
L'Office National d’Identification de la Population (ONIP) se retrouve, une fois de plus, au cœur d’une vive controverse. Après les doutes légitimes exprimés sur les capacités financières et techniques de certains opérateurs proposés pour gérer le projet stratégique d’identification de la population congolaise, une menace encore plus grave se profile aujourd’hui : l’implication d’intérêts rwandais dans la gestion de nos données les plus sensibles.
Nous apprenons avec une profonde inquiétude que l’entreprise TOPPAN HOLDINGS, nouvellement impliquée dans ce processus, a racheté à 100% la société rwandaise JONGOROGODEI Ltd, spécialisée dans les services de BPO numérique (externalisation des processus métiers, incluant la gestion et le traitement de données). Ce rachat n’est pas anodin. Il signifie que TOPPAN HOLDINGS détient désormais l’intégralité du patrimoine technologique, des actifs et des compétences opérationnelles de JONGOROGODEI Ltd — une entreprise immatriculée et opérant depuis Kigali, sous juridiction rwandaise.
Cette acquisition stratégique positionne de facto TOPPAN HOLDINGS dans une situation de proximité structurelle et capitalistique directe avec l’État rwandais, connu pour son expansionnisme numérique et sa capacité d'infiltration dans des systèmes étrangers. En pleine crise sécuritaire à l’est de la République Démocratique du Congo, marquée par une guerre d’agression non déclarée menée par le régime de Kigali via le M23, accepter qu’une société en lien étroit avec le Rwanda accède à nos données d'identification constitue une menace d’une gravité exceptionnelle.
Car il ne s’agit pas seulement de données techniques ou logistiques. Ce sont les empreintes digitales, les données biométriques, les adresses, les filiations et les historiques administratifs de millions de Congolais qui risquent d’être exposés à des acteurs dont les intérêts sont tout sauf neutres. Comment garantir l’inviolabilité de ces données si elles peuvent transiter par une infrastructure contrôlée ou influencée par des entités liées au Rwanda ?
Confier à TOPPAN HOLDINGS un rôle clé dans ce projet revient à ouvrir la porte à une cyber-ingérence potentielle, à des fuites d’information critiques, voire à une manipulation massive de notre système d’identification nationale.
Nous appelons avec force les autorités congolaises, en particulier le Parlement, la Présidence, l’ANR et la CENI, à faire preuve de la plus grande vigilance. Il est impératif de :
Suspendre immédiatement toute collaboration entre l’ONIP et TOPPAN HOLDINGS.
Mener une enquête approfondie sur les ramifications de cette entreprise avec les structures économiques, technologiques et gouvernementales rwandaises.
Garantir que tout partenaire engagé dans la gestion des données nationales soit irréprochable en matière de souveraineté, de sécurité et de loyauté envers les intérêts de la RDC.
La sécurité numérique est aujourd’hui un pilier de la souveraineté nationale. Nous ne pouvons pas, sous prétexte de modernisation, sacrifier la protection de nos données à des intérêts étrangers, a fortiori liés à un État hostile.
Le peuple congolais exige des garanties. L’ONIP doit entendre cette voix et corriger le tir immédiatement.
Tribune de D. Mutombo, analyste indépendant