Nouvelles provinces : et ce que redoutait Muzito arrive au galop

Jeudi 3 septembre 2015 - 10:54

RDC, Etat sans budget, sans provinces. L’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, mis en paria dans son propre parti a vu juste comme Galilée Galileo. Hélas. Une rébellion fait jour dans les nouvelles provinces. Jamais deux sans trois. Le nouveau découpage territorial est une obligation constitutionnelle. La retenue à la source des 40% des recettes à caractère national aussi. Voilà la gouvernement dans la posture d’un arroseur arrosé.

L’argent, c’est le nerf de la guerre, dit-on. Jusqu’où n’iraient pas les (politiques et milieux d’affaires) nouvelles provinces pour disposer d’elles-mêmes ? Une guerre fiscale fait déjà jour dans les provinces démembrées (Equateur, Province Orientale…Bandundu). A chacun sa petite DGI, son semblant de DGRAD, son simulacre de DGDA en fait sa douane… toutes regroupées en des structures monobloc montées de bric et de broc.

Quoique sans gouverneur, et une administration plutôt en lambeaux, les nouvelles provinces telles que l’Ituri, le Tshuapa ne veulent plus rien attendre ni entendre de leur ancienne tutelle provinciale. Des régies financières de fait sont mises en branle ça et là, dans les nouvelles provinces. Le régime fiscal s’en trouve perturbé et le climat des affaires devient, eu jour le jour délétère.

Dans l’ex-Province orientale, les transporteurs routiers ne savent plus à quelle administration fiscale se vouer. Kisangani ou Bunia? Selon nos sources, pour se restreindre à une double imposition de la taxe sur l’évacuation des marchandises, une flottille des camions remplis de divers produits agricoles est immobilisée sur la route nationale qui mène de Bunia (chef-lieu de la nouvelle province d’Ituri) à Kisangani, naguère chef-lieu de la grande Province orientale, réduit présentement à la petite province de Tshopo. Avant le démembrement de la Province orientale, la taxe de 50 dollars, apprend-on, se payait à Kisangani, au bureau central de la DGRPO, la Direction générale des recettes de la Province orientale. Pour les élus provinciaux de l’Ituri, la DGRPO doit illico presto voler en éclats, se tartiner en 4 directions distinctes comme la Province orientale a été divisée en 4 provinces. Ce que rejette ferme le gouverneur Jean Bamanisa. Qui, en réalité, n’est plus que Gouv de la Tshopo. Voilà des semaines que des opérateurs économiques de la région font le frais du bras de fer fiscal entre Kisangani t Bunia sans que Kinshasa, en fait le gouvernement central ne dise mot. Pourtant, tel un effet domino, la guerre fiscale a franchi la frontière de l’Equateur déjà instable depuis des lustres.

A l’issue d’un conseil des ministres de l’ «ancienne» province de l’Equateur qui s’est tenu mi-août 2015, le gouverneur par intérim, Sébastien Impeto, a demandé aux nouvelles provinces issues de l’Equateur (en clair aux trois autres provinces Mongala, Nord et Sud-Ubangi) de transférer les recettes qu’elles perçoivent à la Direction générale des recettes de l’Equateur, DGREG, donc à Mbandaka, qui n’est plus que chef-lieu de la nouvelle province de l’Equateur.

Le gouverneur de l’ancienne province de l’Equateur et actuel gouverneur intérimaire de la nouvelle province de l’Equateur juge inadmissible que les députés des nouvelles provinces bloquent les recettes publiques qui, selon lui, doivent aider son gouvernement à expédier les affaires courantes, en attendant la mise en place de nouveaux gouverneurs. ”Il n’y a pas de raison que les recettes soient bloquées par les députés et chefs de divisions de nouvelles provinces. Je vais répercuter la disposition du vice-Premier ministre [ et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab] qui ne leur donne pas la responsabilité de gérer les provinces financièrement mais ils doivent s’arrêter à poser des actes d’administration et de gestion”, a affirmé le gouverneur sortant de l’ex-province de l’Equateur. Réponse du berger à la bergère, les députés provinciaux de la nouvelle province du Sud-Ubangi, par exemple, disent se référer plutôt aux récents propos du conseiller juridique du ministère de l’Intérieur en charge de la territoriale, Albert Mpaka, qui avait soutenu que les nouvelles provinces sont autonomes dans la gestion de leur fiscalité. Déjà en juillet dernier, les députés provinciaux du Sud-Ubangi avaient interdit au bureau de la Direction générale des recettes de l’Equateur (DGREG) à Gemena de transférer les recettes vers Mbandaka pour permettre à leur province de disposer de moyens financiers. Dans le Bandundu morcelé en 3 provinces (Kwango, Kwilu et mai-Ndombe), la société civile locale exhorte plutôt les acteurs politiques à tempérer leurs ardeurs séparatistes et d’accorder un régime de gestion des affaires courantes à la BRB, Brigade des recettes de Bandundu, le temps de la mise en place des animateurs de nouvelles provinces. Ce que le Sankuru n’accorderait nullement au Kasaï oriental.

Dans cette nouvelle province quasi-monoéthnolinguistique, pays Tetela, le point dénominateur commun demeure l’affranchissement de la tutelle de Mbuji-Mayi. Des clivages foncièrement ancrés dans des esprits et, sans cesse attisés par des acteurs politiques, mettent déjà à rude épreuve la gestion de la future province. L’érection de Lusambo en capitale de Sankuru au détriment de Lodja qui dispose pourtant des jalons infrastructurels d’une administration a déjà fait l’objet d’une contestation officielle d’une partie des élus provinciaux de Sankuru. Le budget de l’Etat 2016 sera déterminant pour la viabilité de nouvelles provinces.
POLD LEVI