Dans une déclaration faite ce mercredi 12 novembre 2025, Me Sonny Kabeya Mukanya, coordonnateur de la jeunesse de l’Union Sacrée section Benelux, fait remarquer que l’inclusivité est devenue un principe central dans les processus de paix contemporains.
Il soutient qu'elle postule que la stabilité ne se construit pas sur l’exclusion mais sur la participation de toutes les parties, y compris celles dont la légitimité est contestée.
Cependant, cet avocat estime qu'en ce qui concerne la crise dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), ce principe connaît une exception constante : les FDLR.
"Depuis près de trois décennies, Kigali les présente comme un mouvement irrémédiablement contaminé par l’idéologie du génocide de 1994, et donc indigne de tout dialogue. Cette posture, devenue doctrine diplomatique, alimente un cycle d’exclusion et de vengeance qui empêche la paix de s’installer durablement dans les Grands Lacs", affirme-t-il.
Dans la foulée, Sonny Kabeya s'interroge si les réfugiés hutus sont-ils réellement menacés. Il soutient que l’histoire récente répond par l’affirmative.
"Bien avant le génocide de 1994, plusieurs enquêtes ont documenté des violences de masse contre des civils hutus entre 1990 et avril 1994. Pendant le génocide, certains groupes hutus non impliqués ont également été victimes de représailles. Après la victoire du Front patriotique rwandais, la traque des réfugiés hutus au Congo est abondamment attestée : camps rasés, colonnes bombardées, civils abattus. Cette réalité se prolonge aujourd’hui. En juillet 2025, plus de 140 civils hutus ont été exécutés dans le Rutshuru, selon plusieurs sources locales et humanitaires, lors d’opérations menées par le M23 appuyé par des unités rwandaises", dit-il.
En outre, Sonny Kabeya estime que ces faits illustrent une continuité de la menace : les civils hutus non génocidaires restent pris pour cibles au nom d’une culpabilité collective instrumentalisée.
Par ailleurs, Sonny Kabeya dénonce ce qu'il qualifie de piège du désarmement unilatéral.
"On exige régulièrement de Kinshasa la “neutralisation des FDLR” comme condition préalable à tout apaisement. Mais un rapport de l’International Crisis Group (ICG), publié en juillet 2025, souligne que cette exigence est déconnectée du terrain : le M23 contrôle désormais la majorité des zones où opéraient les FDLR, rendant leur “élimination” impossible sans retrait préalable des troupes rwandaises. En d’autres termes, demander le désarmement des FDLR sans désescalade simultanée du M23/RDF, c’est créer une impasse diplomatique utile à Kigali", a-t-il renchéri.
Pour lui, cette stratégie permet au Rwanda de prolonger indéfiniment son déploiement militaire sous prétexte de “lutter contre les FDLR”, alors même que le groupe n’est plus, militairement, soutient-il, une menace stratégique majeure.
Il considère que c'est un vieux mécanisme d’asphyxie politique.
"Ce scénario n’est pas nouveau. En 1994 déjà, après l’attentat contre le président Habyarimana, le FPR conditionnait tout cessez-le-feu à “l’arrêt immédiat des massacres” — une exigence moralement défendable, mais matériellement impossible dans le chaos généralisé. Cette tactique permit au FPR de rejeter toute trêve et de poursuivre sa conquête militaire jusqu’à la victoire totale. Aujourd’hui, la même logique opère : d’un côté, les FARDC sont contraintes de concentrer leurs moyens contre le M23/RDF ; de l’autre, on leur impose de “neutraliser” les FDLR, désormais confinées dans des zones sous contrôle rebelle", a-t-il déclaré.
Il affirme que cette double contrainte vise à épuiser Kinshasa militairement et politiquement, tout en entretenant l’image d’une RDC complice des FDLR.
Dans la foulée, Sonny Kabeya fait savoir que la question des FDLR comporte deux dimensions distinctes :
1. Une dimension factuelle, liée aux abus commis en RDC. Ces exactions, lorsqu’elles sont prouvées, doivent être sanctionnées selon le droit congolais et le droit international.
2. Une dimension idéologique, fondée sur l’accusation d’un “programme génocidaire persistant”. Celle-ci exige une évaluation indépendante, et non des slogans hérités du discours politique de 1994.
Il soutient qu'on ne construit pas la paix sur des mythes figés. Il faut distinguer la responsabilité pénale individuelle — imprescriptible — des garanties collectives dues aux réfugiés civils.
Sonny Kabeya reste convaincu qu'une sortie de crise crédible repose sur 4 principes simples :
1. Désescalade simultanée : retrait effectif du M23/RDF et désarmement progressif des FDLR sous supervision internationale.
2. Protection des civils : mise en place de mécanismes de sécurité pour les réfugiés hutus et les populations congolaises exposées.
3. Vérification indépendante : un mécanisme neutre pour contrôler les engagements de chaque partie.
4. Responsabilité différenciée : juger les auteurs de crimes graves, tout en reconnaissant les droits collectifs des réfugiés à la sécurité et au retour.
En conclusion, Sonny Kabeya pense que le dialogue n’est pas un privilège moral, c’est un outil de stabilisation. Selon lui, inclure les FDLR dans une séquence politique — sous conditions strictes, contrôlées, et sans effacer les crimes — ne revient pas à les légitimer, mais à reconnaître que l’exclusion permanente produit la guerre permanente.
"Si l’objectif est la sécurité des civils, notamment des réfugiés hutus, alors le désarmement des FDLR doit s’accompagner d’un retrait effectif des forces rwandaises et de garanties de protection crédibles. Autrement, on ne désarme pas la peur : on la déplace", a-t-il martelé.
D'après Me Sonny Kabeya Mukanya, la paix véritable se construit en parlant avec tous les acteurs du conflit, pas seulement avec ceux que l’on juge fréquentables. Il insiste sur le fait que le courage politique consiste moins à condamner qu’à écouter pour comprendre, et comprendre pour désarmer.
Jephté Kitsita