Craignant une éruption limnique, le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le lieutenant-général Constant Ndima, a diffusé un message sur les ondes de la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC) pendant les premières heures de ce jeudi 27 mai 2021, ordonnant une évacuation obligatoire de la population dans 10 des 18 quartiers de la ville de Goma, identifiés comme étant trop exposés au cas où cette éruption surgissait.
Après l'éruption fissurale de Nyiragongo le 22 mai dernier et qui n'avait duré que quelques heures, mais détruisant au passage 17 villages dans le territoire de Nyiragongo et causant des dégâts importants tant humains que matériels à Goma, plusieurs séismes ont été enregistrés dans toute la région, jusque dans le lac Kivu, mais aussi une déformation du sol dans la partie Ouest de la ville, proche de l'hôpital général et du Mont Goma.
Pour le gouverneur Constant Ndima, ce scénario n'exclut pas l'instrusion du magma sous la zone urbaine de Goma et sous le lac Kivu, faisant craindre le risque d'une catastrophe majeure.
"On ne peut actuellement pas exclure une éruption à terre ou sous le lac Kivu qui pourrait advenir sous très peu, voire sans aucun signe précurseur", a expliqué le général Constant Ndima.
Et de poursuivre : "Des risques supplémentaires sont liés à l'interaction entre la lave et l'eau du lac (...), déstabilisation du volume de gaz dissous sous le lac Kivu et émission de gaz en surface potentiellement dangereux".
Lien entre le lac Kivu et une éventuelle éruption
Selon plusieurs analyses de scientifiques, le cratère du volcan Nyiragongo (son lac contient en temps normal 6 millions de mètres cubes de lave, assez pour remplir 2.500 piscines olympiques) s'est effondré le 22 mai dernier. Mouvement qui était à la base de la vidange du lac de lave à travers des fissures créées dans le flanc de la montagne. Une autre partie de la lave aurait fait une intrusion dans le fin fond du cratère à plus de 700m. C'est cette lave qui serait à la base des activités sismiques enregistrées dans la region, jusque dans le lac, après s'être propagée. Pareil événement ne s'était pas passé en 1977 et en 2002. Pendant ces éruptions, il s'était passé seulement une vidange du cratère vers la surface.
Quant au lac Kivu dont la ville de Goma est construite aux abords, il est trop dangereux, car il contient 1.000 fois de gaz dissous que le lac Nyos et Monoun du Cameroun, dont les éruptions avaient provoqué la mort de 1.800 personnes respectivement en 1984 et 1986, suite à l'émission brutale d'une grande quantité de CO2.
"Il contient mille fois plus de gaz dissous que le lac Nyos, et pourrait provoquer une émission gazeuse, en cas de déstabilisation de ses eaux stratifiées par une éruption volcanique par exemple", explique Michel Halbwachs, professeur de physique à l'université de Savoie en Suisse, qui a étudié le site pendant plusieurs années, avec trois autres chercheurs du Limnological Research Center de Kastanienbaum (Suisse), dont l'étude fut publiée dans la revue Geochemistry, Geophycs, Geosystems le 26 juillet 2005.
"Le méthane représente le vrai danger, car il est vingt fois moins soluble que le C02. Avec vingt fois moins de gaz, on approche plus vite de la saturation. Or, des mesures réalisées sur le lac Kivu ont montré que le taux de méthane avait augmenté de 15 % depuis 30 ans et que la saturation serait acquise d'ici à la fin du siècle", explique Michel Halbwachs.
Il sied de rappeler que c'est depuis janvier 2020 que la phase pilote du dégazage du golf de Kabuno (zone du lac entre le Nord-Kivu et le Sud-Kivu où une forte concentration du gaz est remarquable) avait été lancée par l'ancien ministre des hydrocarbures Rubens Mikindo. Après cette étape, plus rien avait suivi. C'est seulement le 26 mai dernier que le nouveau ministre des hydrocarbures, Didier Budimbu, a réuni le secrétaire général de son ministère et le directeur général du BCCO pour discuter sur la suite dudit projet.
Bienfait Luganywa