Le poète Auguy Ibanga observe les sociétés et la marche du monde dans « Genoux à terre »

Lundi 3 novembre 2014 - 17:06

La rentrée littéraire est exceptionnelle. Cette année, parmi les auteurs originaires du Congo, les romanciers ne sont pas les seuls à avoir mis sur le marché des ouvrages de qualité. Après son roman « La pauvreté de l'or », le Congolais Auguy Ibanga observe son environnement, les sociétés et la marche du monde dans son recueil de poèmes « Genoux à terre ».

Dans cet ouvrage de 31 poèmes de taille variable et considéré comme l'une des merveilles récemment publiées et que l'on se doit de parcourir, l’auteur va attirer l'attention, orienter, conseiller, encourager l'individu et la collectivité.

Il a bien entendu en point de mire la société congolaise, mais sort des frontières du Congo lorsque l'exercice d'observation  lui est imposé par la situation.

Le génie du poète a donné naissance à des intitulés qui ne laissent pas indifférent. « Amour raté, Mourir fâché, Femme battue, Chers combattants, Chérie Coco, Casse-tête, Bapion, Congolais, Sans gêne, Le chien avide, Nakoka ou encore Ah non ! ».

Chérie, finis en moi ton amour, et cela jusqu'à la mort

Parfois, l'auteur s'interroge sur une étrange réalité, sur ce qu'il voit, entend, perçoit et partage avec nous son étonnement. Comme ce « paysan d'Afrique qui fait des économies pour aller vivre dans le pays des riches ».

Etrange aussi « ce riche des pays riches qui, toute l'année, fait des économies pour aller passer, dans la nature, un mois magnifique et profiter pour vivre comme le paysan d'Afrique ». La simplicité de l'écriture permet à tout le monde de comprendre cet ouvrage.

L'amour est le moteur de la vie et, sans celui-ci, il est difficile à chacun de bâtir son existence. C'est de l'unique amour homme-femme qu'il s'agit.

« Dans quel coin se trouve ce marché où l'on vend l'amour ? A quel Dieu m'adresser pour que mon vœu soit exaucé un jour », peut-on lire.

Cette poésie redonne à la femme toute sa valeur, sa tendresse, sa beauté et s'insurge lorsque ces attributs féminins sont parfois humiliés par une lâche violence masculine.

Cette méchanceté est évidente au moment où le premier coup de poing sur la femme part et qu'elle crie : « A l'aide ! Au secours ! Venez vite ! Voisins ! ».

Quelles qu'en soient les difficultés et obstacles, tenez !

Quant à l'amour maternel, il est glorifié et « on n'injurie pas une mère ». Et même la mère-patrie Afrique ne mérite pas d'être méprisée :

« Non à l'opprobre et à l'avanie pour cette mère des nations... Dans plusieurs lectures avec abjecte frénésie, le nom de l'Afrique rime toujours avec misère... rébellion... guerre. L'Africain connaît l'astuce par laquelle on met la honte dans sa poche ».

Mais, le poète n'est pas naïf. Il reconnaît que certains Africains pensent qu'ils peuvent dormir, boire et manger sans travailler. Les mots utilisés dans plusieurs passages de cette œuvre ont de la vie.

Dans « Combattants » et « Congolais », l'écrivain tend un miroir à ses compatriotes qui ont érigé le Mal à la place du Bien et attribué ce dernier au Mal. La vertu est négligée et l'immoralité acclamée.

« Congolais, je sais que t'as du mal, tu n'arrives pas à aimer ton prochain. Essaie au moins d'aimer le travail, pense à ton lendemain ». Au besoin, c'est sans pudeur ni tendresse que l'auteur hausse le ton : « Magne-toi le cul ! Travaille ! Et bouge un peu tes fesses ».

Eternel, si tu ne le sais pas, ici sur terre

Cet écrit nous montre aussi la perversion humaine et le narrateur, craignant que Dieu n'ait encore rien vu, se précipite pour l'informer : « Tes oints, tes pasteurs et tes prophètes ont choisi de faire leur commerce en ton nom ».

Sur l'homosexualité, le poète refuse de suivre le chant de cette mode sexuelle contre-nature imposée. Prenant le lecteur à témoin, il avise Dieu : « Sache qu'aujourd'hui où je te parle, Jean, Marie, Pierre et Sarah épousent Ruth ».

Pour finir, une pédagogie se dégage par exemple lorsque, parlant des méfaits du trafic de drogue dans les cités, le poème « Wesh » dit « aux petits guetteurs de la street que la météo, c'est pas un taf ».

C'est une certitude, avec « Genoux à terre » qui est un recueil de poèmes réussi en vers et en prose,  Auguy Ibanga vient de rejoindre le cercle très fermé des poètes dont la plume a une beauté, une voix et du sens.

 

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