Sur la tribune du CINEF 2015

Lundi 8 juin 2015 - 08:38

La nigériane Omotola Jalade: « l’industrie du film peut booster l’économie d’un pays… »

La deuxième édition du festival du Cinéma au féminin Cinef s’est clôturée samedi sous une bonne note d’encouragement pour des jeunes cinéastes et des perspectives pour le développement du cinéma africain. Comme au premier Festival international du cinéma de Kinshasa (Fickin), en 2014, CINEF a donné les prémices de la renaissance du cinéma en République démocratique du Congo.

La deuxième édition du Cinef a pris sa vitesse de croisière après la première expérimentale. Ce festival a mis sous les projecteurs les films des femmes d’ici et d’ailleurs. Sur initiative de l’association des femmes cinéastes congolaises, Cinef a constitué aussi à une tribune de réflexion sur l’avenir du cinéma congolais.

L’expérience de Nollywood

A la soirée de clôture, la cinéaste nigériane Omotola Jalade, une des étoiles de Nollywood, a encouragé ses homologues congolais de ne pas baisser la garde face aux défis de la production cinématographique. Elle est partie de l’expérience de la montée en flèche de Nollywwood sur le plan international. D’après l’oratrice, l’industrie du cinéma nigériane, Nollywood vient à ce jour en soutien au Gouvernement au Nigéria. « Nollywood n’a pas commencé avec le soutien du Gouvernement. J’exhorte les cinéastes congolais de ne pas toujours atteindre un quelconque soutien du Gouvernement parce que jusque-là, il ne voit pas le pouvoir du cinéma. En 2014, le Gouvernement a constaté que l’économie du Nigéria a été d’un coup renfloué entre autres par l’industrie du Cinéma… », a expliqué l’artiste nigériane. Pour Omotola Jalade, l’industrie du film peut booster l’économie d’un pays… Nollywood est le deuxième contributeur dans le développement du Nigéria après le pétrole. « Je voudrais vous encourager. Cette performance n’est pas arrivée par hasard. C’est par le travail … », a lâché Omotola Jalade à ses homologues congolais.

Ce n’est pas un secret pour personne, à ce jour, l’industrie cinématographique du Nigéria Nollywood est le troisième plus gros producteur de films à domicile au monde. Il y a beaucoup de personnes qui ont pris avantage de cette énorme industrie pour se créer une richesse considérable. Notons que l’une des invitées du Cinef, Omotola est une star continentale. Elle figure au nombre des personnalités les plus influentes au monde. Le Times Magazine le mentionne noir sur blanc sur sa liste Time 100 publiée en 2013 et en 2014. Jeune Afrique l’a classé parmi les « 50 influents » du continent. Tournant à Nollywood, son palmarès est très remarquable. Elle a joué dans plus de 300 films.

Les cinéastes plaident pour la renaissance du cinéma congolais

Tshoper Kabambi, cinéaste, producteur et directeur du festival international du cinéma de Kinshasa a donné son avis sur cette question de la renaissance du cinéma congolais en ces termes : « En fait les difficultés sont les mêmes comme partout dans le monde. Mais la plus grande difficulté que nous avions ici, c’est l’inexistence d’une structure ou encore d’une culture cinématographique au niveau de la population.

Donc il faudrait commencer par réhabituer la population au cinéma, parce que, évidemment, ils connaissent les films, mais ils s’arrêtent à la télévision. Le cinéma, c’est autre chose et la culture cinématographique en est aussi une autre. Il faut également essayer de mettre en place des structures qui accompagneraient les productions cinématographiques en RD Congo ».

D’où l’intérêt soulevé par certains cinéastes de relancer des cinés club à travers la ville de Kinshasa pour faire raviver une culture cinématographique auprès de la population kinoise, il en est de même pour d’autres provinces de la RD Congo.

Dans la même approche, il est aussi question de la mise sur pied d’une politique pour la visibilité des cinéastes et de leurs œuvres. Pour les cinéastes, il est question ici de la création d’une plate-forme multimédia pour la diffusion des productions cinématographique en RD Congo. Cette plate-forme va servir d’une tribune d’échanges entre opérateurs du monde du cinéma et autres cinéphiles.

Confrontés au manque de salles de cinéma et d’une filière de production bien structurée mais toutefois le cinéma congolais a une lueur d’espoir avec le dynamisme des jeunes cinéastes qui sortent des rues de la ville de Kinshasa avec pour la plupart des matériels de seconde main et autres moyens de bord.

Les jeunes cinéastes congolais croient à la renaissance du cinéma congolais. Toutefois certaines questions restent pendantes. L’industrie du film congolais et un peu partout en Afrique a de la faiblesse s’il est financé de l’extérieur. Les donateurs indiquent la démarche à suivre dans la réalisation d’un film. Ceux qui financent, veulent le sensationnel…

Ils ont tendance à attirer les gens sur les images négatives de l’Afrique. Cette approche de chose est dégradante pour l’Afrique. En effet, le cinéma africain en général et congolais en particulier doit renaître sur des nouvelles approches plus objectives. A ce jour, il est question de mettre un fonds pour la promotion cinématographique. Cette approche a été évoquée lors d’une journée de réflexion dans la tribune de Fickin.

En réalité, les besoins sont les mêmes en Afrique. C’est dans cette option, d’une part, que les Etats africains par l’entremise de leur ministère de la culture où équivalant doivent mettre les bouchés double. Et d’autres parts, les cinéastes doivent réaliser des films qui parlent de la culture africaine. Jusqu’ici, les cinéastes africains ont fait des films conformément à la volonté des bailleurs et avec une ligne esthétique qui plait à l’Occident », constatent certains observateurs avertis de la question.

Et dire que le Cinéma africain bien exploité peut servir de vecteur des valeurs des civilisations africaines. Tshoper Kabambi, cinéaste, producteur et directeur du festival a retenu aussi l’attention des participants aux ateliers Fickin sur la prise en compte de certaines valeurs de la culture africaine dans la réalisation de film. Notons que Tshoper Kabambi a pris une part active au Cinef 20115 par l’exposition ventre de certaines de ses œuvres cinématographiques.

Du sensationnel sur la misère des autres

Le cinéma congolais doit renaître de ses cendres. Cette renaissance implique la mise sur pied d’un fond conséquent pour sa relance. A ce jour lorsqu’on parle des images de la RD Congo, celles-ci se résument sous forme des stéréotypes axés sur les violences, la misère, la guerre, quartier obscur, enfants de la rue. Ce chapelet de malheur intéresse plus les objectifs de ce cinéma sensationnel sur l’Afrique. Et dire que l’Afrique en général et la RD Congo en particulier dans son étendue ne vivent pas en exclusivité de ces images apocalyptiques.

Par la renaissance du cinéma congolais, il est question d’impulser plus d’éclairage sur un cinéma plus objectif sur d’autres aspects de la vie africaine. Il faudra donc attendre de cette démarche ressortir des valeurs africaines perdues. L’orateur s’insurge encore sur la fornication sur la scène artistique qui discrédite la valeur de certaines œuvres. Surtout dans le domaine théâtral, l’art a cédé sa place à l’obscénité, à l’orgie, au nom d’une certaine performance artistique. Ces nouvelles approches artistiques énervent certains spectateurs.

(Saint Hervé M’Buy)