Barack Obama : non aux présidents à vie !

Mercredi 29 juillet 2015 - 19:38

Fort attendu par des millions d’Africains, le discours prononcé hier mardi 28 juillet par le président américain, Barack Obama, à partir de la tribune de l’Union Africaine, à Addis-Abeba, a été une véritable douche froide pour des gouvernants du continent tentes d’exercer des mandats à vie. En choisissant le siège de cette institution continentale pour la fin de sa mini-tournée africaine, après un séjour de 48 heures au Kenya, le pays natal de son père, on pressentait que le locataire de la Maison Blanche avait un message particulier à adresser à ses frères et sœurs de couleur. On s’attendait aussi à ce que le thème de la démocratie constitue sa trame.

A ce sujet, les observateurs ne se sont pas trompés. Obama n’a pas mâchés, ses mots pour fustiger la manie de ceux qui gouvernent les Etats africains, à savoir leur refus de passer la main au bout de leurs mandats : «Personne ne devrait être président toute sa vie », a-t-il martelé, avant de prévenir : « Les progrès démocratiques en Afrique Sont en danger quand des dirigeants refusent de quitter le pouvoir à l’issue de leur mandat ».

Citant son propre cas, il a rappelé qu’il était en train de finir son second mandat et qu’il se retirerait de la scène, conformément aux prescrits de la Constitution de son pays : « La loi est la loi et personne n’est au-dessus, pas même les présidents ».

Accusée de s’être transformée en « syndicat des Chefs d’Etat », l’Union Africaine a reçu aussi sa volée de bois verts. Car, dans son message, Barack Obama l’a exhortée à ne plus cautionner les coups de force à travers le continent. Il a profité de la circonstance pour lancer un avertissement à peine voilé aux mauvais élèves de l’école de la démocratie: « Quand un dirigeant essaie de changer les règles au milieu de la partie, simplement pour rester en poste, il s’expose à l’instabilité et à la discorde, comme nous l’avons vu au Burundi ».

Certainement bien renseigné sur les violations des droits de l’homme, le président de l’un des Etats les plus puissants au monde s’est montré fort préoccupé par l’état des libertés individuelles et surtout celles d’expression et de manifestation : « La démocratie, ce n’est pas juste les élections. Quand les journalistes sont mis derrière es barreaux pour avoir fait leur travail, des militants sont menacés... alors il y a une démocratie qui n’en a que le nom, mais pas le contenu ».

Barack Obama a également dit un mot sur l’une des antivaleurs qui gangrène l’Afrique : la corruption. « En Afrique, la corruption aspire des milliards dollars des économies, de l’argent qui pourrait être utilisé pour créer des emplois, construire des hôpitaux et des écoles... ».

Prêche dans le désert?

Ce n’est ni la première, ni peut-être pas la dernière fois que le Chef de l’Etat américain réfléchit, à haute voix, sur l’état de la démocratie à travers les pays africains. Depuis sa première visite officielle sur le continent, au lendemain de sa première élection, il avait attiré l’attention des dirigeants d’Afrique sur la mauvaise voie empruntée par la majorité d’entre eux, à savoir celle de l’exercice du pouvoir sans partage, pour une durée indéterminée, dans un cocktail fait de mauvaise gouvernance, de violations des droits de l’homme, de corruption, de paupérisation des masses, etc.

Il avait déclaré, à l’époque, que l’Afrique avait besoin d’institutions fortes, et non pas d’hommes forts, comme c’est encore malheureusement le cas dans plusieurs Etats. Il avait soutenu que les dictatures allaient de pair avec le sous-développement, car les richesses nationales étaient concentrées entre les mains d’une infime minorité de bourgeois politiques.
L’impression que nombre de peuples d’Afrique avaient, eue à l’époque était qu’Obama avait prêché dans le désert, car le mode de gouvernance étatique n’avait pas changé à travers le continent. D’où peut-être le printemps arabe en Tunisie, Libye et Egypte, lequel avait balayé Ben Ali, Kadhafi et Moubarak.
Pas plus tard que l’année dernière, à l’occasion du Sommet USA-Afrique au mois d’août, les dirigeants africains ont une fois de plus été interpellés sur l’impératif de changer leur vision du pouvoir d’Etat, en acceptant de respecter la volonté du souverain primaire tant au moment de leur arrivée au pouvoir que de leur sortie. Pour n’avoir pas sur lire les signes du temps, l’ancien président du Burkina Faso, Blaise. Compaoré, a connu une fin brutale de son mandat à vie exercé pendant 27 ans. A l’heure où le vent de l’alternance souffle très fort sur le continent et que plusieurs Chefs d’Etat ayant épuisé leurs mandats ne semblent pas disposés à prendre leur retraite politique, l’avis sans frais de Barack Obama exige d’être décrypté correctement. Le mauvais exemple de Pierre Nkurunziza ne devrait pas faire croire, à certains que le règne par défi est éternel. La manivelle de l’histoire tourne à une vitesse telle que’ les sourds et les téméraires risquent d’être désagréablement surpris par son retour, au moment où ils s’y attendraient le moins.

Par Kimp