RD Congo -Comment Freddy Matungulu compte «Guérir» la Mère-Patrie

Mercredi 25 novembre 2015 - 06:43

Lentement mais sûrement, la République Démocratique du Congo (RDC) s’avance vers les échéances électorales de  2016. Assurément, pour une fois dans l’histoire de ce pays, il devrait y avoir une passation de pouvoir pacifique entre un président sortant et un nouveau locataire au Palais de la Nation. Ce dernier pourrait être Freddy Matungulu !

L’espoir redevient possible en RDC depuis les tristes événements de janvier 2015 à Kinshasa et dans certaines autres grandes villes du pays, au cours desquels la majorité silencieuse a secoué la rue face à un projet de loi électorale-piège conditionnant la tenue des élections à une hypothétique réalisation du recensement général de la population.

En effet, une nouvelle vision politique pourrait voir le jour dans notre pays où, dans le passé, rares ont été des personnalités de la trempe d’un certain Vincent de Paul Lunda Bululu qui avait démissionné de son poste de Premier ministre en 1991; ce qui était une première chez nous. Lui emboîtant le pas, Freddy Matungulu a rendu le tablier, en février 2003, sans tambour ni trompette lorsqu’il s’est senti dans l’incapacité d’exercer patriotiquement ses prérogatives de ministre des Finances.

La prochaine élection présidentielle devrait consacrer le retour tant attendu en RDC de cette conception et cette pratique responsables de la gestion de la chose publique, du sens élevé du pouvoir au sommet de l’Etat.

La méditation, pas  la fête

L’on se rappellera qu’après avoir prêté son serment constitutionnel de nouveau ministre, en avril 2001, Freddy Matungulu avait consacré le reste du jour à la méditation, préférant faire l’impasse sur toute fête ou réjouissance de circonstance.

Le lendemain de sa démission, il reprenait son avion, en silence, comme il était venu, pour retrouver son poste de haut fonctionnaire au Fonds monétaire international (FMI). Nous sommes en 2003. Freddy Matungulu venait de passer deux ans à la tête du Ministère des Finances dans le premier gouvernement de Joseph Kabila.

Avant cette démission, pour avoir tenu mordicus à la bonne tenue des comptes de l’Etat, le ministre avait été embarqué manu militari dans ce qu’on appelle à Kinshasa un taxi-bus,  à sa descente d’avion en provenance de Lubumbashi où il était allé en mission de service, à destination du Palais de Marbre pour y subir un interrogatoire peu courtois.

En dépit de tout cela, Freddy Matungulu n’a diabolisé personne. Alors que, s’étant retrouvé au pays de l’Oncle Sam, il pouvait en profiter pour renvoyer l’ascenseur à ses adversaires politiques, cela n’a pourtant pas été le cas. Décidément, il est énigmatique, ce Freddy Matungulu ! On ne peut qu’avoir de l’admiration pour cet homme qui a fait ses preuves aussi bien dans les auditoires de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), comme professeur, qu’au FMI où il  a occupé de grandes responsabilités.

Le passage de Matungulu au Ministère des Finances de notre pays a laissé le personnel  de ce département et les Congolais sur leur soif. Il a travaillé dur comme un «Flamand». On note à son actif entre autres l’exécution en un temps record d’un ambitieux programme de stabilisation macroéconomique, la maîtrise de l’inflation et le retour de la croissance après deux décennies de contraction de l’économie.

Grâce à l’action innovatrice du ministre Matungulu,  la chute vertigineuse et quotidienne de la devise nationale, du Zaïre-monnaie au Franc congolais en passant par le Nouveau Zaïre, a finalement été reléguée aux oubliettes.

La coopération multilatérale entre la RDC, la Banque mondiale et le FMI était rétablie après des années de crise ; et le Congo est redevenu fréquentable. Fréquentable, oui mais toujours habité par ses vieux démons de la corruption et du népotisme. Incorrigibles, les tenants du statu quo ont, en effet, bataillé dur pour se débarrasser de ce ministre qui les dérangeait tant !

Dans cet environnement impossible à travailler, l’enfant de Lubembo choisit l’honneur en démissionnant.

Comme en témoignent ses nombreux anciens collaborateurs, la corruption, le favoritisme et le népotisme n’ont jamais existé dans la tête de Freddy Matungulu. Ce qui force le respect dans notre pays où l’enrichissement illicite a fait malheureusement école, des décennies durant, avec pour conséquence une oligarchie honteusement riche face à une des populations comptant parmi les plus pauvres de la planète.

Itinéraire d’un pur produit congolais

Freddy Matungulu est un pur produit congolais. Un produit de grande valeur, un produit d’exception. Un petit regard en arrière édifie.

La question que d’aucuns peuvent se poser est de savoir d’où vient Matungulu ? Est-il un vrai Congolais ?  Freddy Matungulu est né de père et de mère congolais, le 4 janvier 1955, dans la localité de Lubembo, district du Kwilu, dans le Bandundu.

C’est à l’âge de deux ans que le jeune Matungulu débarque à Banningville en 1957. Le Congo est encore belge. A l’époque, le système éducatif y est d’une rare efficacité, animé par un noyau d’enseignants congolais dévoués, appuyés par des collègues de la coopération belge.
De son école primaire, Freddy Matungulu retient une anecdote en 2ème année : «Le maître avait tellement confiance en moi qu’un jour, alors qu’il se tenait en dehors de la classe et que les élèves chahutaient à l’intérieur, il a puni tout le monde à son retour dans la classe…sauf moi ! ».

Voilà qui donne de lointains indices sur le caractère exceptionnel de cet enfant. L’étoile de leader sérieux brille très tôt chez le petit Freddy, et son aura est déjà perceptible à ce jeune âge. C’est un enfant qui se distingue des autres tout simplement.

Ce n’est sans doute pas un hasard qu’il est chef de promotion aussi bien à la fin des études secondaires à l’Institut Saint Jean-Baptiste de la Salle (aujourd’hui Institut Kikesa), à Bandundu, qu’au terme de sa licence à la Faculté des Sciences Economiques à l’Université de Kinshasa (Unikin).

Freddy Matungulu garde toujours un excellent souvenir du Professeur Bongoy Mpekesa qui avait tant insisté, en 1977, pour que le jeune licencié en Sciences Economiques reste à la faculté comme assistant.

Bouger les lignes politiques

L’annonce de la retraite anticipée de ce technocrate du FMI peut être considérée comme un moment de «game changing». Cela va sans doute changer la donne dans le microcosme politique congolais.

De Kinshasa à Kisangani, de Matadi à Lubumbashi en passant par Goma et Kikwit, on parle de plus en plus de ce potentiel candidat adulé par les intellectuels, et que le grand public congolais se prend de plus en plus à apprécier.

Des cercles spontanés de soutien en sa faveur voient le jour aussi bien au pays qu’à l’étranger. Beaucoup vont sans doute revoir à la baisse leurs prétentions présidentielles, car Freddy Matungulu n’est pas né de la dernière pluie.

A l’instar de son aîné Ouattara qui est en train de transformer la Côte d’Ivoire, ce professeur des sciences économiques a vraiment le profil d’un nouveau type de chef d’Etat dont notre pays a grandement besoin.

Il est l’un des rares Congolais potentiels aspirants à la magistrature suprême à avoir les mains propres en dépit de sa longue implication dans la gestion de divers aspects de la vie nationale.

Il n’est ni ancien rebelle, ni Kuluna en cravate. Il a été ministre au sens premier du mot latin «minister» qui veut dire «serviteur». Il a servi et rendu le tablier aussitôt après quand les conditions de travail n’étaient plus propices. Il n’a jamais été partisan de la pratique congolaise de «Ku basadilanga Ku badilanga» (qui travaille à l’hôtel, mange à l’hôtel !).

Il n’a jamais dîné avec le diable, question de principe. Il est très pondéré, choisit bien ses mots par respect à tout interlocuteur, mais sait très bien défendre son point de vue. Qui plus est, il a l’allure d’un «grand-prêtre» – pas dans le sens kinois de l’expression – mais de grand-prêtre catholique, donc un évêque par le timbre de sa voix et par l’expression rassurante de son visage.

«Il suffit de lui faire porter une soutane pour courir aller se confesser devant lui», a dit avec humour un internaute qui l’a récemment découvert  s’exprimant lors d’une interview.

Une chose est vraie, Freddy Matungulu a une vision d’un Congo grand, fort et réellement démocratique. Sa vision pour le Congo est celle d’une nation d’intègres bosseurs récompensés à leur juste valeur ; un pays qui sache vivre et pratiquer la méritocratie. De son éducation antérieure, il a gardé le sens de la rigueur au travail.

Dans cette Afrique où l’on n’est souvent «respecté» en politique que quand on se présente avec un bataillon de milices derrière soi, plus qu’avec des idées, Freddy Matungulu n’ira pas au-devant des Congolais avec une armée d’enfants-soldats, car il est convaincu que la place des enfants est à l’école. Son armée à lui, c’est la majorité silencieuse qui est assoiffée du changement vrai et du mieux-être dans un pays qui en a le potentiel.

Les idées fortes de son programme

Alors quand vous posez la question au professeur Matungulu  au sujet de ce qu’il entend par «servir le pays», il vous donne une réponse qui donne toute la mesure de sa personnalité et de son rêve pour cette nation congolaise qui a fait de lui ce qu’il est devenu et qu’il tient à servir:

«Pour moi, servir le pays en tant que chef de l’Etat, c’est mettre en place un environnement qui permette à tous les Congolais, à commencer par ceux qui sont au bas de l’échelle, de se sentir et d’être impliqués dans la conduite de la nation; de mettre leurs talents au service du pays.

Cela suppose la création d’une société ouverte au débat, à la pluralité des idées et des opinions; dans laquelle le vote  refléterait réellement les choix politiques des électeurs. L’obligation pour les dirigeants de rendre compte doit être un pilier fondamental d’une telle nouvelle société congolaise.

La sanction des dirigeants par la population en serait un deuxième élément crucial. Plus personne ne serait au-dessus de la loi. C’est dans ce contexte que la corruption et les abus de pouvoir seraient plus efficacement combattus. Le Congo redeviendrait ainsi un Etat de droit, respectable.

La respectabilité retrouvée du pays et de l’Etat, aux plans intérieur et extérieur, favoriserait le retour des investisseurs, y compris les compatriotes de la Diaspora, et la création d’emplois nouveaux, générateurs et porteurs de revenus stables pour nos populations, dans tous les grands secteurs de l’économie.

C’est à ces conditions que la croissance deviendrait inclusive, partagée, et bénéficiant à la majorité de la population ; et que la RDC retrouverait sa respectabilité internationale aujourd’hui perdue».

Lorsqu’on interroge ceux qui ont connu Freddy Matungulu dans son enfance et dans sa jeunesse, il y a ceci qui revient comme un refrain : le sérieux dans les études et dans la vie de tous les jours. Ce que lui-même confirme :

«J’étais un enfant très sérieux, assidu, extrêmement discipliné, systématiquement le premier ou parmi les premiers éléments de mes différentes classes – en termes de résultats scolaires. En tant que chef de classe, j’ai prononcé le discours de fin de classe de ma promotion aussi bien à la fin des humanités, à Bandundu, qu’à la fin de la licence en sciences économiques,  à l’UNIKIN !».

Moralité. Il avait en lui cette marque de leader que la nature n’octroie qu’à une poignée de personnes dans chaque génération et dans chaque nation. On peut vraiment rêver du blason redoré du Congo dans un avenir proche : à condition que les élections aient bien lieu, dans la transparence ; et que le choix du souverain primaire soit rigoureusement respecté!

(*) Nebraska, Etats-Unis