Attribution de nouvelles concessions forestières : Greenpeace accuse la RDC d’avoir violé son propre moratoire

Mercredi 13 juillet 2016 - 10:56

Lors d’un point de presse tenu hier mardi 12 juillet 2016 dans ses installations de Kinshasa, Greenpeace a accusé le gouvernement congolais d’avoir violé secrètement son propre moratoire concernant l’attribution de nouvelles concessions forestières.

Selon Irène Wabibwa Betoko et Raoul Mosembula, respectivement Responsable de la campagne Forêt à Greenpeace Afrique et Coordonnateur de Greenpeace/RDC, une enquête menée par leur organisation révèle que le gouvernement congolais a accordé, en 2015, trois concessions d’une surface totale de 650 000 ha, à la Société Millénaire Forestière SARL (SOMIFOR), dans les provinces de l’Equateur et de la Tshuapa, ainsi qu’à la société Forestière pour le Développement du Congo (FODECO), dans la province de la Tshopo,  » violant ainsi le moratoire qu’il a lui-même mis en place en 2002 sur l’attribution de nouveaux titres d’exploitation forestière « , dévoilent-ils.

En effet, selon Irène Wabibwa Betoko, le 30 janvier 2016, le ministre de l’Environnement, Conservation de la nature et Développement, Robert Bopolo Mbongeza, avait déclaré que  » les démarches sont en cours  » pour obtenir du gouvernement la levée du moratoire.

Au moment de cette annonce, renchérit-elle, le ministre ne pouvait en aucun cas ignorer que son prédécesseur avait déjà illégalement attribué ces trois nouvelles concessions forestières.

Les chercheurs de Greenpeace se sont procuré ces trois contrats signés en 2015 par le ministre de l’époque, Bienvenu Liyota Ndjoli.

Dans le rapport aujourd’hui, Greenpeace présente les preuves qu’avec ces attributions faites dans le secret,  » le gouvernement congolais contourne le moratoire avec l’intention de le lever sans que les conditions préalables ne soient remplies, menaçant ainsi la deuxième plus grande forêt tropicale au monde « .

Or, Pour la RDC et la Banque Mondiale, les objectifs de ce moratoire étaient, entre autres, de transformer l’exploitation forestière industrielle du Congo-Kinshasa en un vaste secteur générateur de milliers de dollars.

Aussi, il était question de créer des emplois décents pour que les Congolais qui y travaillent vivent dignement, dans des conditions optimales. Ce qui n’est pas encore le cas car ils sont encore dans des situations misérables, et médiocrement payés.

Or, ce moratoire est une mesure préventive qui devait porter ses fruits.

Pour Greenpeace, les pré-conditions pour lever cette mesure de protection sont bien loin d’être atteintes.

Une telle mesure donnerait lieu à une situation encore plus chaotique dans le secteur forestier.

» Nous exigeons du gouvernement congolais de non seulement annuler immédiatement les contrats des concessions de SOMIFOR et celle de FODECO présentés par Greenpeace, mais aussi de déterminer s’il y a eu d’autres violations du moratoire et de s’assurer que les officiels impliqués dans ces illégalités soient punis « , déclare Irène Wabiwa Betoko, Responsable de la campagne Forêt à Greenpeace Afrique.

Dans une lettre datée du 9 juin dernier, Greenpeace a demandé des clarifications sur ces violations flagrantes du moratoire à l’actuel ministre de l’Environnement, mais n’a pas reçu de réponse jusqu’à ce jour.

Ce dossier sera également transmis au procureur général de la République de la République démocratique du Congo pour ouvrir une enquête à ce sujet.

Et pour s’opposer à la levée du moratoire, Greenpeace et d’autres organisations environnementales et de lutte contre la corruption se sont réunies dans une coalition au début de cette année. «

Le gouvernement congolais doit maintenir ce moratoire sur l’attribution de nouvelles licences d’exploitation forestière tant que les conditions définies par la loi ne seront pas remplies.

L’exploitation forestière industrielle n’a rapporté que 8 millions USD au trésor public en 2014. Les autorités devraient donc explorer et promouvoir des alternatives comme la foresterie communautaire « , conclut Irène Wabiwa.

Il est donc demandé au gouvernement de la RDC d’annuler immédiatement les concessions SOMIFOR et FODECO, de déterminer s’il existe d’autres violations du moratoire et d’adopter des mesures similaires.

Il lui est également demandé d’ordonner une enquête sur ces dossiers, établir les responsabilités et faire appliquer des sanctions conformément à la loi.

L’exécutif central devra, en outre, maintenir le moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions de forêt, tant que les conditions prévues par la loi ne seront pas respectées.

De même, il devra aligner la programmation de futures attributions avec les autres procédures de planification d’utilisation des terres.

Enfin, toutes les concessions pour lesquelles les plans de gestion n’ont pas été déposés dans les cinq ans, faisant suite à la signature du contrat, comme le stipule la loi, doivent être annulées.

Il faut noter qu’environ 40 millions de personnes trouvent leurs moyens de subsistance dans la forêt congolaise. La seule couverture forestière de la RDC permet de stocker 7% des émissions mondiales de carbone, devenant ainsi l’un de plus importants réservoirs de carbone au monde.

Par Lefils Matady