Cacophonie au Parlement

Mardi 4 août 2015 - 11:55

Après la clôture, presqu’en mode urgence, le vendredi 31 juillet 2015, de la session extra ordinaire, les sénateurs sont à nouveau convoqués le 10 août prochain pour une nouvelle session extraordinaire consécutive. Et dire que c’est par un Sms que les élus des élus ont été saisis de cette convocation ! Devenu un os, le projet de loi portant répartition des sièges aux élections municipales et locales est au cœur de la polémique entre les deux chambres du parlement. Alors que les députés vont en vacances les sénateurs sont ramenés à l’hémicycle, à leur corps défendant. Quelle cacophonie!

La classe politique serait-elle atteinte d’un mal inextricable ?
L’on est tenté de répondre par l’affirmative relativement à la convocation du Sénat pour une nouvelle session extraordinaire. La décision serait du 1er vice président de la chambre haute, et tous les sénateurs contactés confirment avoir reçu le message sur leur téléphone portable. A partir du lundi 10 août, les élus des élus vont se retrouver, une fois de plus, au Palais du peuple, pour une seconde session extraordinaire. Toutefois, l’ordre du jour de la présente session n’est pas encore communiqué par le protocole du Sénat. Du coup, les sénateurs sont obligés d’écourter leurs vacances.

Le service du protocole de la Chambre haute du Parlement, qui donne cette information dans un message destiné aux sénateurs, ne précise pas l’ordre du jour de cette deuxième session extraordinaire.
Celle-ci intervient une semaine après la première clôturée, vendredi 31 août soir, par le président de cette Chambre, Léon Kengo wa Dondo. Cela sans que les sénateurs soient parvenus à voter le projet de loi portant adoption des annexes à la loi électorale. Un texte qui était sans débat en plénière par les députés nationaux.

Au Sénat, il n’a pas été adopté, faute de quorum qualifié pour ce vote. Cependant, deux autres projets de loi portant l’un statut des chefs coutumiers t l’antre fonctionnement et organisation des services publics de l’Etat ont été adoptés, après harmonisation au niveau de la commission mixte paritaire Assemblée nationale-Sénat.

Le message du protocole du Sénat invite également les sénateurs à ne pas quitter Kinshasa afin de s’acquitter de leur obligation constitutionnelle. A ceux qui se retrouvent à l’extérieur de Kinshasa, il leur est demandé de prendre toutes les dispositions pour se trouver dans la capitale avant le lundi prochain. « Honorable-, ce lundi 10 août 2015, à 10 heures, ouverture de la nouvelle session extraordinaire du mois d’août 2015. Il et donc prié à tous les honorables sénateurs présents à Kinshasa de ne pas quitter la capitale et ceux qui sont à 1‘extérieur de prendre les dispositions pour regagner Kinshasa, en vue dé participer à cette nouvelle session extraordinaire », fait savoir le message du protocole.

Pour rappel, la position des sénateurs sur le projet de loi portant adoption des annexes à la loi électorale a donné lieu à diverses interprétations. Pour le Sénat, qui avait terminé tard la plénière sans atteindre le quorum de 55 sénateurs comme majorité absolu sur 108 sénateurs, ce projet de loi a été rejeté. Mais au niveau de l’Assemblée nationale, l’on interprète cela non comme le rejet du texte, mais simplement comme un vote qui n’a pas atteint la majorité requise.

On ignore encore la position des sénateurs qui ont passé à Kinshasa un mois de session extraordinaire après avoir suivi la session ordinaire du mois de mars. Eux qui aspirent à passer leurs vacances en famille et à retrouver leur base électorale en attendant la session ordinaire et budgétaire du mois de septembre, ce ne serait pas vraiment de gaieté de cœur qu’ils vont reprendre le chemin du palais du peuple que leurs collègues de la ‘chambre voisine ont quitté depuis le week-end dernier. L’on croit que leur patriotisme s’impose devant une question dont dépendent l’avenir et le devenir des élections dans le pays.

LES REACTIONS

En matière de session extraordinaire, la Constitution stipule : «Chaque chambre du Parlement peut être convoquée en session extraordinaire par son président sur un ordre du jour détermine’, à la demande soit du bureau, soit de la moitié de ses membres, soit du président de la République soit du gouvernement. La clôture intervient dès que la chambré a épuisé l’ordre du jour pour lequel elle a été convoquée et au plus tard, trente jours à compter de la date du début de la session ».

Si pour la précédente session, c’est le président de la République qui en avait exprimé le souhait, pour la présente session personne ne sait qui l’a enclenché. Serait-ce le bureau ? La moitié des sénateurs? Le gouvernement? Nul ne le sait d’autant plus que le texto en circulation ne le dit pas.

Par ailleurs, un communiqué en bonne et due forme tarde toujours à être produit par le bureau du sénat. Ce qui a fait dire au sénateur Moïse Nyarugabo que « la loi n’interdit pas de tenir une seconde session extraordinaire ». Il a ajouté que la loi prévoit ce cas de sessions extraordinaires qui se succèdent de cette manière là. Quant au sénateur Mokonda Bonza, il a déclaré au Potentiel que « ce n‘est pas prévu par les textes de convoquer une session extraordinaire juste après la fin d’une autre ». Dans sa conclusion il a estimé qu’il appartenait à chaque sénateur «de prendre ses responsabilités et de s ‘assumer ».

DEMARCHE POLITIQUEMENT INDELICATE

Si la loi n’interdit pas la convocation en cascade des sessions extraordinaires, est-ce que cela ne pose aucun problème sur le plan de l’éthique ? En fait, ces sessions qui se succèdent donnent l’impression que les institutions de la République sont gérées de manière hasardeuse.

Le dire n’est pas un crime de lèse-majesté d’autant plus qu’il se démontre dans la pratique que rien n’est réellement pris en charge par les acteurs. Pendant que la session était convoquée, le gouvernement avait pris tout son temps avant de saisir l’Assemblée nationale avec son projet ne contenant que deux articles et le flot d’annexes produites par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Plutôt que de se saisir du projet, l’examiner en toute responsabilité, l’Assemblée nationale a expédié la patate chaude au sénat, qui à son tour, en a rajouté à la confusion en opérant un vote qui n’atteint pas la majorité qualifiée de la moitié de sénateurs +1, soit 54+1. Une tactique beaucoup plus souple aurait permis de sortir de l’impasse. Mais, les stratégies politiques ont pris le dessus sur les pratiques de gestion moderne.

Le trésor public sera à nouveau siphonné pour une nouvelle « session extraordinaire pour rien ». La démarche est politiquement indélicate. Elle ne répond pas à une exigence constitutionnelle selon des observateurs neutres. Selon un sénateur qui a requis l‘anonymat, le règlement intérieur de leur chambre haute du parlement stipule qu’une matière prévue dans une session extraordinaire et qui ne serait pas vidée à l’occasion, ne peut être présentée que lors de la prochaine session ordinaire en urgence comme arriéré législatif.

Que recherche-t-on en multipliant les violations des textes, les embûches et autres inepties? Réponse: un Saut périlleux, dont on connait la conséquence. La classe politique actuelle a déçu et elle ne se gêne pas d’être sur la mauvaise pente.

Par LE POTENTIEL

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