AFFAIRE HABYARIMANA DEVANT LA JUSTICE FRANÇAISE Kagame : le non-lieu du juge Trévidic menacé

Vendredi 21 novembre 2014 - 07:41

* A la base, l’enlèvement par les Services rwandais de l’ancien sergent de l’APR, Emile Gafirita, qui déclare avoir porté le missile sol-air taxé d’avoir abattu le Falcon 50 de Juvénal Habyarimana le 6 avril 94.

Les proches de Paul Kagame, le Président rwandais poursuivis par la justice française, font des insomnies depuis deux semaines. Un des leurs, un ancien sergent de l’APR du nom d’Emile Gafirita, a fait des déclarations tapageuses mais passées inaperçues il y a quelque deux semaines. Il reconnait avoir brandi le missile portatif sol-air qui a abattu le Falcon 50 de Juvénal Habyarimana où il transportait son collègue du Burundi Melchior Ndadaye le 6 avril 1994.

Emile Gafirita réclame tout de suite d’être entendu pour donner sa " vérité" dans le cadre de la procédure initiée devant la justice française contre des proches de Paul Kagame et menée par les deux juges d’instruction, Marc Trévidic et Nathalie Poux. Ce qui menace le non-lieu vers lequel la procédure se dirige et donc de relancer l’instruction en partant de nouveaux éléments fournis par Gafirita.
C’est donc un coup pour le Parquet qui trainait encore les pieds pour décréter le non-lieu. C’est-à-dire que l’Accusation n’a pas assez d’éléments à charge pour enclencher les poursuites contre les prévenus. Ces éléments justement, Emile Gafirita, l’ancien sergent de l’APR de Paul Kagame, semble en avoir, une piste très intéressante pour l’instruction. Raison pour laquelle Marc Trévidic et Nathalie Poux se préparaient déjà à faire mouvement pour rencontrer Emile Gafirita, qui vit au Kenya, après sa brouille avec le pouvoir de Paul Kagame.
Malheureusement, le 13 mai dernier, l’ancien soldat est mystérieusement enlevé au centre de Nairobi par des quidams en présence des témoins, jusqu’à une destination inconnue. Sept jours après cet incident dramatique, les Services kenyans n’ont toujours pas retrouvé sa trace.

DEMENTI A KIGALI OU LE GOUVERNEMENT DIT TOUT IGNORER
Tous les partis politiques rwandais de la diaspora accusent le pouvoir de Kagame d’avoir commandité cet enlèvement d’une pièce importante dans l’affaire de Juvénal Habyarimana. Démenti à Kigali où le gouvernement dit tout ignorer. L’Exécutif rwandais accuse plutôt l’Opposition du RMC et Patrick Karageya et Kayumba Nyamwassa d’avoir fomenté « ce montage ridicule » pour tenter de discréditer les autorités.
Montage ridicule ? On sait pourtant que tous ceux qui, dans l’affaire d’Habyarimana ont tenté de contrarier le régime rwandais en annonçant détenir les preuves de cette tragédie qui a eu comme conséquence le génocide des Tutsi et Hutu modérés, froidement liquidés. Le dernier cas en date est celui du colonel Patrick Karageya, l’ancien chef de la sécurité militaire réfugié en Afrique du Sud (RSA). Il avait, au mois de novembre 2013, demandé de voir les mêmes juges d’instruction pour leur donner le film de l’assassinat de Juvénal Habyarimana auquel il a pris part.
Le 31 décembre, le colonel Karegeya était retrouvé mort dans une chambre d’un hôtel sécurisé de Soundton à Jo’Bourg (RSA), étranglé à l’aide d’un lacet. On ne connaît la querelle qui s’en est suivie entre Pretoria et Kigali. Avant lui, c’est son compère Kayumba Nyamwassa, général d’armée et ancien chef d’Etat-major de l’armée rwandaise. Il était aussi prêt à témoigner devant les deux juges français pour démontrer que le tir du missile est parti de la colline Masaka, de l’autre coté de l’aéroport où se positionnaient les combattants de l’APR qui ont tiré sur l’aéronef d’Habyarimana.
Après ces déclarations, cet ancien proche de Paul Kagame a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat dont la dernière est intervenue l’année écoulée. Maintenant, c’est un ancien soldat de l’APR qui va dans le sens des déclarations de Patrick Karegeya et Kayumba Nyamwassa ainsi que des parties civiles constituées par la famille du général-major Juvénal Habyarimana.
Toutes ces déclarations remettent en cause la version d’un tir de missile qui serait parti du camp Kanombe de la garde présidentielle où fourmillaient les extrémistes Hutu du camp Habyarimana qui ne voulaient pas d’un partage de pouvoir avec les Tutsi de l’APR.
Selon Karageya, Kayumba et le soldat Emile Gafirita, le coup est bel et bien parti de la colline de Masaka, occupé par les militaires de l’APR. Et c’est donc Paul Kagame qui a commandité l’assassinat afin d’enclencher le génocide contre les Tutsi et prendre le pouvoir.
Ces thèses qui s’entrechoquent exigent une autre étude balistique, la première ayant montré indiscutablement que le tir du missile mortel est bien parti du camp Kanombe, bastion de la Garde présidentielle avec un missile bien identifié, car venant du lot du matériel livré par la France au régime d’Habyarimana.
Mais la question qui revient sur les lèvres est celle de savoir pourquoi Gafirita a attendu 20 ans pour parler. Pourquoi seulement en ce moment précis ? Y a-t-il de la manipulation ? A Marc Trévidic et Nathalie Poux de fouiner pour trouver la vérité : la colline Masaka ou le camp Kanombe. Si c’est le premier, c’est l’APR de Kagame. Si c’est le deuxième, ce sont les propres frères de Juvénal Habyarimana, les extrémistes Hutu. KANDOLO M.

 

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