Nomination des commissaires spéciaux : le crime parfait de la MP

Mardi 3 novembre 2015 - 11:41

Le gouvernement continue son forcing dans la gestion des affaires de l’Etat. Le but ultime reste de mettre la nation congolaise devant un fait accompli par rapport aux échéances constitutionnelles de 2016. Des commissaires spéciaux à la tête des provinces, c’est ce qui arrive quand l’Opposition est distraite et la population insouciante par rapport à la marche chaotique du pays.

 

La RDC marche selon le diktat de la Majorité présidentielle (MP). Certains diront que c’est le jeu démocratique.

Mais, lorsque dans un Etat qui se veut démocratique, la Majorité au pouvoir fait tout pour écraser, voire étouffer la minorité, il y a bel et bien un problème qui doit alerter toute la société.

Il est vrai qu’en 2011, le peuple congolais avait confié - de la manière la plus irrégulière - à la Majorité le pouvoir de diriger le pays pendant cinq ans, il ne lui a pas cependant accordé un chèque en blanc qui l’exempte de tout.

 

Aujourd’hui, la MP se comporte en conquistador, prêt à tout écraser sur son passage. La MP veut avoir tout, Elle n’a de visée que sa propre survie. On nous dira que l’objectif pour un parti est de conquérir le pouvoir et le garder le plus longtemps possible. C’est en partie vrai.

 

Mais, lorsqu’un parti politique ou un regroupement politique se croit tout permis au nom de la démocratie, c’est cette même démocratie qui va droit à la dérive. C’est ce qu’il’ faut reprocher à la MP qui, obnubilée par le pouvoir, n’a de souci que la conservation et la survie après 2016 de son autorité morale, Joseph Kabila Kabange.

 

La nomination des commissaires spéciaux est l’idée première du PPRD, le parti présidentiel. Le vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur avait proposé que les provinces issues du démembrement soient dirigées par les Commissaires spéciaux nommés’ en attendant la tenue dés élections provinciales. Il a, dans sa démarche, entraîné la Cour constitutionnelle qui l’a soutenu en rendant un arrêt dans ce sens.

 

La levée des boucliers dans les différents états-majors de l’Opposition n’a pas su ébranler la détermination du patron. Avec la nomination des commissaires spéciaux dans les 21 provinces issues du démembrement, la Majorité a obtenu gain en alignant à la direction de toutes les 26 provinces de la RDC des exécutifs totalement acquis à sa cause.

 

L’ARRET QUI A TOUT HYPOTHEQUE

 

L’arrêt de la Cour constitutionnelle a donc ouvert une brèche par laquelle la Majorité s’est merveilleusement engouffrée. Très critiqué dans les milieux juridiques, l’arrêt de la plus haute instance judiciaire de la RDC a grandement ouvert la voie à la nomination des commissaires spéciaux - poste prévu nullement part ailleurs autant dans la Constitution que dans les textes réglementaires régissant la territoriale.

 

Pire, ces commissaires spéciaux ne rentrent même pas dans l’esprit de la constitution de 2006. Celle-ci dispose à son article 198 que e gouvernement provincial est composé d’un gouverneur, d’un vice-gouverneur et des ministres provinciaux. Le gouvernement provincial est contrôlé par une Assemblée provinciale. On vient de créer un monstre dans La territoriale. Il n’y a pas une autre manière d’interpréter l’ordonnance du jeudi 29 octobre 2015.

 

Un trio a été mis en place dans les 21 nouvelles provinces, avec en tête un commissaire spécial assisté de deux adjoints, l’un chargé des questions politiques, juridiques et administratives, ainsi que l’autre en charge des questions économiques et financières. L’ordonnance dissout le gouvernement provincial qui continuera plutôt à exister dans les cinq autres provinces, à savoir le Kongo central, les Nord et Sud Kivu, le Maniema et la ville-province de Kinshasa. Dans les 21 nouvelles provinces, les nouvelles autorités politico-administratives n’ont de compte à rendre qu’au gouvernement central, basé à Kinshasa. Autrement dit, adieu le contrôle parlementaire au niveau des assemblées. Sauf, dans les cinq provinces qui ont échappé au démembrement. Naturellement, les 63 commissaires spéciaux et leurs adjoints ont été principalement coachés par le PPRD et ses alliés de la MP. Au parfum de cette cabale, il y a quelque temps, notre consoeur Tempête de tropiques avait titré « le Chef de l’Etat scandalisé par’ la liste des commissaires spéciaux ». La Raison ? 19 des 21 commissaires spéciaux venaient du PPRD. Qu’à cela ne tienne !

 

La MP fait désormais carton plein dans ta gestion de la Res publica. Les bourgmestres et leurs adjoints dans les communes, les commissaires spéciaux et leurs adjoints dans les 21 nouvelles provinces, les gouverneurs et vice- gouverneurs dans les 5 provinces non démembrées ainsi que le gouvernement central, tous portent la couleur MP. La boucle est ainsi bouclée. Voilà le crime parfait.

 

Ce forfait est commis sur le dos de la population restée indifférente par rapport à la nomination de ces commissaires spéciaux. De l’autre côté, l’Opposition politique, qui devait jouer le contrepoids, est plongé dans un profond sommeil, incapable de jouer efficacement son rôle. Ainsi se perd peu à peu le charme de la démocratie en RDC, en péril. Par la faute de la gloutonnerie de la Majorité au pouvoir.

 

LE POTENTIEL