« Virunga » : tel est le titre d’un documentaire réalisé par Orlando von Einsiedel et produit par Net Flix et Leonardo DiCaprio. Sa première diffusion est intervenue le 7 novembre 2014. A en croire les milieux cinématographiques, le film est en course pour la cérémonies des oscars prévue ce dimanchr 22 février à Los Angeles.
Son scénario s’articule autour de la situation d’urgence qui prévaut dans le Parc de Virunga, présentement partagé entre l’exploitation pétrolière et la sauvegarde de plusieurs espèces animales rares, dont les gorilles de montagnes.
Selon les éléments recueillis par la journaliste Mélanie Gouby, qui y avait passé un long séjour entre 2012 et 2013, aux côtés du Belge Emmanuel de Mérode, Directeur de ce site proclamé « patrimoine mondial » par l’Unesco depuis 2008, de plusieurs gardes et touristes, cet espace de 790.000 hectares représente un enjeu de tous les dangers pour la RDCongo. Cette femme des médias avait noté qu’aussitôt après la décision du gouvernement congolais de signer, avec une firme étrangère, le contrat d’exploration du pétrole au Parc de Virunga, la rébellion du M23 était sortie de nulle part pour occuper, en mai 2013, Bunagana, Rutshuru, Rumangabo, Kitchanga et tant d’autres localités du Nord-Kivu, avant d’investir la ville de Goma au mois de novembre de la même année.
Il ne faisait l’ombre d’aucun doute que la « guerre » subitement imposée à la République Démocratique du Congo avait pour enjeu majeur le pétrole du Parc de Virunga. A défaut d’y accéder par des voies légales, les chasseurs de la manne pétrolière avaient choisi le passsage en force, lequel consistait à rendre la région instable et partant perméable à tous les coups tordus.
Lorsque l’on écoute et réécoute avec attention les interviews réalisées par Mélodie de Gouby, l’on est surpris d’entendre, de la bouche de certains de ses interlocuteurs européens, qu’ « il faut recoloniser le Congo ». Les partisans de cette thèse soutiennent, sans ambages, que les Congolais feraient montre d’une irresponsabilité telle dans la gestion de leurs ressources naturelles (contrats léonins, commissions illicites, détournements des fonds, corruption, clientélisme) qu’ils ne mériteraient pas de s’autodiriger.
Lâchée, l’idée de l’incapacité des Congolais à transformer leurs richesses potentielles en richesses réelles et surtout à les gérer au profit de la collectivité nationale fait du chemin. Qu’on se souvienne qu’en son temps, l’ancien président français Nicolas Sarkozy avait proposé, comme solution aux crises politico-militaires qui déchirent les Grands Lacs, la cogestion, par la RDC, de ses ressources naturelles avec ses voisins de l’Est (Ouganda, Rwanda, Burundi).
Qu’elle fâche ou pas, l’idée de voir le grand Congo rentrer sous tutelle d’une puissance occidentale ou d’un Etat d’Afrique en vue de la mise en valeur de son pétrole, son diamant, son cuivre, son cobalt, son coltan, son or, son bois, son gaz méthane, son électricité, son eau douche… trotte dans de nombreux esprits. La rébellion du M23, en dehors de son soubassement rwando-ougandais apparent, n’en est pas moins liée à la guerre du pétrole que les gestionnaires du Parc de Virunga livrent aux multinationales désireuses d’y tirer des milliards de dollars au mépris de son incomparable faune et flore.
Les Congolais pour la recolonisation ?
Les Congolais seraient-ils prêts à accepter une nouvelle recolonisation politique, économique et culturelle en vue de mieux vivre aujourd’hui qu’hier ? Retenons d’emblée que dans l’imagerie populaire, l’option est inacceptable, quelles que soient les promesses mirobolantes d’une nouvelle mise sous tutelle.
Il reste à savoir si tous ceux qui gouvernent le grand Congo fonctionnent dans la logique de l’indépendance politique et économique vis-à-vis des prédateurs des richesses nationales, qui ont toujours compté sur des complicités internes. Lorsque l’on apprend que le M23 avait occupé le Nord-Kivu pour ouvrir la voie à l’exploitation anarchique du pétrole dans le Parc de Virunga et que pareil projet, si funeste soit-il, avait reçu des « soutiens internes », l’on peut se demander si le pays n’est pas « vendu » de longue date. Tant que la RDC va continuer d’héberger de faux patriotes, la bataille du contrôle de nos ressources naturelles et de leur mise en valeur au profit du grand nombre va être difficile à gagner.
Kimp