Plutôt que d’être accueilli comme une bouée de sauvetage, le calendrier électoral soi-disant global publié par la CENI apparait comme le remède pire que le mal. Il faut en juger par plus de coups de gueule désapprobateurs que de cris d’enthousiasme qu’il a suscités au sein de la classe politique et la société civile.
C’est la CENI elle-même qui laisse la porte ouverte aux critiques acerbes et à la dépréciation de son travail, en dévoilant sans s’en cacher des contraintes qui sont des pièges susceptibles de conduire à un glissement biaisé au delà de l’échéance légale de 2016. En d’autres termes, le staff de la CENI semble dire qu’il a publié ce calendrier à son corps défendant, avec le couteau de la pression sous la gorge. Il étale des contraintes comme pour dire qu’il s’en lave les mains, laissant ainsi aux composantes ou parties concernées le soin d’en déduire la conséquence. Il ne faut pas être sorcier pour se rendre compte que ce calendrier tel qu’il est conçu, avec des scrutins dont l’organisation est assujettie à des dispositions complexes de la nouvelle loi électorale, se révèle en tout cas hypothétique. Son application s’annonce problématique et sous-entend un glissement biaisé au-delà de 2016.
Comment sortir de cette impasse pour respecter strictement le cadre de l’échéance légale ? On à entendu un personnage de la CENI dire à la cantonade au cours de cette semaine, que ce calendrier n’était pas sujet à des modifications quelconques. Un langage irresponsable et hypocrite. Comment oser tenir pareil discours quand on a reconnu et souligné des contraintes dans le calendrier, ce qui signifie la perfectibilité du travail fait ? S’opposer à toute modification du calendrier comme si c’était une parole d’évangile, laisse à penser que ce document est établi sciemment, farci de complications, pour favoriser implicitement le glissement, de mèche avec le pouvoir en place dans son intérêt. En tant obstinément à ce calendrier décrié, le staff de la CENI montre le bout de l’oreille et permet de deviner pour qui il roule, avec Apollinaire Malumalu ayant l’œil à tout; cet homme-orchestre de la CENI, un homme de ressources pour opérer des miracles électoraux en symbiose avec coterie autocratique. La CENI et le pouvoir ne doivent pas se croire tout permis. Ils ne disposent pas d’un qu’en-dira-t-on. L’opinion nationale et internationale les tient constamment à l’œil, avec une vigilance qui ne se relâche pas.
Des opposants arrivistes
Le calendrier global et la nouvelle loi électorale qui lui sert de boussole portent ensemble tous les deux les germes de pagaille.
On ne serait pas loin de sentir que leur teneur est imprégnée de la. vision politique et électoraliste des nomenklaturistes du pouvoir. Ils ne sont pas conçus de manière désintéressée pour donner lieu à des élections apaisées. Il y a visiblement péril en la demeure.
Etant donné que les conservateurs de l’establishment hostiles à toute évolution et les progressistes partisans du changement du système en faveur de l’alternance démocratique par une nouvelle méthode de redistribution des cartes, campent tous sur leurs positions diamétralement opposées et apparemment inconciliables, le seul moyen approprié pour calmer le jeu est le recours au dialogue préconisé dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce dialogue s’avère incontournable pour remettre les pendules à l’heure et limiter les dégâts que la pagaille pourrait engendrer en cas d’obstination dans l’impasse. De ce dialogue, se dégagera un consensus salutaire, débarrassé des scories dont on a enrobé le calendrier et la nouvelle loi électorale.
En dehors du dialogue dégageant un consensus pour les élections apaisées et la concrétisation d’une nouvelle donne démocratique, on ne voit pas comment serait-il possible de conjurer une tempête terrible qui gronde déjà à l’horion, et dont nul n’est en mesure d’anticiper l’évaluation des ravages. Les réactionnaires qui tiennent les commandes l’entendent pas lâcher prise pour tout l’or du monde, Ce dialogue n’est pas la conception de la classe politique ni des dirigeants congolais. C’est un concept made in Conseil de sécurité. Les dirigeants et les opposants n’ont aucun pouvoir de l’empêcher ni de le boycotter. Ils sont contraints de le subir bon gré mal gré, la mort dans l’âme.
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Des opposants boudeurs du dialogue et qui font preuve d’arrivisme, sont obsédés uniquement par la préoccupation de congédier Joseph Kabila le plus vite possible, s’imaginant naïvement que son successeur sortira de leurs rangs Quelles garanties ont-ils pour avoir la conviction que l’élection présidentielle de 2016 sera différente de celles de 2006 et 2011 ? Hors du dialogue pour vider ‘abcès, déblayer le terrain et baliser le chemin des urnes, ils seront déçus et s’en mordront les lèvres.
La mainmise impérialiste
Ambitieux, ayant les yeux plus grands que le ventre, ils vendent déjà la peau de l’ours. Les impérialistes occidentaux tireurs de ficelles qui financent plus ou moins largement les élections, téléguident discrètement le maquillage des résultats, et la désignation des vainqueurs jugés soumis pour servir d’intendants de leurs intérêts, laissent encore les politiciens congolais s’amuser et distraire l’opinion. Ils ne s’engagent’ pas à contribuer au financement des élections pour les beaux yeux de ces politiciens trop prétentieux. Leurs plénipotentiaires font la navette entre Kinshasa et leurs capitales pour prendre le pouls de la situation et s’assurer que rien ne leur échappe qui puisse contrarier leurs propres calculs de maintenir à jamais leur mainmise sur le Congo-zaïre-Rdc. Ils décrètent « interdits d’accéder au pouvoir » les leaders populaires, patriotes, nationalistes. Lumumba a été liquidé pour préserver cette mainmise impérialiste. Cette politique de domination néocolonialiste continue depuis Mobutu jusqu’ici. Les résultats des élections de 2006 et 2011 ont été goupillés au goût des tireurs de ficelles. Des opposants « chasseurs de Joseph Kabila » qui répugnent au dialogue, hypothèquent pour ainsi dire l’élection présidentielle de 2016 sur laquelle ils misent à outrance.
Obnubilés par le souci de balayer Joseph Kabila à tout prix, des opposants congolais dédaignent de disséquer objectivement la “ Feuille de route de sortie de crise “ du président de l’UDPS. Etienne Tshisekedi, d’où ils ne voient que le dialogue et rien d’autre, alors que le document est très profond, très édifiant. Il retrace à grands traits l’histoire politique de ce pays au lendemain de la chute du règne de Mobutu, évoque le rendez-vous de Sun city en Afrique du Sud, les élections de 2006 et ses conséquences dramatiques, celles de 2011, et en arrive à souligner la nécessité d’un dialogue pour pouvoir sortir de l’impasse actuelle avant d’aller encore aux élections. II faut d’abord un consensus pour conduire aux élections apaisées avec le départ sans troubles de ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui. Ce dialogue, ce n’est pas Tshisekedi qui l’invente et le préconise. II reprend à son compte et paraphrase ce concept du Conseil de sécurité de l’ONU. Les partisans du dialogue sont nombreux, alors que les détracteurs sont une poignée d’opposants qui marchent à la carotte, maladivement préoccupés uniquement de virer Joseph Kabila. Les élections sans consensus préalable sont hasardeuses et lourdes de conséquences dramatiques. Le dialogue s’impose et il se tiendra bon gré malgré.
Par Jean N’SAKA wa N’SAKA (journaliste indépendant)