Le Millennium Challenge Corporation (MCC), l’agence américaine chargée d’évaluer la qualité de la gouvernance et de l’environnement économique dans les pays en développement, vient de publier son scorecard 2026 basé sur les données de 2025.
La République démocratique du Congo enregistre un nouveau recul, passant de 6 indicateurs verts sur 20 l’année dernière à 4 indicateurs verts sur 22 cette année.
Un retournement après plusieurs années de progrès
Ce résultat contraste avec la trajectoire ascendante observée entre 2021 et 2023.
Grâce à un suivi technique rapproché instauré au Ministère des Finances sous le gouvernement Sama Lukonde, la RDC était passée de 3 indicateurs validés en 2021 à 7 indicateurs en 2023, un niveau jamais atteint jusque-là. L’objectif étant de valider au moins la moitié des indicateurs pour envisager l’accès aux financements du MCC.
Depuis deux ans, la tendance s’est inversée.
Qu’est-ce que le MCC ?
Le Millennium Challenge Corporation est une agence indépendante du gouvernement américain créée en 2004 par le Président George Bush.
Elle évalue chaque année plus de 80 pays à travers 20indicateurs (22 depuis cette année) regroupés en trois catégories :
1. Gouverner de manière juste et démocratique (État de droit, libertés civiles, lutte contre la corruption…)
2. Investir dans le capital humain (éducation, santé, droits des femmes…)
3. Favoriser la liberté économique (climat des affaires, inflation, fiscalité, politique commerciale…)
Un pays doit valider au moins la moitié des indicateurs, dont obligatoirement le critère “Lutte contre la corruption”, pour être éligible aux financements du MCC.
Ces financements prennent la forme de “compacts”, de grands programmes d’investissement pouvant atteindre 300 à 600 millions de dollars sous forme de dons.
Pourquoi le score MCC est-il important ?
Pour un pays comme la RDC, le scorecard joue plusieurs rôles essentiels :
• Baromètre international de gouvernance
Il permet aux partenaires techniques, investisseurs et institutions financières d’évaluer le sérieux des réformes engagées.
• Incitation aux réformes structurelles
Les indicateurs couvrent des domaines où la RDC doit progresser : État de droit, transparence, lutte contre la corruption, efficacité des dépenses publiques, accès à l’éducation…
• Potentiel d’accès à des financements de grande ampleur
Le MCC finance des projets structurants dans les pays éligibles : routes, électricité, éducation, eau potable, modernisation administrative…
• Outil d’amélioration de l’image du pays
Une progression sur le scorecard renforce la crédibilité internationale et facilite le retour des investisseurs.
Un signal d’alerte pour les autorités congolaises
Le recul de la RDC intervient dans un contexte marqué par :
• un affaiblissement de la gouvernance économique,
• la dégradation de certains indicateurs sociaux,
• une perception plus négative de la lutte contre la corruption,
• et un environnement macroéconomique fragilisé par les dépenses exceptionnelles des dernières années.
Pour plusieurs experts, ce score est un riche outil de diagnostic, non une sanction.
Il met en lumière des chantiers de réformes prioritaires et peut servir de boussole pour revenir sur une trajectoire positive. En réussissant 12 indicateurs sur 22, le Libéria ressort comme un gagnant notable du scorecard 2026. Il y est parvenu en mettant en avant des progrès significatifs en matière de finances publiques, lutte contre la corruption, libertés politiques, santé, droits fonciers, et accès au crédit. Le cas du Libéria montre qu’il est possible pour un pays d’Afrique sub-saharienne de remonter- et d’obtenir un score favorable sur le MCC, même dans un contexte difficile. Au Maghreb, le Maroc, qui avait déjà bénéficié d’un premier compact MCC avec des investissements importants dans les secteurs agricoles, pêche, artisanat et PME, confirme son positionnement en zone de confiance en 2026 avec la validation d’une large majorité des indicateurs. Cela lui ouvre la porte à un deuxième compact pour des financements importants destinés à des projets d’infrastructure.
Si la RDC souhaite renouer avec les performances de 2023 et aspirer un jour à un compact MCC, les autorités devront restaurer un pilotage rigoureux des indicateurs, améliorer la transparence économique et renforcer l’efficacité des politiques publiques.
Il faut rappeler que ce recul de la RDC à un moment où le pays s’apprête à signer des accords de paix avec le Rwanda qui vont entraîner des investissements américains dans plusieurs secteurs de la vie nationale. Le gouvernement doit tirer toutes les leçons pour réajuster le tir.
Alain TSHIMUNA BITOKE