Etienne Tshisekedi sera élevé demain samedi à la qualité de Héros National de la RDC. Au-delà de la polémique légitime que cette distinction peut provoquer dans l’opinion, je me fais le devoir de rappeler que l’homme avait acquis ces lettres de noblesse depuis bien longtemps : en effet, c’est depuis le 17 janvier 1988 qu’il est entré dans le cœur de millions des Congolais comme "le héros", celui qui, à l’instar d’un Moïse sortant les Hébreux de l'esclavage en Égypte, les conduit vers la Terre promise, guide son peuple vers la liberté.
A la création de l’UDPS en février 1982, un problème devait finir par se poser : la désignation du président de la nouvelle formation politique qui se destine à s’opposer au Maréchal Mobutu. Un des treize parlementaires, le Pr Makanda Mpinga Shambuyi, en fin stratège, craignait un fratricide affrontement entre deux fortes personnalités : Joseph Ngalula Mpandanjila, doyen du groupe, et Etienne Tshisekedi wa Mulumba, la personnalité charismatique de l’équipe. Makanda s’était sans doute rappelé l’affrontement mémorable entre les fils du Sud-Kasaï pour la désignation du ministre qui devait représenter la province dans le premier gouvernement du général Mobutu en décembre 1965.
A l’époque, le général putschiste avait demandé à chaque caucus parlementaire provincial de lui désigner un candidat-ministre. Ça se passa bien partout sauf au Sud-Kasaï. Pas moins de cinq candidats étaient alignés et nul ne voulait céder sa place à un autre : l’ancien Empéreur du Sud-Kasaï Albert Kalonji Ditunga, son ancien Premier ministre Joseph Ngalula, le député Tshala Muana, et le jeune élu Etienne Tshisekedi. Ce dernier refusa de s’incliner même devant son mentor en politique, le Mulopwé, dont il avait été ministre de la Justice e 1961 ! Il fallut une intervention du gouverneur Jonas Mukamba auprès du Premier ministre, le général Léonard Mulamba, pour procéder par élimination et garder la candidature du seul Etienne Tshisekedi.
Aussi Makanda proposa-t-il de désigner consensuellement au poste de président de l'UDPS le fondateur qui occupait dans le parti-Etat le rang protocolaire le plus élevé. Elu Commissaire politique en 1977, Frédérique Kibassa Maliba s’imposa tout seul.
On lui adjoignit ensuite le même Joseph Ngalula comme premier vice-président, Marcel Lihau Ebwa la Molengo comme deuxième vice-président et Vincent Mbwankiem Niaroliem comme troisième vice-président. Etienne Tshisekedi, lui, dût se contenter d’être un secrétaire national comme beaucoup d’autres.
Mais en cette année 1988, l’UDPS est en lambeaux. Nombreux parmi les fondateurs ont abandonné la lutte. Les derniers résistants, les Kibassa, Mbuankiem, Ngalula, ont intégré le Comité Central, le cœur du pouvoir MPR. Marcel Lihau est loin, à Boston aux USA. Reste Etienne Tshisekedi. Qui décide alors l’acte le plus téméraire jamais enregistré dans Kinshasa sous le régime Mobutu : tenir un meeting à la place Pont Cabu, le 17 janvier, jour anniversaire de la mort du Héros national Patrice Emery Lumumba. Des milliers des Congolais firent le déplacement, mais la répression fut au rendez-vous : des morts, des disparus, des blessés furent comptabilisés. Arrêté, maltraité, passé à tabac, Etienne Tshisekedi fut jeté, inconscient et tel un sac de maïs, dans une lugubre cellule de la prison de Makala où se trouvait un malfrat de renom, Bolamba. Ce dernier prit soin de lui, lui lava ses blessures et le rangea sur le lit.
Tshisekedi fut même traîné jusqu’au CNPP afin que des médecins puissent attester qu’il est fou ! Le certificat signé, sous la contrainte par l’un d’eux nous fut brandi en début des journaux télévisés de l’OZRT, ancêtre de l’actuelle RTNC.
Quelques jours plus tard, Etienne Tshisekedi est traîné à la Cour de surêté de l’Etat à l’Assanef, chemise maculée de sang, pour y être jugé. Des milliers des Congolais avaient pris d’assaut l’avenue du 24 novembre pour le soutenir. Il y'eut affrontements entre la police et les troupes prétoriennes de Mobutu, DSP et Garde civile, jets de pierres contre tirs à balles réelles. C’est ce jour-là que fut prise cette photo entrée dans la légende.
Ce jour-là, il devint le vrai patron de l’UDPS dans le subconscient collectif du peuple, la seule référence du combat démocratique au Zaïre, le guide qui montre le chemin. Ce jour-là, versant son sang pour la liberté, il devint, pour des millions des Congolais, le Héros. Tout simplement !
Belhar Mbuyi