Les ministres des Affaires étrangères Didier Reynders et de la Coopération au développement Alexander De Croo ont terminé mercredi leur voyage en République démocratique du Congo, où ils étaient arrivés samedi. Un mois après les manifestations contre un projet de révision de la loi électorale qui ont fait 27 morts dans le pays, dont 23 à Kinshasa, les deux ministres belges ont plaidé pour "une croissance économique durable qui profitera à tout le peuple congolais et respectueuse des Droits de l'Homme".
Les propos tenus samedi par Alexander De Croo lors d'une courte allocution à la résidence de l'ambassadeur belge, faisant état d'une amitié belgo-congolaise "qui n'est pas sans engagement", avaient suscité de vives réactions à Bruxelles et à Kinshasa. M. De Croo a balayé mercredi les critiques d'un revers de la main.
"Lors de nos discussions avec le président Kabila et huit de ses ministres, nous n'avons pas parlé de tout ce qui a surtout fait grand bruit en Belgique", a déclaré Alexander De Croo peu avant de quitter Kinshasa. "Nous avons par contre abordé les meilleurs moyens d'obtenir une croissance économique durable qui profitera à tout le peuple congolais et respecteuse des Droits de l'Homme."
"L'opposition dans son intégralité a favorablement accueilli les mots du ministre De Croo", a estimé l'opposant Vital Kamerhe après son entretien lundi après-midi avec Didier Reynders. Il a ajouté que celui-ci lui a assuré tenir la même ligne que Alexander De Croo. "Tout le monde a son propre style. Pour nous, ce qui importe, c'est que le gouvernement a pris une position claire."
Le dernier rendez-vous de la mission était un entretien avec Joseph Kabila, confirmé seulement mercredi après-midi. Alexander De Croo a préféré taire la réaction du chef d'Etat face aux deux ministres. "Vous devez la lui demander directement", a indiqué le ministre. Ni la presse, ni les photographes et cadreurs n'avaient été conviés à la rencontre. "C'est un choix du président Kabila", a précisé Didier Reynders, qui s'est félicité des bonnes relations entretenues avec Kinshasa. Une position nuancée par les signaux lancés par Joseph Kabila. Il y a dix jours, il avait convoqué plusieurs ambassadeurs occidentaux, parmi lesquels celui de la Belgique, afin de fustiger les immersions étrangères dans la politique intérieure congolaise.
Kinshasa fut le théâtre de violentes manifestations il y a à peine plus d'un mois. Des milliers de Kinois protestaient contre une révision de la loi électorale, qui faisait dépendre la tenue du scrutin d'un recensement de la population, ce qui aurait eu comme conséquence un report des élections générales après la fin 2016. Le projet a finalement été abandonné sous la pression de la rue. Le prix de la victoire des manifestants s'élève à 23 morts à Kinshasa, selon le bilan officiel. La Constitution ne permet pas à Joseph Kabila, en place depuis 2001, de se porter candidat pour un troisième mandat présidentiel. "Le 21 décembre 2016, la RDC doit avoir un nouveau président. Autrement, ce sera la chaos", prévient Vital Kamerhe. Selon lui, le calendrier électoral dressé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) s'avère bien trop ambitieux.
Didier Reynders ne s'est pas encore exprimé quant au soutien financier que la Belgique apportera au processus électoral congolais, dont le coût est estimé à près d'un milliard d'euros. Il renvoie aux discussions au sein de l'Union européenne et du reste de la Communauté internationale.
Alexander De Croo a souligné durant les quatre jours de la mission l'importance que revêt une croissance économique incluant les Droits de l'Homme. Il avait déjà martelé ce message lors de la première visite menée de concert avec Didier Reynders au Burundi et au Rwanda le mois passé. "La situation que nous vivons actuellement, avec des arrestations, une justice arbitraire ou encore l'interruption de l'internet mobile et du trafic sms n'est pas viable", a déclaré M. De Croo. "Il doit être possible de s'exprimer franchement et librement, dans l'intérêt de tous les Congolais."
Le 26 février 1885 était signé l'acte général du Congrès de Berlin, par lequel étaient définitivement fixées les frontières de l'Etat indépendant du Congo, placé sous la férule de Léopold II. Exactement 130 ans plus tard, les relations belgo-congolaises pourraient connaître un nouveau départ, en fonction des actes que poseront les dirigeants des deux pays dans les prochains mois.