Abbé Malumalu : « un homme plein d’expérience»

Jeudi 7 juillet 2016 - 11:08
Depuis le décès de l’abbé Apollinaire Malumalu Muholongo, fils de Butembo, le 30 juin dernier, sa disparition appelle des messages de sympathie tant au pays qu’à l’étranger. Mardi 5 juillet 2016, c’était le tour de différentes personnalités et des membres du corps diplomatique, ainsi que d’autres autorités congolaises, de lui rendre hommage en dévoilant le parcours exceptionnel de cet homme qui fut le 1er président de la Commission électorale indépendante (CEI), l’actuelle Commission électorale nationale indépendante. Pour Maman Sambo Sidikou, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies en RDC et chef de la MONUSCO : « L’abbé Apollinaire Malumalu était l’exemple d’un homme d’expérience, de courage et de conviction qui, en plus de son rôle dans l’organisation des élections de 2006, a joué un rôle de premier plan dans la stabilisation des zones ravagées par des conflits à travers notamment le lancement du Plan de Stabilisation et de Reconstruction de l’Est de la RDC, les processus de paix dans les Kivu, y compris les Accords de Goma et plus récemment, dans l’aboutissement du Dialogue de Kampala entre les ex-M 23 et le gouvernement congolais. J’exprime le voeu que les Congolais puissent  s’inspirer de son dévouement à la cause de la paix et que son exemple soit suivi par toute la classe politique congolaise, afin de nous permettre de rééditer l’exploit des élections passées, dans l’organisation des élections libres, transparences et crédibles comme le stipule la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies ». Kando Véronique, Vice-président de la CENI/Burkina-Faso et officier de l’Ordre national souligne « J’ai appris avec tristesse le décès de l’abbé Malumalu. En cette douloureuse occasion, je voudrais rendre hommage à un homme qui a joué une partition extraordinaire dans la conduite des processus électoraux et apporté une contribution formidable au renforcement des processus démocratiques en Afrique. C’est une grande perte pour le Congo et pour l’Afrique. Toutes mes condoléances à vous-mêmes, au président de la CENI, Corneille Nangaa et à tout le peuple congolais. Que son âme repose en paix ! ». Pour sa part, le gouverneur de sa province d’origine le Nord-Kivu, Julien Paluku Kahongya, explique : « le Nord Kivu est fier de ce que l’histoire retiendra que son fils a été celui qui a piloté la première machine électorale en République Démocratique du Congo ». De l’abbé Malumalu, l’une de ses anciennes collaboratrices, Nadine Mishika, ancien membre de la plénière de la CEI, note : «Un travailleur, un homme qui ne reculait jamais face aux défis dont le plus grand était d’organiser les premières élections libres et démocratiques. Face aux composantes et entités qui découvraient les élections et qui n’étaient pas prêts à y aller, tout en respectant les parties prenantes, il leur parlait franchement et certaines fois avec fermeté et détermination. Ce qui lui valait parfois certaines critiques. Il s’est investi dans les élections et en avait fait sa passion. Il n’avait qu’un seul souci : le travail bien fait. Il privilégiait la compétence avant toute autre considération. Il aimait le travail, peut-être un peu trop, mais c’est cela l’héritage qu’il lègue à ceux qui l’ont connu, à ceux qui ont été ses collaborateurs. C’est donc avec une grande tristesse que nous avons appris son décès en Amérique. Sa mort est une grande perte pour le pays, pour la CENI, pour son diocèse sans doute, mais aussi pour sa famille biologique. Que son âme  repose en paix et mes sincères condoléances à sa famille biologique ! ». Très ému, le professeur Shikayi Luboya André, secrétaire général adjoint du parti politique ARC, note que : «L’abbé Malumalu était un homme de conviction et de détermination. Je présente mes condoléances à tous nos amis communs et à sa famille ». Abbé Malumalu : expert international et gestionnaire des élections Pour la petite histoire de l’illustre disparu, lorsque l’Accord-cadre de Sun City est conclu entre belligérants en Afrique du Sud en 2003, personne ne savait encore qui des acteurs politiques en présence, allait  piloter la Commission électorale indépendante (CEI). Au terme des tractations autour du partage des responsabilités dans les institutions nationales, la Société civile dans sa globalité et dans toute sa diversité décidera de s’organiser. Ainsi, pour les institutions d’appui à la démocratie, la Société civile se verra attribuée la direction de quelques institutions, notamment la CEI et dont le président devrait impérativement être issu des confessions religieuses. Partant de son activisme doublé de sagesse dans la planification des systèmes de gestion, l’abbé Malumalu sera porté par ses pairs au poste de président de la CEI. En sa qualité de professeur d’Université et de chercheur, l’abbé Malumalu mettra en place la première architecture institutionnelle de la CEI, conformément à la loi organique. Il engage alors un véritable ballet diplomatique pour mobiliser le monde à la cause des élections en RDC. Plusieurs organisations internationales vont se déployer au Congo-Kinshasa afin de s’assurer du sérieux des consultations électorales engagées. L’abbé Malumalu affrontera tous les risques possibles en sillonnant le monde, toujours entre deux avions, à la recherche des financements du tout premier cycle électoral démocratique congolais. La Mission des Nations Unies (MONUC) sera appelée à adapter son intervention technique et logistique autour des élections  avec  une Division électorale renforcée et installée dans les 11 anciennes provinces. La Société civile sera mobilisée et organisée dans toutes ses disciplines : confessions religieuses, organisations d’éducation civique, défenseurs des droits de l’homme… Les partis politiques vont prendre le train des élections et s’engager. En dépit des tumultes et des quelques hésitations, la RDC organisera le référendum populaire en 2005 pour adopter la toute première Constitution démocratique et avec l’appui de grandes capitales occidentales et africaines, les premiers scrutins seront organisés (présidentielle et législatives nationales) et mobiliseront un budget de 370 millions d’euros soit 500 millions de dollars financés par la Communauté internationale. Le premier tour de la présidentielle a été organisé le 30 juillet 2006 et le second tour proclamé le 15 novembre 2006 avant la proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême le 27 novembre 2006. Depuis lors, l’abbé Malumalu a travaillé inlassablement à la formation du personnel électoral. Il va relier la RDC à plusieurs réseaux de grande compétence électorale, tels que le Forum des commissions électorales des pays membres de la SADC (ECF), le Réseau du savoir électoral en Afrique francophone, le Réseau mondial des commissions électorales francophones (A-WEB), etc. L’abbé Malumalu était aussi un initiateur de grands projets électoraux, le cas de l’Ecole de formation électorale en Afrique centrale (EFEAC), partenaire de la CEEAC, le Centre européen d’appui aux cycles électoraux (ECES), le Réseaux d’études électorales en Afrique centrale (REA) … L’Abbé MALUMALU a développé ses compétences électorales jusqu’à devenir une grande référence pour les commissions électorales partenaires en Afrique et dans le monde. Plusieurs fois consulté, il a présidé les forums et conférences internationales sur les élections. Remplacé en 2010 par le révérend pasteur Daniel Ngoyi Mulunda, l’abbé Malumalu  a été une fois de plus sollicité pour relancer la machine électorale congolaise en 2013. . Malumalu : Acteur de Développement L’illustre disparu laisse derrière lui des dizaines de projets de développement. Outre les projets d’appui à l’Université Catholique du Graben (Butembo), l’abbé Malumalu a été initiateur de plusieurs activités de développement communautaire au bénéfice des populations des territoires de Beni, Butembo, Goma, Walikale et dans le Sud-Kivu. Le Centre de formation et d’animation pour le développement solidaire (CEPHADES) qui comprend une cinquantaine de projets de développement dans les domaines de développement agricole, sociopolitique (démilitarisation des enfants soldats etc.), scientifique et culturel. En 2013, il sera investi coordonnateur chargé de la mobilisation des ressources pour le compte du Programme de stabilisation des zones sortant des conflits armés (STAREC). Tous les témoignages recueillis indiquent que l’abbé Malumalu a contribué à la mise en route d’immenses projets de développement en appui aux gouvernements provinciaux et central, ainsi qu’aux organisations socio-économiques d’envergure nationale. Il sied de noter que le programme de ses obsèques sera connu d’ici là. Cependant, les messes sont dites en mémoire de l’illustre disparu au couvent de prêtres de Butembo à Kinshasa, situé au quartier Mont-Fleury, à Ngaliema.