De la bonne gouvernance dans les pays pauvres : entre l’obligation et le devoir

Jeudi 7 mai 2015 - 12:14

Quand on regarde les temps actuels, les pays d’Afrique vibrent et vivent au rythme des dicta des bailleurs de fonds. C’est indéniable. En effet, le monde libéral capitaliste, ayant créé un écart considérable entre les pays riches et les pays pauvres impose les règles de jeu ; c’est-à-dire ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire.

Et c’est là le nœud du problème qui se crée du coup à dessein dans nos pays où nous accueillons ce que nous devons faire pour nos populations comme des exigences et impositions venant du dehors. Si on peut se permettre de rêver, peut-on un jour penser que l’Afrique refuse la démocratie? Depuis les années 90, les maîtres du monde ont dit et ce qu’ils ont dit est dit : « si vous voulez qu’on vous aide, démocratisez-vous. »

C’est à ce jeu qu’on joue depuis toujours dans ce monde qui n’a pas pitié des pauvres dans la course vers l’accumulation croissante des richesses. Et maintenant, rien n’a changé ; on est aux prises avec d’autres slogans. L’Afrique et particulièrement notre pays en fait l’expérience. C’est la bonne gouvernance qui est à la mode. Quand on consulte l’histoire de notre pays, la RDC, il me semble que notre vocabulaire politique s’est enrichi de cette nouvelle façon de se présenter en politique : « je suis démocrate ». Maintenant, c’est la bonne gouvernance messieurs. Et l’Occident dit ; si vous voulez quoi que ce soit de nous, nous devons voir la bonne gouvernance chez vous. Ceux qui se targuaient de démocrates, qualificatif qu’ils se collaient à leur mon comme un prénom, désormais, ils veulent et se disent tous être champions, experts de la bonne gouvernance.

Curieusement, dans notre entendement, il me semble que nous sommes tous porter à comprendre, comme poussés, par un malin génie, que si nous souffrons, si nous sommes pauvres, c’est parce qu’il n’y a pas de démocratie, parle qu’il n’y a pas de bonne gouvernance… C’est peut être vrai ! Mais quand on regarde en profondeur la situation des pays pauvres, je me demande combien ont fait et font encore l’expérience de nouvelles exigences du monde actuel comme une volonté interne des populations.

En fait, la question qui trottine dans mon esprit se formule précisément comme suit : la bonne gouvernance est-elle possible dans un pays pauvre ? 11 est difficile aux pauvres de bien gouverner ; pour éradiquer la pauvreté, il faut bien gouverner. Le paradoxe est là et l’écueil semble bien s’imposer et se confirmer. Loin de se lancer dans un discours stérile du genre à trouver le premier entre l’œuf et la poule, notre réflexion voudrait aller à la rencontre de cette exigence des temps actuels, la bonne gouvernance, dans l’écart du mouvement qui la balance entre l’obligation et le devoir. Le problème est là pour nous Africains. Comment vivre la démocratie, la bonne gouvernance 9 Le fait-on comme bon élève « des maîtres » du monde, pour être bien côté par ceux qui nous promettent l’argent et l’assistance ? Ou le fait-on parce que la dynamique interne de nos pays l’exige? Et là, nous savons comment nos gouvernements africains se comportent. Nous sommes là ballottés entre l’extériorité mondiale occidentale et notre fort intérieur africain.

De l’obligation de la bonne gouvernance.

L’Afrique dans ses rapports avec l’Occident se retrouve dans presque tous les domaines de la vie de ses populations en tram de répondre aux appels de ce dernier. La politique, l’économie, l’éducation… est vécue à l’occidentale au risque de se voir sérieusement puni si on fait le contraire de ce que veut l’occident. Il faut être sur le modèle de l’Occident pour avoir droit de cité dans le monde de la raison et du raisonnable. Nous sommes obligés de faire ce que l’Occident nous demande pour avoir droit à sa reconnaissance. C’est l’obligation.

Dans le domaine politique et de la gouvernance, nous avons vu comment l’Afrique s’est réveillée à la démocratie. Nous avons vu et nous sommes témoins des tentatives de démocratisation de l’Afrique.

Tel un vent qui souffle sur la cité, apportant une sensation de fraîcheur ou de chaleur et commandant un comportement approprié, la démocratie a soufflé et souffle sur l’Afrique en général et la République Démocratique du Congo en particulier depuis 1990. Ce vent qui a bousculé les certitudes et habitudes dans l’Orient européen a éveillé l’attention des pays africains qui, sous le poids de l’histoire et des intérêts capitalistes, ployaient sous des dictatures farouches, sanglantes et meurtrières.

Toutefois, la démocratie advenant en Afrique y rencontre les mentalités politiques, sociales qui ne favorisent toujours pas son éclosion. L’Afrique des dictatures s’est solidement enracinée dans les esprits si bien que les populations qui désirent la démocratie vivent paradoxalement en contradiction avec ce désir. Loin de la démocratie, les pays africains n’ayant pas vraiment intériorisé cet appel de la gouvernance des hommes se retrouvent vite dans les sensations démocratiques. Car tel un vent qui nous atteint à l’épiderme, la démocratie ressemble dans nos pays pauvres à un souffle agissant sur la peau et qui, dans un premier temps, exige des réactions relatives à cette partie superficielle du corps humain. Elle apparaît ainsi comme une exigence et un appel de l’extérieur qui est l’Occident. Ce dernier s’est dit à la tombée de la bipolarité du monde qu’il convient de démocratiser l’Afrique.

L’histoire récente de notre pays, la RDC, nous montre comment la dictature de la deuxième République s’est retrouvée affaiblie par l’Occident en brandissant l’appel à la démocratie. Démocratisez-vous Messieurs, disent-ils, aux dirigeants africains. Mobutu qui trônait sur le pays depuis des décennies s’est vu abandonné par ses amis Occidentaux qui ont entonné le chant de la démocratie. Le coup de gong a sonné, tous les pays africains doivent exécuter le refrain des élections libres, démocratiques et transparentes. Mais pourquoi ? N’est ce pas ce qui est bon pour un gouvernement des Etats modernes ?

Ce qui pose problème qui nous mènent dans des écueils, c’est que la chanson démocratique que nous voulons exécuter, n’est pas notre composition. Elle apparaît dans le monde actuel comme une initiative des « maîtres » du monde. Et tout se passe alors comme si l’Afrique n’a pas droit à l’initiative politique, économique ou de développement. D’ailleurs même actuellement dans le grand courant de la mondialisation, il est clair dans l’entendement de plus d’un que l’Afrique doit se diluer dans les valeurs occidentales. Nos pays pauvres d’Afrique sont de nouveau bousculés par cette tempête mondialiste ; ils sont invités à ce concert mondialiste où on leur dit qu’ils ont le droit de participer seulement en faisant comme les « maîtres » du monde.

Cependant, dans ce monde ultralibéral où c’est la loi du plus fort qui prime, nous avons ainsi la nette conviction que l’Afrique peut faire entendre sa voix, si elle le veut, au concert mondialiste où elle apparaît comme une personne bien qu’invitée mais n’est pas inscrite au programme pour prendre la parole. Pourquoi peut-elle ou ose-t-elle prendre la parole dans ce monde où l’imaginaire mondialisant la trouve indigne de parole ? Ça étonne ! L’Afrique, à cette heure de la mondialisation est paradoxalement toujours un invité mal pris. C’est là le paradoxe des obligations de l’Occident.

L’exigence extérieure de la démocratie et de la bonne gouvernance est d’emblée bonne pour les peuples d’Afrique afin qu’ils sortent de la pauvreté. Mais au cours des temps, dans le vécu quotidien, elle enserre l’Afrique et les pays pauvres dans ses dents et gants qui les broient et les boxent à travers le temps. C’est ainsi que dans l’expérience, les populations ont tendance à penser que le vent de la démocratie n’a apporté que des guerres en Afrique. Et depuis lors, nous évoluons de crise en crise, de guerre en guerre. Et la pauvreté garde toujours ainsi un bel avenir en Afrique. L’Afrique et les Africains sont pauvres.

Mais. « Pourquoi sont-ils pauvres ? » Question humiliante et dédaigneuse des nations riches qui conjuguent à la fois cynisme et sollicitude pour les peuples des nations pauvres. Elle recèle cependant une force qui pousse ces dernières à l’action pour se libérer. Mais se libérer de qui et de quoi ?

«Pourquoi sont-ils pauvres ? » A y voir de près, il me semble que, c’est parce que nous avons été emportés par l’obligation extérieure en ayant comme intention première de satisfaire les maîtres du monde. Les dirigeants africains ont souvent manifesté que les populations qu’ils gouvernent n’étaient pas dans leur point de mire politique. S’il nous est donné d’interpréter la Bible, on dirait qu’en se pliant au dicta de l’Occident, ils déshonorent leurs pères, leurs patries. En effet, il est écrit dans le quatrième commandement de la Bible : « honore ton père et ta mère ; tu auras une longue vie. » Au lieu de travailler pour notre terre, nous l’avons livrée à l’exploitation des autres qui en sont devenus des vrais «maîtres» pendant que nous nous faisons « sentinelles » de leurs intérêts. Ainsi, notre population qui se voit « jour après jour expropriée de ce qu’elle croyait être son « espace vital » lequel en tant que legs, héritage, la reliait à ses ancêtres el lui permettait donc de se penser comme communauté historique. »

« Pourquoi sont-ils pauvres » ? Le calvaire africain au cœur de la mondialisation est aussi entretenu par le « cercle vicieux » dans lequel nous embarque le fameux processus du « développement. » En effet, depuis qu’on pense au développement de l’Afrique, depuis qu’on lutte contre la pauvreté, les pays pauvres s’enfoncent davantage dans la dépendance. C’est là qu’on découvre que l’histoire du Tiers-monde, de l’Afrique avec l’Occident ressemble à une scène où seul ce dernier célèbre les capitaux qui le rendent de plus en plus riche et permet du coup d’identifier l’autre comme pauvre. Depuis, l’Occident a réussi à se faire passer pour modèle ; les pauvres d’Afrique, du Tiers-monde l’admirent. C’est ainsi que sans le savoir, les élites africaines se retrouvent dans une lutte entre elles pour se trouver une place sous le soleil du modèle occidental. Les politiques du Tiers-monde sont ainsi mis au service des capitaux des pays riches, trouvant dans cette soumission un moyen de vivre.

Tous, nous savons qu’il faut la bonne gouvernance, mais nous savons aussi qu’il n’est pas facile pour nos pays de se libérer de la dépendance vis à vis de l’Occident qui veut notre salut sans que nous ne soyons véritablement sauvés. C’est là que je me demande de nouveau si nos pays arriveront vraiment à la bonne gouvernance tant que c’est l’Occident reste le maître du chœur démocratique et de la bonne gouvernance. Depuis la nuit des temps, dans nos rapports avec l’Occident, nous pouvons voir que l’histoire de l’Afrique peut se lire sur celle du « trique » de l’Occident. Quand nous disons « Afrique », ils entendent « A-frique ». Ce qui pousse à saisir l’Afrique dans la privation que représente déjà le « A » en scindant le mot en deux. Quelque part, dans les mentalités de l’Occident, l’Afrique est toujours « A-frique». C’est le lieu de la privation, le lieu du manque, le lieu de la faim, le lieu des besoins. L’Afrique devenue et devenant « A-frique » fait que ses populations deviennent sans frique ; elles sont pauvres, « a-friquées. » On dirait alors que les rapports entre le Tiers-monde et l’Occident riche sont des rapports de dépouillement; « d’a-friquation » entendu comme privation de frique. Ils nous ont ainsi « a-friqués » depuis l’esclavage en passant par la colonisation jusque maintenant à la douceur meurtrière de la mondialisation. Alors nous entendons : démocratisez-vous ; faites de la bonne gouvernance Messieurs… Et ils ajoutent : c’est cela ou rien si vous voulez que nous coopérons avec vous.

Que faire pour sortir de ce cercle vicieux de bonnes intentions que recèlent les obligations occidentales de la démocratisation des pouvoirs et de la bonne gouvernance ? C’est ici que nous pensons que les Africains en général et les Congolais en particulier doivent sortir de la voie de l’obligation pour embrasser celle du devoir.

Du devoir de la bonne gouvernance

J’aimerais commencer cette section en m’appuyant sur Jean Paul Sartre, qui, dans la critique de la raison dialectique, dit ; « l’essentiel n’est pas ce qu’on fait de l’homme, mais ce qu’il fait de ce qu’on a fait de lui. » C’est au sein de cette dialectique du «subir» et de « F agir » que notre réflexion se déploie. S’il est vrai que les pays pauvres vivent l’appel à la démocratie et à la bonne gouvernance comme des impositions extérieures, il n’est pas moins vrai aussi qu’ils peuvent transformer la situation en se faisant une discipline intérieure par rapport à eux mêmes. On comprend que l’obligation vient des autres et ce qui vient de l’intérieur de l’homme, de sa conscience qu’il accueille et exprime comme imposition personnelle, c’est le devoir. Ainsi de l’obligation de la bonne gouvernance au devoir de la bonne gouvernance, tel est le chemin à suivre pour les pays pauvres.

L’Afrique doit transformer l’obligation en devoir. Mais comment peut advenir la conscience du devoir dans nos pays pauvres où nous voyons clairement que ceux qui nous dirigent n’ont plus d’yeux pour voir la misère de leur peuple ? Comment penser au jaillissement du sens du devoir dans le chef de nos dirigeants et de tous les citoyens quand on voit que personne n’a plus d’oreilles pour entendre les cris de douleur des populations ? Ceux qui passent aux commandes de notre destinée se ressemblent tous ; insensibles à la souffrance des peuples, démagogues, ils disent travailler pour le pays quand ils sont les seuls à bénéficier de ses fruits juteux.

Les hommes politiques pervertis par le plaisir de la jouissance ont embarqué presque toute la population dans la même vision de la gouvernance sans gouvernement. A chacun, à chaque clan, chaque tribu, chaque région, son tour. Telle est la vision de la gouvernance. Que de fois, n’a-t-on pas entendu que le pays n’est pas gouverné ? Expression de désespoir, certes, pour ceux qui la prononcent quand ils ne sont pas au pouvoir ; une fois qu’ils prennent le pouvoir, le changement n’intervient toujours pas. C’est toujours la même chose. On crie démocratie quand on maltraite en même temps les libertés des populations ; on crie bonne gouvernance quand on s’enrichie scandaleusement au sein d’une population en majorité pauvre. Et nous sommes là, nous Africains, nous Congolais, pris dans ce paradoxe qui nous fait souvent croire que nous devons nous tourner encore du côté de l’Occident pour recevoir d’autres leçons sur les bonnes idées de la gouvernance des peuples. Le cercle vicieux de la dépendance se referme en accomplissant encore une fois, son tour complet.

C’est ici que je pense spécialement à l’expérience de la R. D. Congo et des Congolais qui pensent lutter pour que la bonne gouvernance arrive. On dirait que c’est presque impossible quand on sait que la tentation de jouissance a corrompu la majeure partie de la population. Dans la misère, beaucoup n’ont plus, mieux n’ont jamais eu les fondamentaux du citoyen.

En fait, il y a une chose qui me tracasse ces jours-ci quand je pense à l’avenir de notre pays. Si on fait un recul jusqu’en 1998, cette année 2008, nous avons dix ans de guerre. En prenant seulement une portion de la population, celle de l’est, la guerre a élu domicile dans son esprit car elle est en permanente en face d’elle depuis dix. Et d’ailleurs tous le pays vit presque à ce rythme d’instabilité. Dans ce contexte, nous savons que beaucoup d’enfants n’ont pas étudié. Ceux qui sont nés depuis 1998, ont dix sans peut-être eu la chance d’aller à l’école. Leurs aînés de quelques années ont pris les armes. Et même ceux qui sont allés à l’école et y vont maintenant par intermittence ne sont pas différents. Tous sont marqués par l’état de guerre qui risque d’être normal faisant ainsi du mal dans notre pays, une banalité. Pour ces enfants, les armes n’évoquent pas la tragédie, mais une banalité. Ils ont vingt ans maintenant ou en auront dans quelques années sans avoir bénéficié réellement des fondamentaux du citoyen.

Comment ces genres d’enfants peuvent ne pas prendre les armes contre leur pays ? Est-ce simplement parce que la Constitution l’interdit et le considère comme un acte de haute trahison 9 Comment peuvent-ils ne pas brader le patrimoine du’ pays contre des intérêts éphémères? C’est au sein de ces multiples interrogations que nos tirons la conviction que l’homme du devoir se forme. 11 ne vient pas du ciel comme un messie avec une mission précise de Dieu. Il n’advient pas dans un pays comme une génération spontanée, mais il devient à travers un travail sérieux sur son esprit. C’est cela l’éducation.

Former un enfant, c’est l’éduquer pour sa terre, pour sa patrie dans sa gestion comme dans sa conservation. Il appert ainsi qu’en voyant l’expérience de notre pays plein d’enfants de la génération de la guerre, il est impérieux d’inoculer dans les esprits montants l’antidote de la guerre. Nous avons vécu la guerre comme étant une imposition de l’extérieur; nous avons vu en 1998 comment les jeunes se sont levés tous azimuts pour qu’elle rentre d’où elle est venue. Et maintenant encore quand il y a quelques foyers de guerre, nous sommes toujours portés à penser que la guerre vient d’ailleurs. C’est peut – être vrai. Mais l’important, me semble-t-il, ne doit pas être un arrêt sur ce constat en caressant l’idée d’être victime pour arracher le regard et l’attention de la communauté internationale. L’important, c’est de répondre à la question : qu’est-ce qu’on a fait de ce qu’on nous fait subir? Sinon, nous risquons de donner une longue vie à la génération de la guerre et aux enfants de la guerre.

Ainsi, notre pays doit commencer une réforme mentale de l’homme en le formant à la paix pour espérer avoir les fondamentaux du citoyen. Car maintenant que nous avons des générations qui n’ont pas été éduquée à la gestion et la protection du patrimoine laissé par nos aïeux, il me semble que l’espoir en l’avènement de la bonne gouvernance est un rêve toujours lointain. La deuxième République a perverti ses enfants par la dictature et la destruction du système éducatif, la République qui a commencé est plein des enfants de la guerre qui risquent d’ici quelques années, si cela n’a pas déjà commencé, nous faire vivre la banalité du mal : criminalité, viol, vol, exploitation, bradage du patrimoine…

Si on peut dire les enfants congolais sont pervertis par la guerre et si on ne peut rien espérer d’eux, il me semble qu’il y a encore parmi eux certains qui gardent encore leur lucidité. En effet, la misère ne nous a pas tous enivrés ; il y a encore des gens qui peuvent penser et inventer l’antidote de la guerre pour former des citoyens dont on peut espérer la bonne gouvernance. C’est le sens du devoir pour son pays qui doit être cultivé pour que les citoyens passent à l’avant plan l’intérêt de la nation et le respect de la dignité des autres.

Quand on regarde notre système éducatif et nos programmes, il est clair qu’on ne voit pas très bien pourquoi on étudie, pourquoi nos enfants vont à l’école, pour quelle fin, les matières sont enseignées ? Notre éducation est portée, là où c’est sérieux, à répondre à l’appel de l’extérieur occidental dont on pense qu’il est la référence ultime. On voit comment d’aucuns sont plein de complexe parce qu’ils n’ont pas un diplôme des universités occidentales par la manière dont ce dernier est accueilli dans nos pays d’Afrique. Nous sommes dans un système qui forme des sentinelles des intérêts des « maîtres » du monde. Que de fois n’a-t-on pas vu des jeunes diplômés de nos universités congolaises se lancer dans des études d’anglais, d’informatique pour espérer trouver du travail dans des firmes privées des Occidentaux? C’est un moyen de vivre… Si à l’ère du boom industrielle en Occident, les enfants se sont retrouvés dans les écoles pour être épargnés du travail des usines et recevoir une formation pour contribuer à la promotion de l’industrie, maintenant, dans notre pays spécialement, les études de nos enfants contribuent à quoi ?

Depuis des lustres, nous avons un système qui répand non seulement dans les esprits des enfants les préoccupations de l’Occident mais surtout des vieux problèmes. Pour nous qui devons faire le passage de l’obligation au devoir de la bonne gouvernance, il est plus qu’urgent de tout réformé pour actualiser notre éducation par rapport à la gestion et la protection de notre patrimoine. C’est de là que jailliront les fondamentaux du citoyen qui le préparent à la bonne gouvernance comme une exigence interne et propre à nous.

La formation des citoyens ne passe pas seulement pas seulement le civisme dans le programme éducatif, mais elle traverse tous les cours en fléchissant leurs préoccupations vers notre terre, notre patrimoine. Certes, elle passe plus fondamentalement par des cours idéologiques dont le plus grand et qui prend beaucoup d’heures dans notre éducation est le français. En effet, si déjà le choix des textes répond à une idéologie, une vision du monde… l’appel qu’elle plante dans les consciences n’y est pas moins très relatif Pour ma part, je rêve d’une éducation où l’esprit nationaliste et patriotique est inoculé dans les têtes des enfants depuis l’école maternelle jusqu’à la fin de l’université tout simplement en partant des thèmes choisis et préoccupations exprimées dans toutes les filières de l’éducation.

Pourquoi par exemple étudier «un nègre à Paris» quand il est urgent de scruter la conscience des enfants en guerre dans ce pays où la « guerre est devenue longue et populaire » ? Pourquoi passer trop de temps en analysant Simone de Beauvoir « la maternité n’était pas mon lot », dans les classes terminales des humanités quand il est impérieux de fixer les valeurs de la femme noire, femme africaine dans les esprits de nos adolescents enivrés par le courant mondialiste qui veut noyer l’Afrique dans les valeurs occidentales ? C’est là qu’on voit que, sans peut-être le savoir-, nos systèmes éducatifs sont des relais des idéologies occidentales qui pervertissent nos enfants en les détournant des préoccupations brûlantes de nos terres. Cela reste vrai même dans les cours tels que l’histoire, la géographie qui donnent le goût d’aller voir l’Occident parce qu’on en parle beaucoup, alors que nos enfants ignorent complètement notre patrimoine historique et géographique. Que dire de l’histoire de notre indépendance, de nos héros, de nos martyrs ? Que des versions sur des choses sacrées de la nation qui permettent ainsi la dispersion et l’évasion même dans l’ignorance. C’est ainsi finalement que, de nos héros, de nos martyrs, les enfants congolais, voire ceux qui sont devenus autorités, ne connaissent presque rien et demeurent simplement dans l’illusion de connaître. Chacun a sa version.

L’indépendance des pays pauvres et leur gestion correcte passe nécessairement par la formation des consciences au sens du devoir. En effet, on sait qu’il y a une différence nette à percevoir quand on dirige par obligation et quand on gère le pays par devoir. Et là, on n’a pas besoin de discours qui attestent et indiquent ce qu’on fait de son pays ; car seules les choses qui nous entourent et les événements qui arrivent dans le pays parlent. Nous savons tous percevoir en voyant la situation politique, économique et sociale des pays pauvres ce que les choses disent et en quelle direction elles parlent. C’est le devoir qui va faire que les choses et les événements du pays parlent en faveur des populations quand bien même les politiques se mettraient dans une situation où ils se priveraient du discours.

Conclusion

Les populations des pays pauvres d’Afrique qui vivent les méfaits de la mauvaise gouvernance n’ont plus besoin de discours. Ils en ont entendu de toutes sortes qui leur ont promis la démocratie et la bonne gouvernance. Mais au fond de cette démagogie qui n’avait pour but que d’endormir, tout en cherchant à arracher la confiance de l’Occident « maître » du monde, les peuples des pays pauvres ont fait attention au langage des choses. On crie bonne gouvernance quand les infrastructures administratives et sociales des pays expriment l’abandon et le désarroi. Il n’est pas normal de crier bonne gouvernance quand les immeubles de luxe s’élèvent à côté des maisons de fortunes dont les propriétaires sont obligés d’évacuer pour être loin de la honte du luxe : les choses parlent…

Toutefois, nous savons que les pays pauvres n’accordent pas une attention particulière aux œuvres de l’esprit qui produisent de bonnes pensées et théories qui courent dans le monde et s’imposent à tous comme c’est le cas de la démocratie, de la bonne gouvernance. C’est ainsi qu’ils se retrouvent toujours dans l’obligation d’appliquer des programmes et méthodes venant de l’Occident. Mais rien n’est perdu, car on ne désespère pas de l’homme africain qui reste ouvert au pire et au mieux. C’est au sein de cette possibilité manifestée dans le cours de l’histoire par des efforts de prise de conscience de la pauvreté, du sous développement, de la démocratie en Afrique par ses propres fils que s’accroche la volonté de cultiver le sens du devoir envers leurs terres pour les enfants africains. C’est cela l’éducation.

La bonne gouvernance tardera de jaillir dans nos pays pauvres et particulièrement en R.D. Congo tant que l’éducation nationale ne se transforme pas un culte et une culture des fondamentaux du citoyen qui animent et raniment le sens du devoir envers son pays. C’est de là que nous viendra même la force de nous positionner comme partenaires dans ce monde où nous sommes toujours mal pris parce que pauvres.

Pr Kambayi Bwatshia