« A quelque chose malheur est bon » dit un ad¬age. Cet adage s’est vérifié dans l’affaire Filimbi sur laquelle une commission de l’assemblée nationale avait enquêtée et dont les conclusions étaient soumises aux députés le vendredi 12 juin passé lors d’une plénière à huis clos.
Outre que les députés nation¬aux ont balayé d’un revers de la main toutes les « débilités » débitées par l’agence nationale des renseignements (ANR) pour maintenir en détention, sous l’oeil complice d’une Justice caporalisée, les activistes de Filimbi ; les débats houleux subséquents ont été instructifs à plus d’un titre. L’ANR a été totalement démolie par le bon sens et ses accusations de terrorisme sont tout simplement grotesques. L’évidence de l’incurie de l’ANR était telle que les députés ont recommandé au gouvernement la relaxe pure et simple des activistes de Filimbi. Quel dés¬aveu pour un Service supposé d’intelligence. « N’importe quoi comme Service » a lâché un député de l’opposition pour qualifier l’ANR. Une autre de la majorité a qualifié d’agence amateur spécialisée à créer des problèmes à Kabila au lieu d’en résoudre. Et les faits sont là pour l’accabler. Vivement la ré¬forme des services de sécurité. Cette agence a fait subir l’enfer à des simples citoyens, les faisant passer pour des « terroristes », l’une des incriminations les plus graves dans le droit moderne, à côté du génocide notamment. Si l’ANR manipule les gens du pouvoir pour les besoins de la cause, il n’en est rien de la Représentation nationale où les députés de l’Opposition se sont affrontés violemment avec certains de leurs collègues de la Majorité sur le dossier Filimbi.
Les op¬posants, notamment José Makila, ont tellement chargé Kabila que sa soeur jumelle Jaynet s’est sentie obligée d’intervenir pour voler au secours de son frère. Elle a essayé en vain de démon¬trer que son frère de prési¬dent n’avait rien avoir avec le malheur des jeunes gens de Filimbi. Pour Jaynet, c’est af¬faire ne concerne que l’ANR et non son frère. Dans son élan affectif pour défendre son frère, Jaynet a laissé échapper une phrase de trop, sans doute sous le coup de l’émotion, phrase qui en dit long sur les desseins cachés de la Kabilie. « Si vous vous voulez critiquer Kabila atten¬dez 2017 » a-t-elle dit lors de cette séance à huis clos. Voi¬là qui a fait bondir les dépu¬tés de leurs bancs, Makila le premier, et qui a répliqué en disant à Jaynet que vous pré¬parez le glissement tant red¬outé mais que cela n’arrivera pas. Pourquoi Jaynet Kabila, qui n’est pas n’importe qui dans la Kabilie, parle de 2017 au lieu de 2016 année consti¬tutionnelle de l’élection pré¬sidentielle. Il n’en fallait pas plus pour alimenter les sus¬picions légitimes que nourrit nombre d’acteurs politiques de l’opposition et de la Ma¬jorité ainsi que de la société civile quant aux velléités du pouvoir de prolonger son bail à la tête de l’Etat. Les dépu¬tés de l’opposition, surtout eux, ont tenu tête à Jaynet, en lui disant qu’il n’y aura pas glissement car les élections présidentielles se tiendront belles et bien en 2016. Prévi¬sion confortée par le rejet, par l’Assemblée nationale, de la loi sur la répartition des sièges pour les élections lo¬cales, municipales et urba¬ines. Ce qui renvoie notam¬ment les élections locales, contestées et contestables, aux calendes grecques. Au¬tre chose dans le débat sur le Rapport Filimbi, dans leur suivisme, certains députés de la Majorité ont qualifié les activistes de Filimbi d’avoir introduit des terroristes étrangers au pays. Ridicules une fois encore ces accu¬sations de la Kabilie! Makila leur a rafraîchi la mémoire en démontrant que ce sont eux qui avaient introduit les vrais étrangers dans ce pays, rwandais et ougandais. Etrangers qui ont occupé des postes clé jusqu’au poste de ministre de la Défense échu à James Kabarebe en 1998. L’affaire Filimbi a démon¬tré les desseins obscurs du pouvoir a violé la constitu¬tion en créant les conditions d’un glissement. Dans cette lugubre quête a-t-elle pensé à l’obstacle populaire ?
MATTHIEU KEPA