Le 30 novembre dernier, l’armée ougandaise a officiellement commencé une opération militaire dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la RD Congo. Elle participe à la traque des Forces démocratiques alliées, les ADF, et à la construction d’infrastructures routières.
Mais, peu de temps après, une autre opération, beaucoup plus discrète, a commencé : celle des Forces nationales de défense du Burundi, dans la province du Sud-Kivu, contre les rebelles RED-Tabara. Celle-ci est toujours en cours.
Bonjour. Je suis Pierre Boisselet, le Coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu. Et vous écoutez le 49ème numéro de Po na GEC, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo de l’Université de New York sur l’actualité de la RDC. Et cette semaine nous nous intéressons à l’incursion récente de l’armée burundaise dans l’est du pays.
La présence de combattants burundais au Congo n’est pas radicalement nouvelle. L’est de la RDC a servi de base arrière à des rébellions burundaises pendant des décennies, ce qui en fait une zone stratégique. Le CNDD-FDD, actuellement au pouvoir à Gitega, y était lui-même présent dans les années 1990 et 2000. Aujourd’hui, on trouve surtout deux groupes armés burundais : les Forces nationales de libération (FNL) et le Mouvement de la résistance pour un État de droit (RED-Tabara).
Selon un rapport du groupe d’experts des Nations-Unies pour la RDC, ce dernier groupe a bénéficié du soutien du Rwanda, en 2015 et en 2016. Il s’est installé sur les hauts-plateaux du Sud-Kivu et dans la plaine de la Ruzizi, qui sert de frontière entre la RDC et le Burundi.
À partir de ces bases, il a mené plusieurs actions au Burundi comme encore récemment, en septembre 2021, avec le bombardement de l’aéroport de Bujumbura.
Compte tenu de la présence de ces rebelles, l’armée burundaise et ses alliés, les miliciens imbonerakure, ont périodiquement mené des incursions au Sud-Kivu pour les affaiblir. Mais à la fin du mois de décembre dernier, une expédition d’une ampleur inhabituelle a commencé.
Selon plusieurs sources, plusieurs centaines d’hommes, et peut-être même plus d’un millier, ont traversé la frontière. Ils se sont associés avec plusieurs groupes armés locaux, comme les Mai-Mai Kidjangala, Buhirwa et les Gumino, qui leur ont ouvert la voie à travers la plaine de la Ruzizi et vers les hauts-plateaux du Sud-Kivu. Et ils sont très vite entrés en action. Le Baromètre sécuritaire du Kivu a déjà enregistré quatre affrontements impliquant les Forces armées burundaises en 2022, soit plus qu’aucune autre année depuis sa création.
Ces combats leur ont permis de déloger les RED-Tabara de certaines de leurs bases. Mais ils ont aussi provoqué de très importants déplacements de population. Alors, pourquoi le gouvernement burundais a-t-il décidé de déclencher des opérations d’une telle envergure maintenant ?
D’abord, le Burundi et le Rwanda ont fait des pas importants vers une réconciliation l’année dernière : en juillet, Kigali a livré 19 rebelles burundais à Gitega, et en octobre, c’est Gitega qui a livré 11 rebelles rwandais à Kigali. Les RED-Tabara semblent aujourd’hui avoir perdu tous leurs soutiens à Kigali, faisant de ce groupe une proie beaucoup plus facile pour l’armée burundaise.
Ensuite, ces derniers temps, Kinshasa s’est montrée particulièrement ouverte à laisser des armées étrangères opérer sur son sol, voire à leur sous-traiter la traque des groupes armés étrangers. Comme nous l’avons dit en introduction, l’armée ougandaise est officiellement présente en RDC depuis la fin novembre. Et selon une source diplomatique, Kinshasa aurait informé les gouvernements rwandais et burundais que ce type de solution pouvait également être négociée avec eux.
Il est possible que Gitega se soit sentie autorisée à intervenir à son tour sur le sol congolais. En privé, certains officiels congolais reconnaissent la présence de ces hommes, tout en affirmant qu’elle n’est pas autorisée. A ce jour, Kinshasa n’a en tout cas pas protesté publiquement, ni n’est intervenu pour tenter de forcer l’armée burundaise à quitter le Sud-Kivu.
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