Toutes les opportunités sont bonnes pour le président américain Barack Obama de rappeler à ses pairs africains l’obligation de respecter les Constitutions de leurs pays respectifs. Lors de son allocution à l’Assemblée générale des Nations unies, l’homme d’Etat américain a remis une nouvelle couche sur ses précédentes déclarations publiques. « Respecter les Constitutions de vos pays respectifs », a-t-il déclaré. Il a invité ceux qui sont tentés par le tripatouillage des Constitutions de revenir à la raison. Une déclaration aux allures de menaces non voilées.
En Afrique, le discours de la démocratie n’est brandi qu’à des fins cosmétiques. Dans les faits, les dirigeants africains n’ont de démocratie que leur maintien au pouvoir. Et, rien d’autre.
Entre 2015 et 2016, la plupart des pays africains se préparent à une alternance. Mais, celle-ci ne se fera pas sans heurts. Partout ailleurs, des dirigeants multiplient des stratagèmes pour contourner le verrou constitutionnel qui limite leur mandat. Le Burundi a ouvert la brèche. D’autres, à l’instar du Congo/Brazzaville, s’apprêtent à lui emboîter les pas. La RDC se tient en embuscade, espérant s’inspirer de ces deux exemples pour faire sauter, à son tour, le verrou de l’article 220 de la Constitution qui verrouille systématiquement le mandat présidentiel.
En RDC, où l’unité de la Majorité au pouvoir a volé en éclats à la suite de la fronde suscitée par le G7 (Groupe de sept partis frondeurs), le front du refus de la modification de la Constitution s’allonge inexorablement. L’onde de choc a fini par atteindre le parti présidentiel, le PPRD, avec la démission spectaculaire, le mardi 29 septembre 2015, de Moïse Katumbi, ex-gouverneur de la province démembrée du Katanga. Entre le G7 et Moïse Katumbi, il y a un point commun, c’est-à-dire le refus de voir le chef de l’Etat tripatouiller la Constitution pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2016.
En dehors de l’Afrique, les partenaires au développement ne sont pas prêts à cautionner cette supercherie. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont ouvertement dit leur opposition à toute modification de la Constitution aux fins de se maintenir au pouvoir.
Washington hausse le ton
L’écho de la déclaration de Barack Obama du haut de la tribune des Nations unies à l’occasion de la 70ème session ordinaire de l’Assemblée générale de cette organisation reste l’allusion à des modifications intempestives des Constitutions sur le continent noir.
«Des dirigeants qui modifient les Constitutions de leurs pays pour servir leurs propres intérêts démontrent qu’ils n’ont jamais travaillé pour leurs peuples respectifs», a déclaré le chef de l’administration américaine à New York. C’était devant des témoins prestigieux comme le pape François ou encore les présidents russe et chinois, pour ne citer que ces deux personnalités qui ne gobent pas nécessairement tout discours qui provient des laboratoires de Washington. D’ailleurs, le Chinois ne s’était pas fait prier deux fois pour apporter l’opposition à Obama. Sur d’autres sujets, loin des révisions des constitutions.
L’administration Obama est ainsi restée constante sur sa position en lien avec les modifications des constitutions en Afrique. Elle est farouchement opposée à la prolongation ad vitam aeternam des mandats des chefs d’Etat. Africains fussent-ils ! Evidemment, lorsque le président Obama chahute les tripatouilleurs des Constitutions, sur les bancs, l’applaudimètre n’avait pas bougé. Ce qui est justifié ! La question ne concerne que les Africains principalement. « Le tacle est évidemment destiné aux chefs d’Etat incapables de manœuvrer comme un Poutine », a déclaré un diplomate africain de la région des Grands Lacs, dont le pays est engagé sur la voie d’un référendum contesté, sous couvert d’anonymat.
Déjà, en juillet, lors de son passage au siège de l’Union africaine, Barack Obama avait tenu le même discours. Il répète, insiste, et use de la pédagogie pour convaincre : « Les progrès démocratiques en Afrique sont en danger quand des dirigeants refusent de se retirer une fois leur mandat terminé. Laissez-moi être honnête avec vous. Je comprends ! Je suis privilégié de servir comme président. J’adore mon travail, mais notre Constitution ne me permet pas de me présenter à nouveau. Je pense que je suis un bon président ! Si je me représentais, je pense même que je pourrais gagner ! Mais, je ne peux pas… Personne n’est au-dessus de la loi, même le président. Je vais être honnête avec vous, j’ai une vie après la présidence ! », a-t-il lancé, en juillet dernier à Addis-Abeba, sous les rires et les applaudissements nourris de la salle de l’UA.
Cette fois-ci, au siège de l’Assemblée générale des Nations unies qui jouxte le siège du Conseil de sécurité, le ton était plutôt grave, voire «martial».
« Cette insistante répétition sonne comme un dernier avertissement, avant le passage à l’acte », réfléchit un diplomate européen en poste aux Nations unies. A la question de savoir si le président américain peut dicter sa volonté aux Etats souverains d’Afrique, sans énerver les prescrits des us et pratiques diplomatiques consacrés, sa réaction est plutôt surprenante : «Tout ne se fait pas au grand jour. De pires scénarii se conçoivent dans l’ombre».
Passe d’armes entre Obama et Xi Jinping
En cette matière de souveraineté, les violons sont loin de s’accorder entre les membres permanents du Conseil de sécurité. Lorsque dans l’avant-midi l’Américain Barack Obama considère que «les grands Etats devraient accompagner les petits Etats sur la voie du développement et la démocratie», le Chinois Xi Jinping dans l’après-midi reste camper sur le principe : «En matière de souveraineté, il n’existe pas de grands Etats et de petits Etats».
A y observer de près, les puissants sont divisés sur des questions qui concernent la marche vers la démocratie et le développement. Là où l’Occident ne conçoit pas le développement sans les exigences de droits de l’Homme, de la liberté d’expression, des élections transparentes, pluralistes et crédibles, l’autre bloc est d’avis que ces exigences distraient les peuples sur la voie qui conduit à leur développement. La passe d’arme entre Américain et Chinois est la parfaite démonstration que les lignes bougent. Il reste, cependant, que dans cette situation d’antagonisme à ce niveau, les Africains peuvent paraître comme des spectateurs tétanisés à l’idée de devoir suivre la voie qui leur sera tracée.
Des diplomates de l’Afrique subsaharienne contactés, se sont refusé de commenter ces deux discours d’autant plus que le vent qui souffle sur le continent ne rassure personne. Pour les diplomates américains et européens de l’Onu, les changements de Constitution ne feront plus recettes, tout comme des mandats illégaux. Un diplomate belge est catégorique : « Ce qui se passe au Burundi ne durera pas longtemps et le régime Nkurunziza explosera en plein vol. Ce temps est mis à profit pour qu’ils reviennent sur la voie de la raison par un dialogue inclusif». Les initiatives au Rwanda et au Congo-Brazzaville n’ont-elles pas provoqué des réactions sans ambages, s’est interrogé notre interlocuteur.
« Je pense que l’étape suivante sera des sanctions suffisamment éloquentes pour que la stabilité soit préservée partout au monde. On a déjà la Syrie, l’Etat islamique et les affaires du climat, personne au Conseil de sécurité, y compris la Chine et la Russie n’accepteront ni n’encourageront d’autres foyers de tension en Afrique ».
Décidément, le thème principal sur les changements climatiques a été éclipsé pour les Africains par ce discours d’un Barack Obama déterminé à ce que les alternances en Afrique se passent dans la paix et la stabilité.
[video width="320" height="176" mp4="http://7sur7.cd/new/wp-content/uploads/2015/10/VID-20151001-WA0015.mp4" autoplay="true"][/video]
Bienvenu-Marie Bakumanya