
Deux semaines après sa confirmation par l’Union Africaine, le Facilitateur du Dialogue politique en RDC n’a toujours pas réussi à installer le Comité Préparatoire tel qu’il l’avait annoncé au cours d’une conférence de presse, le 7 avril dernier. Edem Kodjo éprouve d’énormes difficultés dans l’exécution de sa mission. Tous, y compris les crieurs ou, les prédicateurs du Dialogue, lui rendent la tâche ardue. Le Dialogue aurait-il perdu de sa substance ?
Si l’on reste superficiel, on peut avouer que les déboires du Facilitateur international ont débuté avec son rejet par le G7, la Dynamique, le Front anti-dialogue, le Front citoyen 2016, etc., bref ; toutes les forces politiques et sociales, accrochées au respect absolu de la Constitution, qui exigent l’organisation des élections en 2016. Si on n’allait pas au-delà des apparences, on pourrait affirmer, frôlant ainsi le ridicule, que le blocage viendrait, uniquement, de l’UDPS qui a décidé d’occuper les 12 postes du Comité Préparatoire destinés à l’Opposition politique. On peut comprendre sans partager l’attitude de l’UDPS quand on observe que, côté Majorité Présidentielle, le PPRD, considéré comme le parti phare, s’est montré autant gourmand en s’attribuant la quasi-totalité des 12 sièges. A la Société civile, on enregistre une floraison des listes alors qu’il n’y a que 6 postes à pourvoir. A tout dire, il ne s’agit là que d’une bataille pour le positionnement. Car, s’il était question de défendre les idées par rapport à la meilleure façon de débloquer le processus électoral, le PPRD et l’UDPS, s’ils ne sont pas habilités à engager toute la Nation, représentent globalement les positions politiques dominantes dans le pays. Le PPRD avec ses alliés naturels militent ouvertement pour le report des élections prévues en 2016. Une position défendue et soutenue par certaines formations politiques se réclamant de l’Opposition comme l’Opposition citoyenne, l’Opposition nationaliste, l’Opposition patriotique etc. De la même manière que l’UDPS peut, toutes proportions gardées, représenter tous ceux qui s’opposent à tout glissement des mandats. Le G7, particulièrement, avait publié une déclaration politique dans laquelle ses dirigeants, tout en rejetant le Dialogue et l’acte de nomination d’Edem Kodjo, s’engageaient à observer les Résolutions qui en résulteraient à la seule condition que la Constitution de la République soit respectée.
Des divergences de forme et de fond
Tout analyste pointu peut arriver à déceler que derrière ces élucubrations, se cachent des divergences profondes de forme et de fond sur la finalité du Dialogue. Il y a parmi les pro-dialogue des gens qui sont demeurés figés à un Dialogue version Kabila. C’est-à-dire, un forum politique ouvert qui tienne compte de grandes lignes du discours du Président de la République, prononcé le 28 novembre 2015, ainsi que l’Ordonnance instituant le Dialogue publiée, le 30 novembre dernier. Selon cette conception du Dialogue, la présidence des travaux devrait être assurée collégialement par un délégué de la Majorité et un autre de l’Opposition. Le rôle du Facilitateur international était, lui, réduit à la mission de bons offices. Depuis, l’eau est passée sous le pont. Edem Kodjo a pris de l’envergure. Outre l’acte de nomination de l’Union Africaine, il bénéficie de l’appui du Conseil de Sécurité de l’ONU dont la Résolution 2277 est plus que précise sur l’étendue du pouvoir du facilitateur du Dialogue. Désormais, il évolue en électron libre. Il peut voir qui il veut, où il veut. Au sujet de la finalité du Dialogue, Edem Kodjo a, à plusieurs reprises, affirmé qu’il n’est pas venu en RDC pour violer la Constitution. Autrement dit, sa mission consiste à rapprocher les points de vue divergents pour que les élections démocratiques se tiennent dans le délai constitutionnel. Edem Kodjo est le capitaine du navire. C’est ce qui, apparemment, dérange les calculs surtout que les équilibres des forces sont bouleversés.
Des tirs croisés
Jeudi 21 avril, la CASE, une structure qui s’occupe de la supervision des élections, a produit une déclaration pour exiger la démission d’Edem Kodjo comme Facilitateur. La CASE invite, par la même occasion, le Président Kabila à en prendre acte et à poursuivre des consultations politiques. La déclaration de la CASE s’inscrit dans une certaine continuité. Il y a quelques jours, la CASE, en petit soldat des causes inconnues, a rejeté la Résolution 2277 du Conseil de Sécurité, la jugeant irréaliste.
Tout d’un coup, voici Edem Kodjo au centre des critiques venant de toutes parts. Une action de sape, certes, qui ne fait pas avancer les choses dans le sens de la défense de l’intérêt collectif. L’enlisement se profile à l’horizon. Des appels à la résistance sont lancés à la Dynamique. Et, finalement, Kodjo marche sur des peaux de banane. Les exigences des uns sont automatiquement rejetées par les autres, en dehors du dialogue. Alors que les positions des autres sont considérées, outre mesure, comme des pièges par les uns. Que fera-t-il, pour tirer son épingle du jeu de cache-cache ? Puisque les jours filent sous les pieds, où est le comité préparatoire ? Kodjo est-il déjà bloqué alors que son vrai travail n’a pas encore commencé ?
La Pros.