordres et les orientations. Illustration : l’invalidation de certains candidats gouverneurs a été effectuée sur ordre de la MP. A la lumière de cette soumission, révélée au grand jour, la Céni s’est discréditée et compromet la suite du processus électoral.
Qui a dit que la Céni jouissait de toute sa liberté dans la prise de ses décisions ? Du bureau présidé par Corneille Nangaa jusqu’à son assemblée plénière, toutes les structures de la Céni sont inféodées. Les délégués de l’Opposition ont fini par être conditionnés, s’alignant totalement derrière les directives de la Majorité présidentielle (MP).
De go, l’on comprend la raison qui a milité en faveur de la cooptation par la MP de Corneille Nangaa et Norbert Basenghezi, respectivement président et vice-président de la Céni. Le duo a reçu mission d’exécuter le cahier des charges de son parrain politique qui avait obligé André Mpungwe, ancien vice-président de la Céni, à rendre le tablier pour avoir refusé de s’inscrire dans la vision du PPRD et de la MP.
Une indépendance qui n’en est pas une
Pour ceux qui doutaient encore, le signal vient d’être donné. La Céni n’a jamais été indépendante. Ce n’est ni plus ni moins un instrument au service de la MP. L’invalidation, tard dans la nuit, des candidats gouverneurs des provinces supposés proches du G7, donc de Moïse Katumbi, en dit long.
En effet, la Céni a fini, dans une procédure qui fera jurisprudence dans l’histoire électorale de la RDC, par publier, aux petites heures du lundi 29 février, la liste des candidats à l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des vingt et une nouvelles provinces. Selon Jean-Pierre Kalamba, rapporteur de cette institution – estampillé UDPS d’Etienne Tshisekedi – sur les 97 dossiers de candidature reçus, 21 ont été déclarés « irrecevables ».
Sans entrer dans les détails, il a fait remarquer, indique radio Okapi sur son site Internet, que plusieurs raisons ont conduit la Céni à déclarer ces dossiers de candidature irrecevables. Selon lui, certains candidats ont déposé des dossiers en concurrence avec ceux émanant de la Majorité présidentielle dont ils sont pourtant membres.
«Ils ont été élus lors des consultations électorales précédentes à titre de députés nationaux ou provinciaux, sénateurs, gouverneurs sur la liste de la Majorité présidentielle. Sur cette base, ils ne peuvent se présenter en candidats indépendants », a argumenté Jean-Pierre Kalamba, cité par radio Okapi.
Par ailleurs, la Céni a accusé ces candidats d’indiscipline pour n’avoir pas reçu le quitus avant de postuler. Cependant, le rapporteur de la Céni a indiqué que les candidats invalidés ont encore la latitude, les 1er et 2 mars 2016, de déposer leurs recours devant la Cour d’appel. Mais, lorsqu’on s’imagine le degré de politisation de l’appareil judiciaire, cette démarche pourrait relever de l’utopie.
En s’alignant aux directives du secrétaire général de la MP, la Céni s’est offerte pieds et poings liés à la MP. Les raisons invoquées pour sauver les apparences ne peuvent résister à l’analyse.
Que dire de Joseph Kabila en 2006 et 2011 ?
La Céni semble avoir la mémoire courte. En 2006 et 2011, cette exception n’a pas été soulevée en ce qui concerne le candidat Joseph Kabila. En 2006, à la tête du tout nouveau parti politique, le PPRD, ce dernier s’est présenté en candidat indépendant à la présidentielle, ignorant superbement son appartenance politique. La CEI d’alors n’a pas invalidé sa candidature.
En 2011, Joseph Kabila va récidiver, en se présentant comme candidat indépendant alors qu’il était à la tête de ce qui s’appelait Alliance pour la Majorité présidentielle (AMP), formée aux termes d’une alliance entre le PPRD, son parti politique, le Palu de Gizenga et l’UDEMO de Mobutu Nzanga. Là aussi, la Céni n’a pas bronché en validant, sans coup férir, la candidature en indépendant du président Kabila. Qu’est-ce à dire : que les dispositions légales invoquées aujourd’hui n’existaient pas à l’époque? Mon œil !
Croyant rouler tout le monde dans la farine en 2016, la Céni va, pince sans rire, tenter de réinventer la roue. A y regarder de près, les élections des gouverneurs ont été déjà jouées à l’avance dans la MP. A l’instar du pasteur Ngoy Mulunda, Corneille Nangaa doit avoir reçu l’ordre de cocher les noms des heureux élus. Au point que, le scrutin du 26 mars 2016 n’aura été qu’une mascarade. Bien plus, de la poudre aux yeux pour donner un semblant de légitimité aux commissaires spéciaux cooptés à Kingakati dans les 21 nouvelles provinces de la RDC.
N’empêche ! Il n’est pas trop tard pour la Céni de se repentir. La RDC ne mérite pas une telle discrimination qui fausse à l’avance le jeu démocratique. La centrale électorale, dont l’indépendance est clairement consacrée par la Constitution, ne devait pas s’ériger, comme le rappelle Christian Mwando Nsimba, député national du G7, en une « commission de discipline de la MP ». Le journaliste belge, Hubert Leclercq, est encore plus coriace. Sur son compte twitter, il rappelle que « quand Minaku explique à la Céni qui sont les bons candidats pour les provinciales, il n’y a plus qu’à donner le nom des élus ».
Le risque est que la suite du processus électoral est faussée, sinon gâchée. Qui pourrait croire en la capacité de la Céni/Corneille/MP de garantir les élections essentielles, notamment la présidentielle dont la date est inscrite dans la Constitution(le 28 novembre 2016) ? La MP se taillera la part du lion et pourrait rempiler à loisir. Dès lors, quel crédit pourrait-on accorder à la Céni quand on sait qu’il suffit que la MP tousse pour qu’elle éternue.
LE POTENTIEL