Les ténors de la balkanisation n’ont jamais désarmé. Le déplacement vers Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, des troupes de la Monusco ne va dans le sens de ramener la paix dans cette partie du territoire national. Au contraire, comme en Yougoslavie ou au Soudan, les Nations unies sont mises à contribution pour rééditer cette thérapie d’éclatement en RDC. Le regain de l’insécurité dans la ville de Goma participe de la mise en œuvre d’un plan de démantèlement de la RDC.
Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, vit dans la peur. Il ne se passe pas un seul jour sans que l’on signale une attaque à mains armées. Plusieurs cas d’insécurité ont été enregistrés dans la ville de Goma le week-end du 5 au 6juillet dernier, rapporte radio Okapi. Deux personnes, indique la même source, ont été tuées, plusieurs autres blessées et des bandits capturés au cours de plusieurs attaques à mains armées dans la capitale du Nord-Kivu.
La Société civile locale est montée au créneau, condamnant la passivité des forces de l’ordre. Plusieurs habitations ont été visitées par des bandits armés, sans que la police, appelée à plusieurs reprises, ne se présente, s’indigne la Société civile. Très présente dans la région, la Monusco brille également par son absence. La population se trouve abandonnée par ceux-là même qui sont censés la protéger.
Dans toutes les zones d’instabilité, le scenario est presque identique. Plus loin au Nord de Goma, jans l’ territoire de Beni, la désolation se vit au quotidien. Là aussi, les Forces armées de la RDC, qui y sont déployées dans le cadre des opérations de traque des rebelles rwandais de I’ADF, assistent inoffensives aux massacres des populations locales. Les troupes de la Monusco, également présentes dans la région, sont tout autant dépassées par l’ampleur des événements. Dans l’opinion, des voix s’élèvent pour fustiger la passivité des uns et des autres. Il y a une logique du chaos qui se met en place dans cette partie névralgique de la RDC.
LE DESSOUS DES CARTES
En réalité, l’Est de la RDC est toujours resté le champ de prédilection dans la mise en œuvre du plan de balkanisation de la RDC. En effet, c’est dans l’Est que les tenants de ce projet macabre pensent concrétiser leur vieux rêve. Au point qu’aujourd’hui la balkanisation de la RDC n’a jamais été un dossier classé. L’insécurité, délibérément entretenue dans le Nord-Kivu, tient à cette logique. A Beni, où plus de 300 personnes sont tuées depuis octobre 2014 dans une atrocité innommable, tout comme à Goma où une vague d’assassinats ciblés gagne la ville, tout ne se tient que par un seul schéma : créer la psychose en vue de baliser la voie à la balkanisation. Et la Monusco dans tout ça ?
En effet, depuis l’accord de Lusaka en 1999, les Nations unies se sont ouvertement inscrites dans la stratégie de démantèlement de la RDC dans ses frontières héritées de la colonisation. Dans son ouvrage «Kabila et ta révolution congolaise. Panafricanisme ou néocolonialisme », le Belge Ludo Martens partage pleinement ce point de vue. Il est convaincu que l’accord de Lusaka « vise la division et la partition du Congo ». Il prend pour preuve le Protocole d’accord de ce texte qui «parle dans son préambule de la nécessité de la mise en place d’un nouvel ordre politique en RDC et de la mise en place de nouvelles institutions ».
Compte tenu du grand piège dans lequel s’est enfermée la RDC depuis juillet 1999, date de signature de l’accord de Lusaka, Ludo Martens note que « la route vers la libéralisation totale du peuple congolais est encore très longue... ». Révélant le «plan américain pour diviser le Congo », Ludo Martens rappelle que, dans l’entendement des Etats-Unis, «en ce mois de juillet 1999, l‘existence même du Congo est en jeu. Ce sont les Américains qui ont leurs alliés, l’Ouganda et le Rwanda, dans une guerre destructive contre le Congo ».
La stratégie des Etats-Unis, décryptée par Ludo Martens, est bien définie : « Il vaut mieux laisser les guerres civiles africaines se développer et permettre que le Rwanda et l’Ouganda interviennent militairement au Congo. Ainsi, les Africains eux-mêmes diviseront le Congo et l’Afrique centrale atteindra ainsi une nouvelle stabilité ».
Pierre Péan, dans «Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique », abonde dans le même sens. Après avoir décrit le drame qui s’abat sur la RDC, suivant le plan convenu entre les grandes puissances du monde, Pierre Péan s’exclame : « Pauvre Congo qui depuis l’indépendance, fait 1 ‘objet de la convoitise de grands vautours qui n ont de cesse de chercher à le dépecer !» Il cite à ce propos Albrecht Conze, diplomate allemand et ancien directeur politique de la Monuc, qui rappelait déjà à l’époque que « la RDC en tant qu‘objet de convoitises étrangères, en tant que proie des pilleurs de matières premières, est structurellement et moralement tombée si bas qu’on doit compter d’ici à une dizaine d’années avant d’escompter une amélioration tangible de sa situation ».
TOUT SE TIENT
17 ans après l’accord de Lusaka, la RDC se trouve toujours dans l’engrenage dans, lequel avaient décidé de l’enfermer la communauté internationale. Tous les accords qui se sont succédé depuis juillet 1999 s’inscrivent dans le schéma de la balkanisation. Et la Monusco, qui est une émanation directe de l’accord de Lusaka, travaille pour concrétiser le plan prévu depuis la capitale zambienne.
L’on ne peut donc pas s’étonner du regain de l’insécurité qui gagne de plus en plus les territoires de l’Est de la RDC.
Depuis toujours, le monde occidental a rêvé de détacher cette partie du reste de la RDC. En décidant de recentrer toute son action à l’Est, la Monusco s’inscrit ouvertement dans cette logique. Les, ilots de stabilité, ces «no man’s land» qu’elle développe depuis 2013 dans l’Est de la RDC rentrent dans le cadre de la phase opérationnelle de ce plan de balkanisation. Ce n’est pas pour rien que c’est à Walikale, grande réserve des terres rares (coltan et autres), que la Monusco a commencé à expérimenter cette stratégie de création des ilots de stabilité.
Un rapport de la CIA publié en 2013 sous le titre « Le monde en 2030 vu par la CIA» est plus évocateur à ce sujet. Ce document note que, pour la CIA, la RDC fait partie, à côté de l’Afghanistan et de la Somalie, de ces pays «actuellement vulnérables ou fragiles qui resteront probablement très vulnérables au cours des 15-20 prochaines années ». C’est tout dire. C’est la preuve que la pieuvre qui ronge l’Est de la RDC n’a jamais été désactivée. Elle est toujours à l’œuvre. Toute la vague d’insécurité, couplée aux tueries en masse qui ravagent cette partie de la République, procèdent de cette théorie de chaos. Cette stratégie consiste, à affaiblir davantage l’Etat l’autorité avant de la faire disparaitre. Ce qui pourrait bien faire le lit à la balkanisation. Comme solution: le peuple doit se mobiliser et redoubler d’efforts pour faire échec à ce plan diabolique.
Par LE POTENTIEL