Nomination des commissaires spéciaux : Delly Sesanga renvoie E. Boshab aux études

Lundi 30 novembre 2015 - 12:19

Le Vice Premier ministre aurait du démarrer son propos par des excuses pour avoir induit la République en erreur. Lors de l’adoption de la loi sur la programmation de l’installation des nouvelles provinces, il avait opiné lors des débats qu’il installerait les nouvelles provinces dans les délais. Le débat de ce jour sonne comme un tocsin de l’échec de sa politique en la matière, et non pas de la toxine encore que la cloche retentit et ne secrète point.

 

Je voudrais faire quelques observations liminaires afin de remettre le Vice-Premier ministre sur la voie des principes. Le ministre soutient que la loi portant principes de libre administration des provinces le fonde à substituer l’autorité du pouvoir central aux provinces. Cette affirmation est excessive parce qu’en fait de substitution du pouvoir central prévue à l’article 66 de la loi n°08/12 du 31juillet 2008 ne concerne que les matières relevant de la compétence exclusive du pouvoir central (article64 de la même loi). Pour toutes les autres matières relevant de la compétence exclusive des provinces, le pouvoir central ne peut s’y substituer qu’en vertu des édits provinciaux les habilitant à cet effet (article 62 alinéa 2 de la même loi). Que deviennent ces matières pour lesquelles l’assemblée’ provinciale est compétente et sur les quelles les Commissaires spéciaux sont dépourvus de la moindre prérogative ? Le Vice premier ministre devrait se garder de soutenir pareille monstruosité juridique !!!

 

Le ministre pèche également par activisme politique lorsqu’il fonde son raisonnement sur l’école réaliste du droit, faisant l’apologie de la force et de la violence faites aux textes. Le système de référence de notre régime juridique est celui de l‘Etat de droit où la force est au service du droit et non pas l’inverse soumettre le droit aux rapports de force. C’est une source d’anarchie et de négation de tout ce qui a été entrepris pour la construction démocratique dans notre pays depuis plusieurs décennies. Et je comprends la source de nos divergences.

 

La Constitution de a République institue deux échelons d’exercice du pouvoir d’Etat le pouvoir central et les provinces, placés sur un même pied d’égalité et jouissant en droit d’une égale protection de la Constitution.

 

Le pouvoir y est dévolu uniquement en vertu du suffrage universel. La province est une composante politique du territoire, dotée de la personnalité juridique, gérées par les organes locaux que sont l’Assemblée provinciale et le gouvernement provincial (Art. 3 de la Constitution, rappelées par l’article 2 de la loi sur la libre administration des provinces). Cette gestion est la marque de son autonomie, sans laquelle il y a rupture de son fonctionnement régulier.

 

Dès lors, les décisions que soutient le ministre créent une situation d’anarchie7 qui appelle de notre part deux questions essentielles.

 

D’abord, Monsieur le vice-Premier ministre, pouvez vous expliquer à la représentation nationale, sur pied de quelle disposition constitutionnelle ou légale vous êtes-vous permis d’instruire les présidents des bureaux des Assemblées provinciales des provinces démembrées, de suspendre les activités de leurs chambres jusqu’à nouvel ordre ? Vous vous êtes « auto-investi » du pouvoir de dissolution des Assemblées provinciales en violation de la Constitution, en étant votre propre censeur.

 

Vous êtes de ce point de vue dangereux pour la République et pour la démocratie !!!

Monsieur le vice-Premier ministre, d’où tirez-vous le pouvoir de créer et de nommer à la tête Odes provinces, entités politiques régionalisée par la Constitution, ces fameux commis spéciaux, en lieu et place des gouverneurs élus, et qui ne répondent, en principe de personne que de vous même ? En fait de défense, vous assumez en réalité une monstruosité juridique, inclassable dans la nomenclature des autorités politico-administratives.

 

En réalité, Honorable président, par ces décisions dont il emporte la responsabilité, le Vice premier ministre a décidé volontairement d’anéantir une des réformes majeures de notre démocratie en portant un coup de grâce à un des fondements constitutionnels de notre République, à savoir : l’autonomie des provinces. Vous avez de fait confisqué l’expression du suffrage universel, le droit de vote des citoyens, en vous en attribuant l’exercice. C’est une faute.

 

En effet, en ordonnant sans qualité ni titre aux Assemblées provinciales de cesser toute activité, le Vice premier ministre n’a poursuivi d’autre objectif que de plonger les provinces dans un délabrement institutionnel, pour favoriser leur mise en coupe réglée sous la férule du pouvoir central, dont il tire désormais les ficelles.

 

Rien, dans la loi ni dans la Constitution ne lui donne le pouvoir de neutraliser le pouvoir provincial comme il l’a fait. Privées de leurs assemblées, ces provinces sont réduites aux régions centralisées de l’époque de la deuxième République. Ces commissaires spéciaux, .catapultés par la magie des combines partisanes à la tête des provinces, ressemblent par le titre et la fonction aux commissaires sous-régionaux, de districts ou encore des régions de l’époque de Mobutu sous la deuxième République, qui avait ainsi réagi des 6 janvier 1966, en réduisant les provinces aux prolongements du pouvoir central, sans autonomie, et en transformant leurs responsables en des représentants serviles du pouvoir central... Je pensais que M. le vice-Premier ministre était dans la Révolution de la modernité, mais il nous a baladé dans le Reculons dans la modernité. Car, avec lui, nous avons reculé d’au moins 50 ans dans notre histoire institutionnelle !!!

 

Je sais que le ministre se cache derrière la Cour constitutionnelle pour justifier sa monstruosité juridique. C’est un argument d’autorité, dénué de fondement. Certes, la Cour a demandé au gouvernement de prendre les mesures exceptionnelles. Dont acte. Mais, le vice-Premier ministre qui est un publiciste, sait qu’en droit constitutionnel, au nom du principe de l’effectivité de la décision de la Cour prévue à l’article 168 de la Constitution, la Cour n’ayant pas prescrit la nature de ces mesures exceptionnelles ; nous sommes en présence d’une interprétation constructives et non directive. En effet, la Cour laisse ainsi au gouvernement le choix de la nature de ces mesures exceptionnelles, qui pour être exceptionnelles ne doivent néanmoins pas déroger au cadre juridique de référence, ni violer la Constitution. Et, en l’occurrence, il y avait moyen d’y échapper. Je ne m’explique pas que la Constitution de 2006, qui édictait déjà un régime exceptionnel pour la gestion des provinces, en faisant gérer ces entités par les Assemblées et les gouverneurs de 11 provinces au lieu de se précipiter dans la violation de la Constitution. La propension du ministre de l’Intérieur à s’accorder des compétences en dehors du cadre constitutionnel est une tendance qu’il faut arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

 

 

Dans les faits, personne n’est dupe. Monsieur le Ministre a voulu soustraire l’administration des provinces du règne de la loi pour le placer sous sa dépendance personnelle au service d’un camp politique. Enseignant de droit public, il sait avec pertinence que si notre Constitution place le fonctionnement des institutions sous le régime de l‘Etat de droit c’est justement pour éviter ce clientélisme d’un autre âge. Car comme l’écrivait Jean-Jacques Rousseau, dans sa huitième lettre de la montagne « un peuple fibre obéit, mais il ne sert pas; il a des chefs et non pas de maîtres; il obéît aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes ». C’est comme cela que l’on échappe au pouvoir des tyrans et des dictateurs.

 

Mais, en soustrayant du joug de la loi, le fonctionnement des provinces, Monsieur le ministre, vous avez orchestré la mise à sac des institutions, de notre constitution en niant ses fondements juridiques en sortant de son cadre de référence. Pour ces raisons, sous réserve des conclusions, que l’on tirera de ce débat, nous entendons réserver à ce comportement antirépublicain li sanction la plus sévère qui soit pour un membre du gouvernement qui est sorti du cadre de la République.

 

Honorable DELLY SESANGA

HIPUNGU DJA KASENG