Dialogue : Edem Kodjo sur un terrain miné

Jeudi 21 janvier 2016 - 13:00
Image

Arrivé le lundi soir à Kinshasa, le démineur de l’union africaine, Edem Kodjo, mesure déjà la complexité de sa mission. Avec une feuille de route qui ne semble pas tenir compte des exigences des anti-dialoguistes, la mission du Togolais est à haut risque Des missiles pour faire exploser en plein vol la facilitation africaine sont activés. Edem Kodjo le sait-il ? Majorité et Opposition ne jurent que par l’échec d’une démarche qui pourrait aboutir à une pacification réelle du processus électoral. Autant dire qu’Edem Kodjo avance sur un terrain miné.

 

L’union africaine (UA) a con fié la tâche de la facilitation du dialogue national politique inclusif au Togolais Edem Kodjo, ancien Premier ministre et ex-secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). C’est le lundi 18 janvier 2016 dans la soirée que le diplomate togolais st arrivé discrètement à Kinshasa. Aussitôt, il s’est jeté dans l’arène en entamant des consultations avec la classe politique - avec en primeur des entretiens avec le bureau de la Céni (Commission électorale nationale indépendante).

 

Si la Majorité et une grande partie de la Société civile, particulièrement les confessions religieuses, attendent impatiemment la convocation de ce énième forum national, le ton est tout autre dans l’aile dure de l’Opposition. Pas sûr que le Togolais soit le bienvenu dans ses consultations.

 

Cependant, certains tels que l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Etienne Tshisekedi pourraient être disposés à écouter l’émissaire de Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine. En effet, l’Udps est bien disposée à prendre une part active à un dialogue national politique inclusif, convoqué, organisé et conduit parle facilitateur désigné par la communauté internationale.

 

C’est hier mercredi dans la soirée qu’Edem Kodjo, a pris langue avec la direction politique de l’Udps, présente à Kinshasa. C’est Bruno Mavungu, secrétaire général de l’Udps, qui a, par ailleurs, conduit la délégation de son parti. Rien n’a filtré de ces entretiens.

 

Toutefois, on sait qu’après Kinshasa, Edem Kodjo devait s’envoler pour Bruxelles en vue de rencontrer Tshisekedi, avant de descendre à Addis-Abeba faire rapport à la présidente de la Commission africaine.

 

Comme on pouvait s’y attendre, la Majorité a applaudi de deux mains le choix de Kodjo. Le contraire aurait étonné. Certains de ses affiliés, notamment le CCU du tout bouillant Lambert Mende, ont pris des distances quant à cette désignation.

 

Le plus évident est que cet avis favorable de la Majorité à la désignation d’Edem Kodjo cache plutôt le malaise qui taraude les esprits.

 

Sont-ils rassurés de pouvoir obtenir le glissement, un changement de Constitution afin de faire sauter le verrou de l’article 220 comme l’ont toujours revendiqué les communicants de la Majorité présidentielle ? A ce stade, rien n’est à 100% garanti !

 

Edem Kodjo devra donc rassurer de part et d’autre. A première vue, sa tâche ne s’annonce pas aisée.

S’il arrivait au facilitateur de suivre et de se laisser séduire par le discours du camp opposé à la tenue du dialogue pour des raisons de crédibilité personnelle, la Majorité présidentielle ne chanterait plus la bienvenue au facilitateur de l’UA. Or, pour que le dialogue national participe à un apaisement réel, la Majorité doit donner des gages de respect de la Constitution, Ce qui est loin des réalités du terrain.

 

JE T’AIME, MOI NON PLUS

Les anti-dialogues, eux, ne font pas mystère de leur opposition au facilitateur. Selon des sources concordantes, le G7, la Dynamique de l’Opposition et le « Front citoyen 2016» ont clairement décliné l’offre d’Edem Kodjo d’échanger sur leur participation au dialogue. Pour eux, la réussite du dialogue ne participera pas à la matérialisation de leur stratégie de conquête du pouvoir. Ils multiplient ainsi des entraves contre la tenue du dialogue, considéré comme un piège visant à offrir au président Kabila un troisième mandat après une transition de plusieurs années. Pire, pour eux, « le président Kabila cherche un mandat à vie ». Le G7 a ainsi obligé, à sa manière, le chef de l’Etat de lever un pan de voile sur ses intentions pour l’après 2016. Les uns et les autres ne visent pas la réussite du dialogue.

 

Si le président Kabila et sa Majorité avaient la réelle volonté de favoriser l’inclusivité, us savent ce qu’il faut faire pour rassurer les Opposants. Il s’agit de se prononcer sur la Constitution, les délais constitutionnels, …

 

Ne pas le faire en faisant courir i chrono est la preuve qu’aucune volonté de favoriser un atterrissage en douceur du cycle électoral n’émerge les rangs de la Majorité.

 

Ce sont finalement tous ces antagonismes qu’Edem Kodjo devra gérer dans la mission à lui confiée par l’Union africaine. Nombre d’obstacles jonchent encore en chemin du dialogue. En interne, Edem Kodjo doit concilier les avis divergents des pro et anti dialogue.

 

Loin de Kinshasa, Tshisekedi reste toujours une énigme. A Bruxelles où Edem Kodjo prévoit de le rencontrer cette semaine, aucun pronostic n’est permis. L’on sait cependant que Saïd Djinnit, envoyé spécial des Nations unies dans la région des Grands Lacs, n’a pas pu le faire fléchir. Le Togolais gagnera-t-il le pari ?

Le POTENTIEL