Steve Mbikayi : « La baisse du dollar ne suffit pas »

Mardi 14 octobre 2025 - 10:10
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Depuis quelques semaines, nous vivons un phénomène économique inédit. Le franc congolais s’apprécie rapidement face au dollar américain. Une situation qui devrait soulager les ménages et les opérateurs économiques.

Mais, sur le terrain, la réalité est tout autre. Les  prix ne baissent pas. La population ne ressent aucun bénéfice tangible de cette embellie monétaire. Par contre, elle en souffre.

Cette appréciation du franc congolais est notamment justifiée par :

- une meilleure discipline budgétaire et monétaire, traduisant la volonté du gouvernement de stabiliser la macroéconomie ;

- un renforcement de la régulation du marché des changes par la Banque Centrale.

- plusieurs dizaines de millions de dollars injectés par la BCC sur le marché. Craignant une poursuite de la baisse du billet vert, de nombreux cambistes ont massivement vendu leurs réserves de dollars, augmentant ainsi leur offre sur le marché et contribuant mécaniquement à la hausse du franc.

Ces facteurs conjugués ont créé un contexte d’euphorie monétaire qui, cependant, ne profite pas encore directement au panier de la ménagère pour plusieurs raisons. Aujourd’hui, nous nous intéressons à l’une d’elle. La politique fiscale de l’État qui ne suit pas le rythme de cette mutation monétaire pour donner plus de confiance aux importateurs.

Il se constate une incohérence qui ne rassure pas. C’est un secret de Polichinelle. Si l’État affiche ses tarifs fiscaux en francs congolais, il les calcule en réalité sur la base du dollar américain.

À une époque, on parlait même du “franc fiscal”, un franc équivalant à un dollar, pour préserver la valeur réelle des recettes publiques. Mais aujourd’hui, cette pratique non déclarée crée une distorsion économique et psychologique majeure : 

- Les opérateurs économiques doivent vendre leurs produits en fonction du taux actuel du marché ;

- Tandis qu’ils paient leurs impôts, taxes et droits de douane en se référant au taux aligné sur un dollar fort d’hier.

Cette incohérence décourage la baisse des prix, entretient la méfiance et donne au marché le sentiment que même l’État ne croit pas à la durabilité de l’appréciation du franc.

Car si le gouvernement lui-même ne traduit pas cette nouvelle parité dans sa fiscalité, il envoie un message implicite : le franc fort n’est qu’un épisode passager.

Or, comment espérer que les commerçants ajustent leurs prix si le fisc continue à les taxer comme si le dollar valait encore 2 800 FC ?

Cette contradiction est parmi les causes qui minent la confiance collective et bloque la transmission de la stabilité monétaire à la vie quotidienne.

Il est impératif que les régies financières révisent le barème fiscal et douanier, en tenant compte du taux actuel du marché.

Adapter le “franc fiscal” au franc réel redonnerait confiance aux opérateurs économiques et relancerait la consommation.

Ça sera une preuve que l’ État lui même est convaincu que l’appréciation monétaire actuelle n’est pas l’œuvre d’ une spéculation passagère.

Sans en faire une tracasserie financière, les inspecteurs économiques devraient aussi contrôler le taux pratiqué en vue de démasquer les opérateurs économiques qui voudraient saborder les efforts déployés par les autorités pour combattre la dolarisation excessive de notre économie.

Quant aux consommateurs, ils ne doivent pas se laisser abuser par les opérateurs économiques. Ils doivent exiger la répercussion de la baisse du dollar sur les prix. Ceci aiderait notamment ceux qui épargnent et les travailleurs payés en dollars.

L’ appréciation du Franc est une bonne nouvelle, mais il doit s’accompagner de prudence et de responsabilité collective.

Elle peut être considérée comme une prouesse pour la gouvernance actuelle. Mais elle ne deviendra une victoire réelle que si l’État, à travers sa fiscalité et ses politiques publiques, traduit cette performance monétaire en soulagement social palpable dans la vie quotidienne de la population.

Tribune de Steve Mbikayi, député national et président du Parti Travailliste (PT)

 

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