
Edem Kodjo, facilitateur de l’Union africaine (UA) au dialogue politique national inclusif, annoncé par le chef de l’Etat, est dans de beaux draps. Le diplomate togolais peine à donner corps à sa mission. L’élan pris pour mettre sur pied le comité préparatoire du dialogue s’est estompé brusquement. Désemparé et sans doute dépassé par la complexité du problème, l’émissaire de l’UA Edem Kodjo est essoufflé. Seul exutoire qui lui restait, rentrer à Addis-Abeba et appeler au secours Mme Zuma Nkosazana.
Le Potentiel
Dans la ville haute, l’on en parle à haute voix. Porté disparu dans les rues de Kinshasa et de la République démocratique du Congo, le facilitateur désigné par Mme Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, aurait séjourné à Addis-Abeba. Il se proposerait de rentrer à Kinshasa pour un dernier virage dans l’organisation du dialogue national convoqué par le président Kabila. Edem Kodjo aurait reçu consigne d’opérer un forcing dans la constitution du comité préparatoire en vue d’accélérer la tenue du dialogue national. En volant au secours du facilitateur en difficulté, Mme Zuma compte peser de tout son poids pour la réussite de cette rencontre.
Edem Kodjo éprouve d’énormes difficultés pour tenir un dialogue réellement inclusif. Il lui est quasi-impossible d’obtenir un consensus autour des termes de référence des uns et des autres partisans du dialogue. Cette difficulté s’accroît davantage, face au camp du refus cristallisé autour du duo « Dynamique de l’Opposition » et G7, auquel vient de s’ajouter « l’Alternance pour la République », une nouvelle plateforme qui a applaudi et soutenu la candidature de Moïse Katumbi Chapwe à l’élection présidentielle de 2016.
Le fond du problème, c’est de savoir comment concilier le point de vue de la majorité qui ne jure que par la prolongation du bail du président Joseph Kabila au-delà du délai fixé par la Constitution, d’une part, et celui d’Etienne Tshisekedi et ceux des opposants qui conditionnent leur participation au dialogue à l’acceptation de la feuille de route du lider maximo adressée à la communauté internationale.
Pour rappel, cette frange de l’Opposition n’a cessé de bouder Kodjo en multipliant des conditionnalités à leur participation à ce forum. La question qui triture les méninges est la suivante : comment attirer le camp du refus, qui considère ce dialogue comme « un piège » tendu par le chef de l’Etat et sa majorité avec l’objectif d’obtenir le glissement et au mieux contourner le verrou constitutionnel de deux mandats ? L’équation est insoluble pour Edem Kodjo qui a usé de tous les moyens d’approche, sans succès.
Jusque-là, l’ancien Premier ministre togolais n’a en main que du menu fretin, au point qu’il redoute de se retrouver en situation d’organiser des « concertations nationales bis », auquel cas sa présence serait sans objet d’autant plus que si la Majorité présidentielle veut se réunir avec ses alliés, il n’est pas indiqué qu’une facilitation internationale s’en occupe. C’est d’ailleurs ce qui avait gêné énormément le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon qui s’était rendu compte à travers le rapport lui adressé par Saïd Djinnit que les chances de réussite pour un dialogue inclusif en RDC avoisineraient zéro dans les circonstances actuelles.
Sentant se poindre à l’horizon un discrédit certain, le patron de l’ONU a repoussé la patate chaude à Mme Zuma qui, elle, serait disposée à se frotter à l’insoluble équation congolaise.
Le forcing
Il ne fallait pas s’attendre à autre chose qu’à un soutien de la présidente de l’UA au facilitateur qu’elle a désigné par voie de communiqué. Nkosazana Dlamini-Zuma aurait ainsi rappelé son facilitateur en difficulté, en lui donnant des directives précises pour la réussite de sa mission. Une mission périlleuse, mais aussi une mission qui s’était avérée « impossible » dès le début.
En acceptant cette mission après avoir essuyé un cuisant échec au Burundi, où l’opposition l’avait désavoué, Edem Kodjo était avisé qu’en RDC, la classe politique de l’opposition était aguerrie dans la lutte et n’était pas disposée à lui faire des cadeaux. Ce handicap l’a poursuivi, remontant même à son mandant, Mme Zuma à qui des reproches sont formulés. Notamment la part belle qu’elle fait, selon des opposants, à la Majorité. Le reproche à la présidente de la Commission de l’UA est le fait de travailler en faveur de la MP au détriment de l’Opposition.
Pour certaines langues, Mme Zuma reçoit des orientations de Pretoria en contrepartie des avantages accordés par le gouvernement congolais à la famille du président sud-africain, Jacob Zuma. Ces sources en veulent pour preuve le bloc pétrolier attribué dans des conditions d’opacité à un neveu du chef de l’Etat sud-africain. D’autres contrats conclus dans des secteurs énergétiques avec la RSA dégagent des odeurs de faveur contre d’éventuels soutiens politiques et diplomatiques. Les opposants sont au courant des discussions qui ont précédé et entouré lesdites négociations.
Ce retour attendu d’Edem Kodjo après avoir conféré avec Mme Zuma qui a recadré sa mission avec une convocation rapide du dialogue avant qu’il ne soit trop tard, s’annonce comme un forcing en vue soit d’obtenir la présidentielle dans les délais, soit de mettre en évidence les contraintes qui justifieront le glissement du calendrier électoral. Un défi à relever avec tout ce que cela comporte comme risque.