Toute révision de l’actuelle constitution pour permettre au président Joseph KABILA de briguer un troisième mandat à la tête de la République va briser le consensus national qui a permis la réunification du pays et la mise en place des nouvelles institutions après les guerres de l’AFDL et du RCD. Telle est la conviction de l’Ong ASADHO développée dans la lettre adressée hier au secrétaire général de l’ONU. Ce consensus n’a jamais visé l’instauration d’un régime constitutionnel où une seule personne resterait président à vie se plaint Me Jean-Claude KATENDE, président de cette Ong de défense des droits de l’homme dont la renommée a dépassé les frontières du pays depuis des lustres.
Craintes de la rupture du consensus national
Cette organisation émet de nombreuses craintes tant en direction de la communauté internationale que du peuple congolais. Il est presqu’établi, note-t-on que cette démarche poursuivie par la famille proche du chef de l’Etat va pousser la communauté internationale de se désintéresser du Congo. Alors que l’histoire retiendra à jamais tous les efforts fournis par elle pour mettre un terme aux guerres d’agression perpétrées par des Etats voisins de l’Est sous des prétextes tout aussi fallacieux que mensongers dans le but de maintenir une situation de ni paix ni guerre pour piller les ressources naturelles et déverser leurs populations en RDC. C’est toujours grâce aux interventions de cette communauté internationale que la paix, essentiellement dans les territoires de l’Est, est devenue de plus en plus « une réalité sociale et la reconstruction du pays est engagée ». Qui oublie que c’est grâce à la MONUC et ensuite à la MONUSCO que les FARDC sont parvenus à mettre fin aux différents conflits qui ont endeuillé le pays depuis 1994 permettant de créer les conditions nécessaires à l’établissement d’un régime démocratique.
Pour l’ASADHO, ce consensus national résulte de l’Accord Global et Inclusif obtenu de haute lutte lors des négociations politiques inter congolaises de Sun City. Lesquelles ont élaboré les lignes directrices de cette constitution de 18 février 2006 qu’un groupe politique voudrait réviser pour permettre à Joseph KABILA de se représenter pour un troisième mandat. ASADHO rappelle l’un des passages les plus marquants du discours prononcé par Léon KENGO Wa Dondo, président du Sénat lors de la cérémonie officielle de l’ouverture de la session d’octobre de la chambre haute : « je note que la Constitution de 18 février 2006 est issue du compromis politique historique de Sun City, à savoir l’Accord Global Inclusif. Les éléments de ce compromis sont repris dans l’Exposé des motifs et transposés notamment dans l’article 220 ». Le même accord global et inclusif visait l’organisation des élections libres et transparentes permettant la mise en place d’un régime constitutionnel démocratique.
Ne touche pas à l’article 220
Il n’est donc pas acceptable que certains acteurs politiques congolais s’amusent à créer des conditions de nature à favoriser des nouveaux conflits sanglants dans le but de conserver le pouvoir à n’importe quel prix. C’est la raison pour laquelle l’ASADHO s’oppose à toute tentative de révision constitutionnelle ou de la rédaction d’une nouvelle constitution, car ces deux moyens ne se basent sur aucune motivation démocratique mais tout simplement pour permettre à l’actuel président de se représenter pour un troisième mandat à l’issue de la modification de l’article 220 de la constitution.
En promulguant la constitution de février 2006, l’actuel chef de l’Etat et ses partisans savaient pertinemment que le mandat du président de la République est de cinq ans renouvelable une seule fois. Cela pour consolider le principe de l’alternance. Peut-on oublier que l’une des causes de la guerre de l’AFDL était le fait que le régime du MPR-Parti Etat avait conservé pendant 32 ans grâce aux incessantes modifications des constitutions ? Ensuite, qui ignore que le Congo a souffert d’une crise politique suite au conflit de légitimité entre Joseph KASAVUBU et Patrice LUMUMBA avec un bilan macabre des 500.000 morts sans oublier les destructions des infrastructures industrielles, agropastorales, économico-financières, les viols massifs et pillages des ressources naturelles ?
C’est la raison pour laquelle l’ASADHO émet la crainte de voir surgir d’autres conflits sanglants à la suite des multiples appels faits par certains acteurs politiques à recourir à l’usage de l’article 64 de la constitution au cas où la majorité en arriverait à imposer la révision des dispositions de l’article 220 relatif à la durée et au nombre des mandats du président de la République. Cet article 64 stipule que : « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente constitution ». Autrement dit, il s’agit d’un appel à protéger la constitution et sauver la démocratie par la résistance populaire. Or, indique cette lettre signée par Me Jean-Claude KATENDE, il est fort possible de voir les forces de la Police et des FARDC réagir avec violence comme il en avait été le cas lors des contestations populaires des résultats de l’élection présidentielle et législatives de novembre 2011.
F.M.