Chebeya : des policiers en fuite tiennent la vedette

Mercredi 22 avril 2015 - 10:42

Faut-il surseoir les poursuites à l’encontre des policiers en fuite (Paul Mwilambwe, Christian Ngoy Kenga Kenga et Jacques Mugabo) afin d’accélérer le procès sur l’assassinat de l’activiste des droits de l’homme Floribert Chebeya ? Cette question a dominé l’audience d’hier mardi 21 avril 2015 à la Prison centrale de Makala, où s’est rouvert le débat sur cette affaire, après plus de deux années d’interruption. La Haute Cour Militaire (HCM) qui a siégé en audience foraine en appel, a soumis au débat cette proposition selon laquelle les trois fugitifs n’étant toujours pas là, dans le souci de la célérité, de procéder à la surséance de leurs poursuites en vertu de l’article 94 du Code de procédure civile.

Proposition approuvée par le conseil des prévenus ainsi que par le Ministère public, ce dernier a cependant nuancé en demandant à la Cour, l’application de l’article 94 du Code judiciaire, militaire laquelle évoque plutôt la disjonction des poursuites. « Pour gagner du temps, la Cour devrait juger uniquement les accusés présents, en opérant une disjonction des poursuites entre eux et les accusés en fuite... », a souligné l’organe de la loi.

Quant à la République, civilement responsable, elle a proposé la surséance des poursuites et que la Cour statue séparément.
Foncièrement opposée à toutes ces propositions (disjonction ou surséance), la partie civile a soutenu que les propos et les actes posés par le policier Paul Mwilambwe, actuellement refugié à Dakar (Sénégal), risquent de ne pas être pris en compte. « Que la Cour puisse plutôt retenir le défaut à leur charge et continuer l’instruction afin que plus, tard soit constituée une commission rogatoire au Sénégal, afin de l’entendre sur procès-verbal et ramener son audition au procès, à défaut de l’extrader à Kinshasa... », ont soutenu les avocats de la famille Chebeya et Bazana. A les en croire, cela fausserait le procès enfle permettant pas d’entendre le témoignage de Paul Mwilambwe qui amis en cause l’ancien chef de la police, le général John Numbi.
Au regard de ces positions discordantes, la Cour a pris l’affaire en délibéré et renvoyé l’audience au 30 avril prochain, afin de rencontrer les préoccupations des uns et des autres.
Cette affaire, convient-il de signaler, toujours en phase d’appel devant la HCM n’a jamais examiné, ni mis en cause le général Numbi. Cependant, suite aux révélations de l’ex-Major Mwilambwe, un des coaccusés en fuite, toujours réfugié au Sénégal, les frères et sœurs de Chebeya avaient déposé une plainte en 2012 auprès de l’Auditorat Général des FARDC contre cet officier général. Dans sa réponse, la même année, l’Auditeur général avait toutefois rejeté cette plainte, estimant que les faits étaient identiques à ceux pour lesquels il avait déjà été saisi par la veuve Chebeya. Une première plainte déposée par elle, déjà en 2010, avait mené à un procès devant la Cour militaire qui a reconnu la culpabilité d’une série d’accusés, dont le Colonel Mukalay.
Face au refus d’examiner une deuxième plainte à l’encontre du général Numbi, certaines parties civiles au procès Chebeya ont déposé, depuis deux semaines, une requête de prise à partie contre l’Auditeur Général des Forces Armées de la RDC (FARDC), le général Ponde, devant la Cour Suprême de Justice. Démarche des frères et sœurs de Floribert Chebeya, l’objectif de leur requête est de démontrer les défauts de l’enquêté entourant le décès de Chebeya et de demander la poursuite de l’instruction à charge du général John Numbi. Pour rappel, Floribert Chebeya, président de l’ONG congolaise « La Voix des Sans Voix »et figure emblématique de la défense des droits de l’Homme en RDC, avait été retrouvé mort dans son véhicule le 2 juin 2010, dans la périphérie de Kinshasa. La veille, il s’était rendu à un rendez-vous à l’inspection générale de la police, où il devait en principe rencontrer le général Numbi. Le corps de son chauffeur, Fidèle Bazana, n’a toujours pas été retrouvé.

Par Tshieke Bukasa